Chinois en fusion
C’est neuf, rue Neuve ( 1er). La Table Weï, de concession chinoise, se réclame dès le berceau et conjointement, d’une cuisine bistronomique, d’une fusion large entre la Chine, l’Asie, la France, et
aussi de Paul Bocuse… Ailleurs, un chat, même siamois, n’y retrouverait pas ses petits. Pourtant, tout est exact. « Bistronomie » : le terme inventé par le critique lyonnais Andrea Petrini, résultante entre gastronomie et bistrot, n’est vraiment pas usurpé. La gastronomie est dans l’assiette ( servie sans baguettes, pour rassurer ceux qui ont deux mains gauches). Des plats comme les raviolis chinois ( remastérisés), foie gras, consommé de langoustines, sont travaillés avec des instruments de précision comme si, derrière, se pressait une belle brigade de type soldats de Xian. Le soir, le menu dégustation en cinq plats, avec amuse- bouche et pré- dessert, est l’image inverse du food truck. Mais il y a, en même temps ( inutile de citer le copyright), un comptoir avec des bières pression, une amplitude horaire inaccoutumée et des plats canailles dans une carte annexe, servis en continu tout l’après- midi.
Et Dieu dans tout ça ? Ainsi, à l’heure de la récré, on peut opter aussi bien pour des rillettes de lapin au piment d’Espelette que pour un rocher coco/ ananas/ noisettes. Quant à la fusion, elle est manifeste, presque nucléaire. Chocolat blanc et yuzu, tortilla espagnole, bibimbap coréen, épices chinoises pulsées dans une terrine de cochon panée/ Soubise ( sauce aux oignons inventée par un maréchal de France)/ glace aux cornichons… Cette dernière, surprenante, radicale, mais justifiée, a été élaborée grâce aux cornichons frais que marine lui- même le voisin, La Meunière, un bouchon. Et Dieu dans tout ça ? Les trois associés, Ruijiun Sun ( chef de cuisine), Lai Weï ( second) et Hun Meng ( maîtresse de la salle) sont diplômés de l’Institut Paul- Bocuse. Hun Meng poussant même le morphing jusqu’à parler avec un improbable mélange d’accents chinois et de Toulouse, où elle a vécu. Le décor évoquerait plutôt l’ascèse japonaise au milieu de laquelle on remarquera les trois beaux lavis d’un peintre chinois, exception à la règle qui veut que, « jamais un restaurateur se prendre pour un galeriste ne devra » . Au final, de cette effusion de fusions, ressort un îlot, la créativité de la cuisinière Ruijiun Sun.