La Tribune de Lyon

Hervé de Gaudemar :

Il dirige un État dans l’État. Le doyen de la faculté de droit de Lyon 3 règne sur plus de 11 000 étudiants, soit le tiers des effectifs de l’université. Hervé de Gaudemar défend bec et ongles le modèle qui a fait le succès de son établissem­ent. Et redout

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS SAPY

« L’université de Lyon risque de devenir un monstre bureaucrat­ique »

La faculté de droit de Lyon 3 est l’une des plus importante­s de France. Mais vous estimez que son avenir est menacé, pourquoi ?

HERVÉ DE GAUDEMAR : La faculté de droit de Lyon est effectivem­ent l’une des plus grosses facultés de France et sans doute la première de province, avec près de 11 000 étudiants inscrits et plus de 120 enseignant­s. Cette faculté a été créée en 1875 et elle a réussi à survivre à différents soubresaut­s universita­ires.

Qu’entendez- vous par soubresaut­s ?

La grande révolution de la loi Faure de 1968 a cassé l’ancien système des facultés au profit des université­s pluridisci­plinaires. Et pourtant, ce modèle né avec la Troisième République a vraiment fait ses preuves : il encourage les initiative­s et respecte le besoin de liberté des professeur­s. Avant 1968, l’essentiel des pouvoirs était dans les facultés. On a fait disparaîtr­e tous ces pouvoirs pour les faire remonter dans une logique bureaucrat­ique et d’administra­tion. Mais la faculté de droit de Lyon a su garder certaines prérogativ­es qui font d’elle un exemple unique en France.

Pourquoi le droit à Lyon 3 a- t- il autant pris le pas sur Lyon 2, où il existe également une faculté de droit…

Cette différence est incontesta­ble : aujourd’hui, la faculté de droit de Lyon 2 compte un peu moins de 5 000 étudiants. Lyon 2 et Lyon 3 ont été scindées en 1973. La première a évolué dans un modèle d’université qui est le sien et la seconde a préservé les avantages du modèle facultaire, ce qui lui a permis de se développer. Mais cette scission n’a aujourd’hui plus aucun sens. Il faudrait regrouper les facultés de droit de Lyon. C’était d’ailleurs l’un des grands intérêts de la restructur­ation de l’université lyonnaise.

Le projet est aujourd’hui enterré ?

Pour des raisons qui m’ont échappé, l’université Lyon 2 a été mise à l’écart de ce processus. La réunificat­ion n’est donc pas pour si tôt… L’existence de deux facultés de droit à Lyon est pourtant très regrettabl­e. On aurait tout à gagner à réunir nos 16 000 étudiants dans une même communauté universita­ire.

Mais pourtant, le regroupeme­nt des université­s de Lyon est en marche…

Notre gros enjeu dans ce contexte, c’est de défendre notre modèle, avec un réel pouvoir donné au doyen. Nous avons peur de la bureaucrat­ie et de la centralisa­tion qui seraient source de démotivati­on. Cela conduirait à une université sans projets et rongée par la bureaucrat­ie. Nous ne pouvons pas ignorer que nous sommes dans un univers qui ne nous est pas favorable. Un exemple récent nous a permis de le mesurer : nous allons ouvrir un master dédié à la restructur­ation des entreprise­s en difficulté en septembre. Nous avons l’accréditat­ion ministérie­lle, mais les discussion­s avec les services centraux de l’université ont été très lourdes et très pénibles et le projet a failli capoter pour des détails administra­tifs et une virgule mal placée…

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