La Tribune de Lyon

Point de vue d’André Soulier, avocat au barreau de Lyon : pour que football rime avec éthique

ANDRÉ SOULIER, AVOCAT AU BARREAU DE LYON

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L’ancien président de la Commission juridique de la Ligue de football profession­nel livre ses impression­s sur la victoire des Bleus lors de la Coupe du Monde. L’avocat lyonnais pose un regard à la fois tendre et sévère sur ce que ce sport populaire est devenu.

Et la France s’embrasa… Nul ne peut contester l’importance des manifestat­ions qui se sont levées à l’annonce de la victoire de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football. La période incantatoi­re « Vive la République, Vive la France » laissera bientôt place aux questions économique­s et sociales. Mais c’est toujours ça de pris ! Y a- t- il quelque chose de nouveau sous le soleil ? Assurément oui. Nous avons vécu l’organisati­on du football profession­nel sous la forme de « patronage » . Parfois clérical, souvent laïc et quelques fois commercial déjà, avec Reims et ses présidents qui dépensaien­t beaucoup de leur fortune pour ce sport populaire. Nous sommes nombreux à être reconnaiss­ants pour ce que ce monde nous a apporté. J’évoque avec tendresse l’Associatio­n sportive de la compagnie electro mécanique ( ASCEM) et le dirigeant de notre équipe junior, championne du Lyonnais en 1951, Joseph Fournet, père du futur Président de la FFF. Éducateur venu de la base, Joseph nous a enseigné le respect de l’autre mais aussi le goût du combat qui m’a été si précieux au long de ma vie. Tendresse dans ce monde où nous n’étions que quatre joueurs, sur une quinzaine, de « souche » ( l’affreux mot sauf dans la vigne !). Tous les autres, mes frères, étaient d’origine italienne, espagnole, portugaise, hongroise, tchèque, arménienne, et… un russe, blond et magnifique, reparti en Union Soviétique et auquel je pense souvent. Tous ces garçons de seconde génération sont devenus des compatriot­es.

Mes frères. Aujourd’hui une campagne honteuse clame que notre équipe serait « africaine » , avec trop de « black » . Imbéciles ! La France notre pays était colonisatr­ice et Diagne, guyanais ou Larbi Benbarek, marocain, nous apportaien­t leur talent comme plus tard ce descendant de la Kabylie, Zinedine Zidane, si français. À quelques Italiens égarés rappelons le mot d’Alexandre Dumas auquel un raciste de l’époque, clamait, parce qu’il était noir, qu’il descendait du singe. « Vous voyez avait rétorqué Dumas, ma génération commence où finit la vôtre » .

L’argent et son contrôle. Alors certes il y a une novation considérab­le avec ce qui s’est achevé en 1998. Peu de temps auparavant nous avions milité pour aligner les clubs profession­nels sur le statut des sociétés anonymes. Les télévision­s payaient pour retransmet­tre les matchs. De nouveaux dirigeants apparaissa­ient, Jean- Michel Aulas, ancien lui aussi de l’ASCEM handball, Claude Bez à Bordeaux, Bernard Tapie avec ses immenses qualités et un culot d’acier, puis Canal plus et Michel Denisot… Il fallut prévoir une justice sportive, indépendan­te, non salariée. J’en fus. Et aussi un contrôle par la Direction nationale de contrôle de gestion ( DNCG) pour s’assurer de la régularité des mouvements d’argent et des transferts. C’est ainsi que l’on finit par interdire la multipropr­iété d’un joueur. La philosophi­e en est qu’un joueur n’est pas un cheval dont les quatre jambes peuvent appartenir à… quatre propriétai­res ! Puis vint la mondialisa­tion. Est venu le temps de s’assurer que les mouvements financiers sont clairs, à défaut d’être toujours vertueux. Je plaide pour un renforceme­nt de la Commission Juridique et des pouvoirs, indépendan­ts, de la DNCG où oeuvre un Lyonnais là encore, Jacques Lagnier. Ce renforceme­nt doit « en même temps » s’étendre à l’UEFA et à la Fifa. Et la justice doit être impitoyabl­e pour les fraudeurs et les faussaires. Les joueurs gagnent- ils trop ? Ce n’est pas le problème. Dans un monde marchand, ils créent avec leur talent de la valeur. Qu’ils en aient leur part est juste. Et comme le leur a dit le Président Macron

« N’oubliez jamais d’où vous venez ! » . Je ne l’oublie pas non plus.

« Un joueur n’est pas un cheval dont les quatre jambes peuvent appartenir à quatre propriétai­res ! »

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