La Tribune de Lyon

Point de vue d’Olivier Toma, fondateur de l’agence Primum Non Nocere : « Dans le métro, des diffuseurs d’odeur inutiles et dangereux. »

OLIVIER TOMA, FONDATEUR DE L’AGENCE PRIMUM NON NOCERE

-

« L’inoffensiv­ité des huiles essentiell­es est un mythe qu’il nous faut dénoncer. »

La diffusion d’huiles essentiell­es dans le métro lyonnais est une aberration coûteuse et dangereuse pour la santé, affirme Olivier Toma. À la tête d’une agence de conseil spécialisé­e dans les politiques de santé, il met en garde contre la course aux bonnes odeurs.

En janvier dernier, le Sytral a eu l’idée d’installer des diffuseurs de parfum dans neuf stations de métro du réseau lyonnais. Les diffuseurs ( 55 au total, paraît- il) se présentent sous la forme de petits tuyaux alimentés par des bonbonnes de parfum situées au- dessus des quais. Ils larguent dans l’atmosphère à intervalle­s réguliers des odeurs d’agrumes et de thé vert, qui n’ont rien de désagréabl­e en soi, bien sûr. D’après les responsabl­es, après la lumière et la musique, il convenait de combler le voyageur en flattant son odorat. « Le métro peut avoir des odeurs spécifique­s, donc, ce qu’on cherche à faire, c’est à marquer une identité olfactive du métro lyonnais » , déclare même le responsabl­e du service des voyageurs. Dans les années quatre- vingt- dix, la RATP avait tenté la même expérience. Elle déversait 1,8 tonne de parfum ( au doux nom proustien de Madeleine) sur les quais et dans les couloirs du métro. Les retours furent si peu positifs de la part des usagers qu’elle abandonna le projet… Et économisa cet argent à réserver à de meilleurs usages. Cette dynamique participe, pour nous, sinon d’un délire absolu au moins d’une méconnaiss­ance aberrante des risques encourus. En effet, la diffusion en continu de molécules chimiques dans l’atmosphère du métro peut s’avérer nocive. L’innocuité des huiles essentiell­es ( quelles que soient leurs vertus par ailleurs) est un mythe qu’il nous faut dénoncer. Si on veut vraiment prendre soin des voyageurs, la seule bonne solution consiste à renouveler l’air du métro, à surventile­r aux heures de pointe mais surtout pas à diffuser des molécules chimiques dans l’atmosphère. Nous pensons qu’au contraire il faut interdire l’émission de composés organiques volatils dans les lieux publics ( y compris les huiles essentiell­es qui, d’ailleurs, ne sont certaineme­nt pas utilisées seules). Nous savons pertinemme­nt désormais que la mauvaise qualité de l’air intérieur, outre les souffrance­s qu’elle provoque, est ruineuse : selon l’Anses*, le coût pour la collectivi­té serait de l’ordre de 19 milliards d’euros pour une année ! Nous avons donc décidé de saisir le ministre de la Santé, la mairie de Lyon et l’ARS du secteur pour leur manifester notre très vive inquiétude devant cette initiative absurde. Seul le fournisseu­r nous a répondu… Pour nous expliquer que tout va bien : « Le procédé de nébulisati­on permet de diffuser des quantités infinitési­males de produits totalement inoffensif­s ( linalyl acétate, dimethyloc­ta, Nerol, trimethyl 2, dimethyl,…) afin d’améliorer la perception de propreté » , nous a- t- on précisé. On croit rêver ! C’est ignorer le problème de la multi- exposition chimique à laquelle nous sommes tous de plus en plus confrontés. Il suffit d’aérer et de nettoyer pour avoir un espace sain et propre, pas parfumer un lieu dont l’air est vicié. Hélas, il semblerait pourtant que la mode veuille s’étendre… On nous annonce que le tramway montpellié­rain, comme les grands couturiers parisiens, « aura bientôt ses propres parfums » . On nous assure donc que le cahier des charges imposé au fabricant de ces parfums est taillé sur mesure pour répondre aux normes des transports en commun : les substances diffusées par la ventilatio­n de la rame seront sans alcool, non inflammabl­es et non allergènes… Mais combien d’assurances d’innocuité pour divers produits n’avons- nous pas dû accepter de la part des industries de la chimie, avant de constater, à l’expérience, leur non- fiabilité ?

* Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France