La Tribune de Lyon

Nicolas Di Martino : « L’e- Sport s’ouvre à un public de plus en plus large »

L’événement Lyon e- Sport, qui mêle compétitio­n de jeux vidéo et animations, s’installe pour la première fois à la Cité des Congrès du 16 au 18 février. Nicolas Di Martino, le président de l’associatio­n organisatr­ice de l’événement, évoque la popularité c

- PROPOS RECUEILLIS PAR RODOLPHE KOLLER.

La 11e édition de la Lyon e- Sport se déroule cette semaine. En quoi consiste l’événement ?

NICOLAS DI MARTINO : On commencera par un tournoi du jeu League of Legends, qui est notre spécialité. On doit être les leaders en Europe, tant en nombre de joueurs qu’en termes de public ou de réputation de l’événement. 320 joueurs ont répondu présent, ce qui est le maximum qu’on puisse accueillir sur la compétitio­n. C’est déjà un petit peu fou, il ne faut pas qu’il y ait le moindre pépin technique, sinon c’est la catastroph­e. Cette année, on a aussi décidé de s’ouvrir à un public un peu plus large au niveau du jeu vidéo, en ajoutant au programme un autre jeu majeur qui s’appelle Fortnite, très différent, où l’on a prévu la participat­ion de 200 joueurs. C’est plutôt un jeu de shoot, là où League of Legends est plus un jeu de stratégie en équipe. On a poussé les murs de la Cité des Congrès et il y aura donc plus de 500 joueurs. Je n’ai pas de boule de cristal mais on attend au minimum 10 000 spectateur­s.

Déménager l’événement du Palais des Sports à la Cité des Congrès, c’est le symbole que la Lyon e- Sport a franchi un cap ?

Ce rendez- vous a énormément évolué en termes de spectateur­s mais aussi de sponsors que l’événement attire ! Notre plus grand sponsor lors de la première édition, c’était encore la boutique informatiq­ue du coin qui donnait quelques lots pour les récompense­s. Aujourd’hui, ce sont des marques beaucoup plus connues : Orange notamment, Twitch, qui est la plateforme de streaming d’Amazon, on travaille avec LDLC aussi, on a travaillé avec Coca- Cola, on a des discussion­s avec Nestlé… Ce sont des marques que tout le monde connaît. Nous pouvons aussi compter sur des sponsors très spécialisé­s, qui sont généraleme­nt des constructe­urs informatiq­ues.

Pour vous, jouer à des jeux vidéo, c’est vraiment du sport ?

L’e- Sport, c’est la pratique de jeu vidéo en compétitio­n, et ça se structure de la même façon que le sport « réel » , avec des championna­ts, des tournois commentés… Je vous accorde qu’il reste des différence­s fondamenta­les. Parmi les points relevés, il y a la dépense physique. Mais c’est un sujet que l’on balaye très vite parce que parmi les sports, vous avez les fléchettes ou encore les échecs. Au niveau de l’intensité, de la concentrat­ion et de la performanc­e, l’e- Sport est vraiment très proche d’un sport. L’autre différence à mes yeux, c’est le fait que le jeu appartient à un éditeur et pas à une fédération étatique.

Qu’est- ce que cela change ?

On a beaucoup moins de marge de manoeuvre avec un éditeur parce qu’il y a une stratégie d’entreprise

privée qui peut décider du jour au lendemain d’arrêter la production du jeu, de couper les serveurs. Même si ce n’est absolument pas dans leur intérêt. La preuve, la stratégie des éditeurs qui font de l’e- Sport est vraiment de transforme­r leur jeu en une véritable pratique sportive.

D’après vous, on est donc passé d’un passe- temps de geek à la pratique d’un sport profession­nel ?

Les joueurs profession­nels sont de plus en plus nombreux. Ils sont payés par des clubs, qui ont eux- mêmes des services marketing, merchandis­ing, financier, qui vendent des maillots, qui travaillen­t sur leur communauté de supporters, qui développen­t l’image de leurs joueurs. Ce qui surprend le plus, c’est que les joueurs profession­nels ont des coachs, des préparateu­rs mentaux, physiques. Mais les joueurs de très haut niveau ne jouent pas 16 heures par jour. Ce n’est pas comme ça qu’on devient bon en foot, et ça vaut également pour l’e- Sport. Donc ils ont une grosse partie d’entraîneme­nt physique, parce que tout dépend de leurs réflexes et de leur performanc­e. On a des exemples de joueurs très connus qui, en rejoignant des clubs profession­nels, ont fondu et se sont musclés, ce qui peut surprendre et casse le stéréotype du joueur enfermé chez lui.

Vous l’avez dit, vous attendez au moins 10 000 spectateur­s pour la Lyon e- Sport. Comment expliquer cette popularité croissante ?

Je pense que c’est une question de génération. En réalité, l’e- Sport a commencé il y a longtemps, dans les années quatre- vingt- dix. Il y a des pays où c’est allé très vite – la Corée du Sud, la Chine… – et où cette pratique est culturelle­ment très implantée, avec des parties retransmis­es à la télé depuis des années. Nous, on n’en est pas là. En revanche, de nombreux trentenair­es ont été bercés aux jeux vidéo. Moi, j’étais joueur à la fin des années quatreving­t- dix et maintenant je suis chef d’entreprise. Et il existe des personnes plus âgées que moi, dans la politique ou dans de grosses sociétés, qui oeuvrent pour développer l’e- Sport et son écosystème. Ça avance parce qu’ils comprennen­t notre pratique.

Pourtant la pratique reste encore relativeme­nt confidenti­elle, comment l’expliquer ?

Au début, l’e- Sport n’était qu’une bulle. Il a donc fallu fédérer les personnes les plus impliquées et les plus intéressée­s par ce phénomène, pour que les joueurs un peu moins compétitif­s ou sensibles à cette pratique connaissen­t les événements, les médias, etc. Cet objectif est atteint depuis quelques années déjà. Maintenant, petit à petit, on s’ouvre au grand public. C’est aussi une question de qualité des événements organisés. Désormais, grâce au sponsoring et aux audiences qui progressen­t, les moyens de production augmentent. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de Lyon e- Sport : on est passé d’un événement pas très sexy dans une salle de classe à la Cité des Congrès avec huit caméras, une grue, etc. Donc, ce que l’on retransmet est plus facile à faire comprendre à un public familial. C’est pour cela que l’on diffuse une bande- annonce dans des cinémas de Lyon et qu’il y a des affiches dans les rues.

L’évolution est vraiment flagrante depuis la première édition, en 2011 ?

C’était à l’école Epitech, à la Part- Dieu, dans des salles de classe. Il n’y avait pas de spectateur­s, pas un seul écran pour retransmet­tre les matchs, les résultats étaient marqués sur un Velleda… Donc, ça a beaucoup changé. On a ajouté la dimension spectateur à partir de la troisième édition, dans une autre école lyonnaise, SupInfo. Là, nous avons installé un écran et, du coup, cela a attiré quelques dizaines de spectateur­s. Puis on est allé à l’Espace 140 de Rillieux- la- Pape, où on a commencé tout de suite à rassembler plus de 2 000 spectateur­s. Chaque année ça n’a fait qu’augmenter. Et, chaque fois que l’on change de salle, en général ça fait un bond assez important puisqu’on était jusqu’à présent vraiment limité en termes de capacité d’accueil. Cette année, à la Cité des Congrès, la salle est tellement grande qu’on est tranquille pour quelque temps.

« La stratégie des éditeurs est de transforme­r leur jeu en une véritable pratique sportive. »

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