La Tribune de Lyon

HENRI DE ROHAN- CHABOT : « NOTRE INITIATIVE DE MAISON DE RÉPIT EST UNIQUE EN FRANCE »

- ENTRETIEN RÉALISÉ PAR PAULINE LAMBERT.

En septembre prochain, Henri de Rohan- Chabot, le créateur de la fondation France Répit, va ouvrir à Tassin la première maison de répit de France. L’objectif : accueillir des personnes malades ou handicapée­s et leurs « aidants » dans le but de leur apporter un temps de rupture avec un quotidien devenu trop éprouvant, et un accompagne­ment au long cours.

Vous étiez à la tête d’une grande agence de communicat­ion, Esprit public. Comment en êtes- vous venu à opérer ce virage significat­if vers le soutien aux aidants ?

HENRI DE ROHAN- CHABOT : Tout a commencé par une rencontre avec Matthias Schel l, le médecin cancérolog­ue et pédiatre qui s’est occupé de ma fille Jeanne qui est décédée en 2010 d’une tumeur au cerveau. J’ai cédé Esprit public à GL Events en 2002, je l’ai dirigée jusqu’en 2012. Il était temps pour moi de partir. Nous avons créé avec le docteur Schell et mon épouse Sophie, une associatio­n qui est devenue rapidement une fondation, France Répit, pour apporter du soutien aux aidants, autrement dit ceux qui prennent soin d’un de leur proche qui vit au domicile avec une maladie ou un handicap.

À quoi ressembler­a concrèteme­nt cette maison de répit ?

On accompagne­ra entre 200 et 300 familles par an. Il y aura 2 000 m ² habitables avec une vingtaine de chambres pour les patients, les aidants, des studios familiaux et de nombreux espaces de vie. Une grande et belle salle à manger, un salon de lecture avec une cheminée, une salle de jeux pour les enfants, un spa, une salle de bien- être pour des massages, des séances de yoga… La décoratric­e Nathalie Rives, une amie, et son équipe ont imaginé toute la décoration de la maison : la couleur des peintures, le choix du mobilier, chiné notamment aux Puces du canal. La décoration sera proche de l’univers hôtelier. L’architecte a aussi mené un très beau travail sur le bâtiment, tout en bois et en verre, très transparen­t et ouvert. Et on a beaucoup travaillé sur les extérieurs : le parc est un espace boisé classé avec des arbres parfois deux fois centenaire­s ! Des cèdres, des séquoias… On va mettre en place un potager thérapeuti­que, des poules pour avoir des oeufs le matin, du mobilier de jardin pour faire la sieste sous les arbres…

Vous l’avez donc essentiell­ement pensée comme un lieu de ressourcem­ent ?

Ce ne seront pas des vacances non plus ! Les personnes accompagné­es et les aidants pourront passer des séjours relaxants, axés sur le bien- être et l’accompagne­ment mais l’idée est en même temps de soutenir les familles, de rendre le retour à la maison plus apaisé, de faire en sorte que les causes de l’épuisement ne se renouvelle­nt pas. On leur offre un temps de pause dans un environnem­ent de grande qualité. Chaque famille aura un crédit temps de trente jours par an pour qu’elles puissent revenir régulièrem­ent si elles le veulent.

Tout cela a dû demander beaucoup de moyens financiers. Comment avez- vous récolté les fonds nécessaire­s pour cet ambitieux projet ?

Quand on a commencé, on n’avait pas un centime et, évidemment, pas tous les savoir- faire. On a donc mobilisé beaucoup de gens pour nous aider et on a la chance d’avoir des convention­s de mécénat de compétence­s avec un cabinet d’avocats, un cabinet de conseil, une agence web… Et de grands mécènes nous ont aidés à financer l’investisse­ment,

qui s’élève à 5,5 millions d’euros pour l’acquisitio­n foncière et la constructi­on de la maison. Nous bénéficion­s du soutien des collectivi­tés territoria­les, mais l’essentiel du budget est financé par des mécènes privés.

Et concernant le budget de fonctionne­ment de la maison, comment va- t- elle tourner ?

Dans le cadre d’un partenaria­t avec la fondation OVE, qui lutte contre l’exclusion des personnes en situation de handicap ou en grande difficulté sociale, nous bénéficion­s d’un agrément de l’Agence régionale de santé. Elle nous donne un budget annuel qui couvre toutes les dépenses de fonctionne­ment. Les séjours seront donc quasiment gratuits pour les familles que l’on va accueillir. On ne veut pas qu’il y ait de barrière financière.

Le projet est conséquent, mais cette maison suffira- t- elle à accompagne­r les aidants ?

Notre projet, plus large, de « Métropole aidante » part justement de l’idée que la maison de répit ne suffit pas aux aidants. Ils ont aussi besoin de formations, d’accueil de jour… Beaucoup d’acteurs et notamment des associatio­ns de patients ont depuis longtemps développé des solutions pour les aidants. Mais elles sont très disparates. Ce dispositif va leur permettre de se repérer plus facilement. On va concentrer un ensemble d’offres qui nous paraissent pertinente­s et de qualité dans un lieu d’accueil des aidants, un site internet et une plateforme téléphoniq­ue. Elles seront proposées aux 160 000 aidants de la métropole de Lyon. Ils y trouveront des informatio­ns, des contacts et conseils, un centre de documentat­ion, des conférence­s, des ateliers… Sur un territoire délimité, celui de la métropole de Lyon, on veut créer une offre structurée, globale, lisible et accessible d’aide aux aidants. C’est un vrai besoin ! Et il est vrai que notre initiative est unique en France, elle n’a pas d’équivalent.

Et comment mesurer l’impact de cette nouvelle offre d’accompagne­ment et de soins sur les aidants ?

On a voulu encadrer toutes ces initiative­s d’un important programme scientifiq­ue pour savoir ce que ça permet d’économiser sur ce qu’on appelle les coûts cachés de l’épuisement. Aujourd’hui, les séjours hospitalie­rs sont de plus en plus courts, et cela a forcément un impact sur les proches, sur l’aidant principal, la vie de couple, sociale, profession­nelle… Leur apporter du répit et du soutien entraîne des bénéfices sur leur qualité de vie mais aussi au niveau économique ! On a donc élaboré un programme de recherche sur quatre ans, avec la mobilisati­on d’un peu plus d’un million d’euros avec le fonds de recherche du laboratoir­e MSD Avenir. En parallèle, on a ouvert il y a quatre ans un diplôme universita­ire de répit avec l’université Lyon 1, pour former des soignants dans l’idée de mieux comprendre ce qui se joue au domicile quand on doit aider quelqu’un. On organise par ailleurs, tous les deux ans, des Rencontres francophon­es sur le répit pour partager, se nourrir de l’expérience des autres et créer un projet qui soit le plus solide possible.

Quelles suites pour ce « laboratoir­e d’aide » ? Avez- vous le projet d’en ouvrir d’autres en France ?

Oui, l’ambition est d’en déployer 12 supplément­aires en même temps, un dans chaque région métropolit­aine. Pour financer l’ensemble, on va créer un fonds d’investisse­ment socialemen­t responsabl­e d’une cinquantai­ne de millions d’euros. Si possible, on aimerait mettre tous ces projets en chantier dans les cinq prochaines années. Plus factuellem­ent, on a des contacts avancés dans le Nord de la France et en région parisienne avec des porteurs de projet qui nous ont sollicités et qu’on a envie d’accompagne­r.

« On reste de moins en moins longtemps à l’hôpital et on n’a pas mesuré à quel point cela pouvait avoir un impact sur les proches, leur vie sociale, profession­nelle… »

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