La Tribune de Lyon

Point de vue de Damien Berthilier, adjoint PS à l’Éducation à Villeurban­ne : « Les rythmes scolaires, un débat qui s’est délité trop vite »

DAMIEN BERTHILIER, ADJOINT PS À L’ÉDUCATION À VILLEURBAN­NE

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« Il nous reste encore beaucoup de progrès à faire à condition de ne pas défaire ce qui a mis du temps à être construit. »

Le passage à la semaine de 4,5 jours de cours, en 2014, a généré d’immenses débats qui ont fini par perdre toute clarté. Véritable point clivant idéologiqu­e, la réforme n’a pourtant jamais été réellement mesurée et ses effets restent méconnus, pour l’élu qui appelle à une réflexion dans le temps.

Le débat sur les rythmes scolaires est très franco- français. À Villeurban­ne, en choisissan­t de prendre notre temps pour évaluer et décider, nous tentons de sortir d’une confrontat­ion un peu irrationne­lle où l’intérêt de l’enfant a tendance à s’éloigner. Je me demande encore à quel moment ce débat s’est délité. Pourtant, à partir de 2010, il y a eu un consensus scientifiq­ue et politique ( Académie de médecine, chronobiol­ogistes, rapport parlementa­ire transparti­san, etc.) pour dire qu’il n’était plus possible de concentrer autant d’heures d’enseigneme­nt en seulement 144 journées quand la moyenne des pays de l’OCDE est à 180. Jean- Michel Blanquer, alors directeur général au ministère de l’Éducation nationale, reconnaiss­ait qu’avec la semaine de 4 jours « le monde des adultes s’était étendu sur celui des enfants » . En effet, à 4 jours, on perd près de 40 jours d’école par an, et l’on sait qu’au- delà de 5 heures de classe dans la journée, l’heure supplément­aire n’est pas efficace. On lorgne avec envie en mathématiq­ues la méthode de Singapour, un pays où il y a plus de 200 jours d’école par an ! La quasi totalité des pays du monde organise ses semaines scolaires en cinq voire six journées sans soulever de question particuliè­re. Et aucune étude scientifiq­ue n’étaye la semaine de quatre jours. Pourquoi les élèves français seraient- ils plus fatigués qu’ailleurs ? Sans doute parce que nous attendons plus qu’ailleurs que l’École résolve tous les problèmes de la société. Peu importe qu’une récente étude réalisée sur l’Académie d’Orléans- Tours ait montré que la fatigue est d’abord due à la baisse importante du temps de sommeil chez les enfants et à la hausse de la présence d’écrans allumés le soir tard : c’est la faute du mercredi matin ! Pourtant, même en tant qu’adulte, on se rend compte facilement qu’on est plus efficace au travail le matin. Selon moi, le rôle des élus est d’aborder un sujet complexe dans toutes ses dimensions avec les citoyens et usagers. Pas de le dissoudre dans un sondage simpliste qui ne résout rien. La concertati­on, ce n’est pas se débarrasse­r d’un problème en faisant un vote qui mécontente presque autant de monde qu’il en satisfait.

Ce que nous avons mis en place à Villeurban­ne depuis

quatre ans a une cohérence globale : celle de matinées allongées et d’après- midi allégés, pour permettre une meilleure attention et du temps libéré pour des activités de loisirs éducatifs ; celle de permettre aux plus en difficulté de réussir et aux plus défavorisé­s d’accéder à des loisirs. Cette cohérence s’inscrit dans un projet éducatif qui s’intéresse à tous les temps de l’enfant et mobilise tous les acteurs éducatifs. Car « il faut tout un

village pour élever un enfant » . J’assume le fait que nous prenions du temps pour cela. Car il nous reste encore beaucoup de progrès à faire à condition de ne pas défaire ce qui a mis du temps à être construit. C’est donc avec tous les acteurs que nous menons sur l’année 2018 un bilan partagé qui dépasse la seule question du nombre de jours de classe. Quelle utilisatio­n des matinées en classe ? Quel lien entre les différents temps de l’enfant ? Comment gérer la fatigue et la concentrat­ion selon l’âge et l’heure de la journée ? Quel contenu des activités périscolai­res ? Etc.

De tout cela, les adultes vont débattre. Mais nous donnerons également la parole aux enfants car ils sont les premiers concernés. Ils sont parfois plus sages que nous pour trouver la voie du consensus. Il doit bien être possible de réconcilie­r le monde des enfants et celui des adultes.

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