Critiques. Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré - En guerre, de Stéphane Brizé - Everybody knows, d’Asghar Farhadi
Il y aura donc eu deux très beaux films français sur les
amours homosexuelles au temps du sida des années quatre- vingtdix : 120 battements par minute l’an passé et ce beau film d’Honoré aujourd’hui. La comparaison s’arrête là. Le film d’Honoré est avant tout un autoportrait intime et rétrospectif, en forme de mélo distancié. Après un temps d’adaptation, le film s’envole vers une tendresse inconnue jusqu’ici du cinéma d’Honoré. Trois acteurs au sommet ( ne pas oublier Podalydès !) pour peindre trois visages et trois âges de l’homosexualité : le jeune homosexuel qui se ment encore un peu à lui- même, le voisin plus dévoué à son ami qu’à sa propre cause, et l’écrivain malade du sida qui bute contre une mort annoncée.
« Saillir la beauté » , voler des instants tant qu’il est encore temps, c’est le beau projet de ce mélo souvent drôle, ne grossissant jamais les sentiments de ses personnages, étreignant les instants les plus simples d’une vie. Le fantôme caressant d’un amour aimé revenant à la surface dans une baignoire, des larmes tues sur Anne Sylvestre dans une voiture ou la dignité des derniers instants d’amitié dans une dernière scène bouleversante au- delà des mots… Dans une forme cinématographique plus ambitieuse qu’à l’accoutumée, Honoré aura filmé la plus douce des tendresses chez des personnages prenant l’air de rien, plus soin des autres que d’eux- mêmes, chacun touché en plein coeur par ce renoncement douloureux d’être encore vivant en ne pouvant plus tout à fait vivre sa vie.