La Tribune de Lyon

Le coin du droit.

- PROPOS RECUEILLIS PAR RODOLPHE KOLLER

Le principe de

neutralité dans les entreprise­s privées

Licencier une salariée qui refuse d’ôter son voile à la demande d’un client est- il discrimina­toire ?

Oui, i l s’agit d’une discrimina­t ion directe ; mais la cour de cassation, dans un arrêt du 22 novembre 2017 et dans sa notice explicativ­e jointe à l’arrêt, indique aux entreprise­s privées n’assurant pas une mission de service public et souhaitant encadrer le port de signes religieux par leurs salariés, comment faire pour éviter une telle discrimina­tion ou une discrimina­t ion indirecte. En l’espèce, la sa la r iée, ingénieur d’études en informatiq­ue, refusait d’ôter son voile, du moins lorsqu’elle était chez les clients ; sur la plainte d’un client, l’employeur lui a enjoint d’ôter son voi le et, devant son refus, l’a licenciée en 2009. Dans la continuité d’une réponse de la CJUE du 14 mars 2017, la cour de cassation décide qu’ordonner oralement à une salariée de retirer son voile constitue une discrimina­tion directemen­t fondée sur ses conviction­s religieuse­s, en l’absence de toute dispositio­n prévue dans le règlement intérieur, étant entendu que le fait de vouloir tenir compte du souhait d’un

client « ne saurait être considéré comme une exigence profession­nelle essentiell­e et déterminan­te » au sens d’une directive européenne du 27 novembre 1978 sur l’égalité de traitement.

Quelle marge de manoeuvre pour l’employeur ?

Il peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise, ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositio­ns que le règlement intérieur ( mais pas simplement dans une « Charte éthique » ) , une clause de neutralité interdisan­t le port visible de tout signe politique, philosophi­que ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause est générale et indifféren­ciée et n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients. En effet, l’article L. 13212- 1 du Code du travail issu de la loi Travail du 8 août 2016, prévoit que le règlement intérieur « peut contenir des dispositio­ns inscrivant le principe de neutralité et restreigna­nt la manifestat­ion des conviction­s des salariés si ces restrictio­ns sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamenta­ux ou par les nécessités du bon fonctionne­ment de l’entreprise et si elles sont proportion­nées au but recherché » . Dès lors, une interdicti­on formulée dans des termes généraux qui por te sur toutes les formes de conviction­s devrait écarter le r isque de ne viser, en réalité, qu’un groupe culturel spécifique, ce qui constituer­ait une discrimina­tion indirecte, tout aussi interdite qu’une discrimina­tion directe.

 ??  ?? À SAVOIR La cour préconise aussi qu’il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contrainte­s inhérentes à l’entreprise et sans que celle- ci ait à subir une charge supplément­aire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licencieme­nt.
À SAVOIR La cour préconise aussi qu’il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contrainte­s inhérentes à l’entreprise et sans que celle- ci ait à subir une charge supplément­aire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ses clients, plutôt que de procéder à son licencieme­nt.
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