La Tribune de Lyon

À Collonges, le grand rendez- vous des aff aires

L’Auberge de Paul Bocuse a toujours marié les affaires à la bonne chère. Le prestige, l’apparat et la conviviali­té qui accompagne­nt les repas dans le restaurant 3 étoiles en ont fait un lieu incontourn­able des dossiers rondement menés.

-

Lieu de conviviali­té et de prestige à l’échelle internatio­nale, l’Auberge de Collonges est logiquemen­t, depuis des dizaines d’années, une table exceptionn­elle pour conclure des affaires. Le nombre de deals qui y ont été conclus, la quantité de contrats qu’un rendez- vous chez Monsieur Paul a simplement aidé à est naturellem­ent incal- culable. encore là". « faire glisser » , « Paul Bocuse a beaucoup apporté à l’économie lyonnaise, c’est certain ! » ,

estime Yvan Patet, patron du groupe immobilier em2c. Même s’il juge que « c’est avant tout valable pour la clientèle étrangère, un peu moins pour la lyonnaise qui voit l’endroit davantage comme un lieu familial et de réseau local » , ajoute- t- il. François Turcas, président de la CPME ( la confédérat­ion des PME), apporte la même nuance : « Avec les Américains, les Russes ou des invités du MoyenOrien­t, c’est un passage obligé. Ces derniers temps, certains ajoutaient même vouloir venir Mais on n’invite pas tout le monde là- bas ! Il y a aussi les "tant qu’il est « Paul Bocuse a beaucoup apporté à l’économie lyonnaise, c’est certain ! » brasseries de Bocuse, qui sont fantastiqu­es. Collonges, c’est la récompense quand on veut faire plaisir… » Le voyagiste Laurent Abitbol, patron du groupe Marietton, est lui- même un conquis de longue date : « J’y ai fait toutes mes fêtes, mes soirées personnell­es, mais j’y ai aussi bouclé tous mes grands dossiers. » Il ne se lasse d’ailleurs pas de raconter à ce sujet l’histoire du rachat du géant Havas Voyages, en 2015. Il est à cette époque pris de doutes sur la décision à prendre. « Alors je suis allé déjeuner tout seul chez Bocuse. C’est là que je prends toutes les décisions importante­s pour le groupe. J’adore le poulet et je me suis dit :

"Si on me sert la cuisse en premier, j’achète. Si on me sert d’abord l’aile, je n’achète pas". Et on m’a amené la cuisse en premier… » a donc racheté Havas. « Une ambiance particuliè­re. » ( photo ci- contre), Il

À l’instar de Jean- Michel Aulas avec l’OL Yvan Patet, lorsqu’il était président du LOU Rugby, n’hésitait pas non plus à inviter chez Bocuse les dirigeants des clubs visiteurs.

« Et pour le groupe em2c, Bocuse a accompagné la finalisati­on de nombreux beaux dossiers. Il y a une ambiance particuliè­re dans cette antre. 80 % du temps, il y a un anniversai­re lorsque vous y allez. Il y a du coup la musique qui l’accompagne, mais aussi le ballet des maîtres d’hôtel, des serveurs. Même la façade est un spectacle en soi. » Laurent Abitbol abonde dans son sens :

« On mange bien, c’est copieux et c’est un show : quand le poulet arrive, on le découpe devant vous, on regarde, cela interrompt brièvement les conversati­ons… Cela fait toute la différence » .

Et cela fait longtemps que c’est le cas, puisque même le père d’Yvan Patet ne s’y prenait pas autrement pour amadouer des relations d’affaires. « Il y a trente ou quarante ans, il était président de CNR, la Compagnie nationale de radiologie, une filiale de Thomson. Il avait déjà ce réflexe à l‘ époque d’inviter des fournisseu­rs étrangers, japonais par exemple. » « Un mythe, un fantasme… »

Au fil des ans, le rayonnemen­t et le prestige de Bocuse n’ont jamais faibli. L’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon et actuel PDG de Serfim Guy Mathiolon, peut en témoigner :

« À l’internatio­nal, quand je me présentais comme président de la CCI, la première chose que me demandaien­t les restaurate­urs, c’est comment s’inscrire aux Bocuse d’Or, que ce soit en Chine, au Japon ou à l’Île Maurice… » « Même des hommes d’affaires revenus de tout, Russes, Américains… reconnaiss­ent que Bocuse c’est une autre dimension, Et quand il venait à leur table, c’était un grand honneur de lui serrer la main, de se faire prendre en photo. Pour certains, c’était comme le pape, un mythe, un fantasme quand ils venaient à Lyon » . embraye François Turcas.

Une apparition fugace et quasi mystique qui aura ainsi présidé sur des décennies d’affaires nouées dans la conviviali­té d’une table à la renommée planétaire. DAVID GOSSART

Newspapers in French

Newspapers from France