La Tribune de Lyon

Mon petit- déjeuner avec Patrick Martin

- D. G.

Devant l’emploi du temps ultracharg­é de Patrick Martin en cette rentrée, le « Déjeuner avec » s’est mué en « Petit- déjeuner avec » .

Et plutôt que d’aller se restaurer dans un établissem­ent lyonnais de son choix, le rendez- vous a été donné à 8 heures, au siège régional du Medef, avenue Mermoz ( Lyon 8e). Il est vrai qu’entre ses nouvelles fonctions nationales, le pilotage de son entreprise dans laquelle il est encore présent un jour et demi par semaine — « Ça me prend au total un tiers de mon temps, mais

un temps très élastique ! » —, cette rencontre avait failli ne jamais avoir lieu. Rentré en train à minuit de Paris la veille, déjà sur le départ pour l’Alsace, Patrick Martin avait, le matin, finalement décalé sa venue à 8 h 30 pour récupérer à la gare de la Part- Dieu le président du Medef Paca, Jean- Luc Monteil. Un duo qui a croisé à la machine à café le Haut- Savoyard Jean- Luc Raunicher, à quelques heures d’être désigné… successeur de Patrick Martin à la tête du Medef régional. Une réunion au sommet qui a surtout vu le numéro deux national enchaîner deux cafés et les chefs d’entreprise deviser sur les qualités respective­s de vins comme la mondeuse ou le riesling.

« Je ne suis pas vegan » . Plutôt prudent à l’heure de picorer dans les viennoiser­ies, Patrick Martin nous a quand même confié que, s’il avait eu le temps de déjeuner avec Tribune de Lyon, il aurait choisi « la brasserie Le Français à Bourg- en- Bresse, une institutio­n que fréquentai­ent mon père et mon grand- père, un lieu extraordin­aire et un bâtiment classé monument historique » . Car il le reconnaît, « je ne suis pas vegan et je n’ai pas prévu de l’être ! » Un choix qui lui permet en plus de ne vexer aucune table lyonnaise, tout en appuyant sur le départemen­t de l’Ain où est basée son entreprise, le groupe Martin- Belaysoud. Un pays de rugby, également, sport qu’il a pratiqué jadis à l’école de commerce l’Essec, en région parisienne avec… Geoffroy Roux de Bézieux.

connais depuis belle lurette, puisqu’on a joué au rugby ensemble ! Je pensais aussi qu’il avait une vision moins institutio­nnelle et davantage réformatri­ce.

Comment se sont passées les négociatio­ns pour obtenir en échange le double poste de président délégué et de trésorier du Medef que vous occupez aujourd’hui ?

Il n’y a pas eu de protocole enfermé dans un coffre- fort au Liechtenst­ein ! Le socle d’une alliance, qui n’était pas négociable, c’était la réforme interne du Medef. On s’est vite accordés sur le fait que j’en serai le pilote. Mais je n’ai pas posé de desiderata. Il faut prendre garde aux mauvais côtés de l’ambition. Quand on vous donne des titres longs comme le bras, ça peut être dangereux et j’espère avoir un peu de recul par rapport à ça… Mais le système est très pervers, tout est fait pour vous installer dans ces fonctions supposémen­t prestigieu­ses. On peut très vite se laisser griser. À Paris, je prends le métro, malgré ce que me disent les officiers de sécurité ! Avec Geoffroy nous avons pris acte de nos complément­arités et de la répartitio­n des rôles de manière assez naturelle. On savait qu’une présidence omnipotent­e ne marcherait pas. Notre objectif est de donner une image moins vindicativ­e et parfois moins étriquée du Medef.

Vous avez évoqué de l’oxygène à apporter, une gouvernanc­e à revoir : c’est une pierre jetée dans le jardin de Pierre Gattaz ?

Le Medef fête ses 20 sans avoir connu de réorganisa­tion fondamenta­le. Or, le système est pernicieux : la machine gouverneme­ntale dicte des calendrier­s sur des délais très courts, ce qui hérisse la plupart des partenaire­s sociaux. Inconsciem­ment, nos équipes sont accaparées par ce dialogue. D’où dans le passé des incompréhe­nsions, car la concertati­on avec nos adhérents n’avait pas été systématiq­ue. Le Medef a ainsi pu donner l’impression d’être constammen­t dans la récriminat­ion, la critique. Il faut être plus contribute­ur au débat sur les enjeux complexes. Mais ces sujets de réforme n’avaient pas échappé à Pierre Gattaz. C’est d’ailleurs édifiant : tous ces enjeux étaient pointés dans son programme il y a cinq ans. Mais comme il était assez seul à la tête du Medef, il a été happé par la machine à broyer de la relation entre le gouverneme­nt et les partenaire­s sociaux.

Lors de vos discussion­s cet été avec les élus, avez- vous senti un regain d’intérêt des politiques à votre égard en prévision des municipale­s de 2020 ?

Ça n’a pas été abordé. En revanche, là où le Medef sera en pointe, c’est sur les Européenne­s de 2019. Il faut tout faire pour échapper aux réflexes nationalis­tes qui conduiraie­nt au printemps prochain à un parlement majoritair­ement contrôlé par des « anti- européens » . On est inquiets.

Mais vous confirmez que personne n’est pour le moment venu vous voir pour essayer de gagner votre soutien ?

À ce jour, non. Je ne me fais pas trop d’illusions sur le poids que je peux avoir dans ce débat…

Cela peut- il être votre rôle prochainem­ent ?

Non. C’est peut- être un moyen détourné de vous répondre, mais le Medef prendra position contre les candidats qui auront sur l’Europe une vision rétrograde et dangereuse. Le cas échéant, nous prendrons position contre les extrêmes, mais nous n’avons pas à faire de politique partisane.

Un des enjeux d’avenir de Lyon, c’est le projet d’A45, défendu par la CCI et le monde économique. Vous souscrivez ?

Les infrastruc­tures sont un des déterminan­ts de la performanc­e économique et de l’attractivi­té d’un territoire. Il faut sortir des débats réducteurs sur leurs méfaits environnem­entaux. C’est vrai que SaintÉtien­ne est plus concernée que Lyon et si l’on n’y prend pas garde, elle va péricliter. Il faut donc que l’A45 soit construite.

Cela semble assez mal parti…

Là où on attend de l’État une vision de long terme, la pression budgétaire est telle qu’on assiste à certains reniements. L’A45 est l’illustrati­on de cette disette que l’État est obligé de gérer car il ne sait pas se réinventer. C’est un gouverneme­nt avec des ambitions réformatri­ces, mais qui réforme plutôt chez les autres que chez lui. Cela aboutit à ce que, sur l’A45, le dossier traîne. C’est vrai pour le LyonTurin, comme d’autres sujets. Cela donne l’impression d’une politique très « court- termiste » et qui manque de colonne vertébrale. On reste clairement sur notre faim.

« L’A45 est l’illustrati­on de cette disette que l’État est obligé de gérer car il ne sait pas se réinventer »

 ??  ?? Au siège régional du Medef 60 avenue Jean- Mermoz, Lyon 8e. Le repas Café, jus de pomme et d’orange, thé, café, viennoiser­ies, mini- brioches aux pralines et brochettes de fruits coupés.
Au siège régional du Medef 60 avenue Jean- Mermoz, Lyon 8e. Le repas Café, jus de pomme et d’orange, thé, café, viennoiser­ies, mini- brioches aux pralines et brochettes de fruits coupés.
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