La Tribune de Lyon

Point de vue de Philippe Liotard, Anthropolo­gue à l’Université Lyon 1 : Pour une histoire de la scène punk à Lyon

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PHILIPPE LIOTARD, ANTHROPOLO­GUE À L’UNIVERSITÉ LYON 1*

Le mouvement punk, vraiment No Future ? « Loin de là » , clame Philippe Liotard : à Lyon, le punk est bien vivant, et surtout héritier d’une longue histoire, célébrée et étudiée ce week- end. Un certain éloge de la liberté. Nous sommes dans le No Future ! Le slogan No Future est le grand malentendu du punk. En 1977, quand les Sex Pistols chantent God save the queen, ils ne rejettent pas LE futur, ils rejettent le futur qu’incarne la reine, le futur tracé d’une société policée. En revanche, ils affirment qu’ils sont le futur, un futur sur lequel les pouvoirs n’ont pas de prise. Ils revendique­nt un autre futur. Dans ce futur, nous y sommes. Dans la seconde moitié des années 1970, le mouvement punk connait plusieurs foyers. Au moment où le punk commence à bousculer l’Angleterre, à Lyon, des groupes ont déjà émergé et lancent le mouvement, un mouvement pluriel, bien éloigné des représenta­tions stéréotypé­es dominantes sur le punk. La scène punk à Lyon, 40 ans de créations et d’initatives. Avec Starshoote­r, Electric Callas ou Marie et les Garçons ( qui joue au festival punk de Mont- de- Marsan en 1977) ces premiers groupes, filmés par Georges Rey, font désormais figure de patrimoine local. Mais la scène punk lyonnaise est active, diversifié­e et engagée. Elle circule entre Saint- Étienne et Lyon, passant par Givors. Sur les pentes de la Croix- Rousse, elle investit des squats, multiplie les lieux de répétition où se croisent Haine Brigade, Carte de Séjour ou Virginie Despentes qui en gardera son pseudo. Au milieu des années 1990, au Pezner à Villeurban­ne, se concentre un foyer de contre- culture qui accueille des performeur­s comme Ron Athey ou Jean- Louis Costes, et des concerts de Lydia Lunch ou du groupe berlinois Atari Teenage Rio. Marie- Claire Cordat est aux manettes d’une immense liberté de ton et de création. Cette scène punk lyonnaise se redistribu­e depuis quarante ans. Aujourd’hui, au Farmer, au Trokson ou à Grrrndzero, on trouve Zone Infinie, Beaten Brats, Brice et sa pute ou Venin Carmin. La musique nourrit les engagement­s politiques ou l’inverse. Le Do It Yourself, les collectifs et la solidarité produisent une scène diversifié­e et créative qui ne cesse de se renouveler.

« Être punk, c’est être libre. » Car être punk, c’est être libre, est- il dit et répété. Libre de vivre comme on l’entend, libre de créer, libre de paraître, libre de ne pas suivre les injonction­s à produire ( ou à produire selon les circuits commerciau­x ou les réseaux institués), libre de ne pas suivre, libre d’inventer ses solidarité­s, libre de ses colères. Libre de ne pas se dire ni se montrer punk. La scène punk à Lyon ne se réduit pas à la musique. Elle irradie dans les arts, la culture, elle se prolonge là où on ne la perçoit plus nécessaire­ment comme telle. Elle se retrouve dans la philosophi­e d’un refus créateur, souterrain mais actif.

Faire l’histoire de la scène punk, c’est donner du sens à une

réalité. C’est cette histoire de la scène locale qui sera étudiée le 2 juin à Lyon, au Nouveau Théâtre du 8e. Avant cela, un séminaire sur l’esthétique punk à l’UFRSTAPS de Lyon 1 ( le 31 à 14 h), la projection du film Diesel au Comoedia ( le 31 à 20 h) et le lancement de la journée d’étude le 1er juin au Rock’n’Eat… Le témoignage des acteurs et des actrices résonnera avec des communicat­ions d’historiens, de sociologue­s, de musicologu­es ou de géographes. Faire cette histoire, ce n’est pas céder à la nostalgie. Travailler sur le « no future » et y revenir, est avant tout un projet de connaissan­ce. Le projet PIND qui fait halte à Lyon ( après Rennes, Toulouse ou Rouen…) réalisera sa vingtième journée d’étude et permettra de mieux comprendre ce qui s’est joué là depuis quarante ans et ce qui s’y joue encore, une guitare, un crayon ou un livre à la main. nth8. com * Également membre du projet PIND ( Punk is not Dead)

« La scène punk lyonnaise est active, diversifié­e et engagée. Sur les pentes de la Croix- Rousse, elle investit des squats, multiplie les lieux de répétition. »

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