La Tribune de Lyon

Fanny Autard

- PROPOS RECUEILLIS PAR PAULINE LAMBERT

: « On voudrait que les Lyonnais puissent payer la cantine de leurs enfants en Gonette »

La Gonette existe à Lyon depuis quelques années déjà. Par rapport à d’autres monnaies locales comme l’Eusko au pays Basque ou le Stück à Strasbourg, on n’en entend finalement peu parler à Lyon et ses environs. Selon Fanny Autard, responsabl­e du pôle citoyen de La Gonette, celle- ci ne se porte pourtant pas si mal. Rencontre. La Gonette a été mise en circulatio­n à Lyon il y a maintenant trois ans. Comment a- t- elle vu le jour ?

FANNY AUTARD : À l’origine, l’idée est née chez un groupe de citoyens qui avaient envie de changer les choses à leur échelle. Ils étaient notamment très en lien avec des acteurs du Sol- Violette, une monnaie locale qui va bon train à Toulouse. L’idée de lancer un projet similaire à Lyon les a motivés dès 2011. Ils se rencontrai­ent d’ailleurs ici, chez Soline où nous déjeunons, pour travailler dessus. C’était leur QG jusqu’en 2015. Une campagne de crowdfundi­ng leur a permis de lancer La Gonette le 7 novembre de cette même année.

Concrèteme­nt, comment fonctionne La Gonette ? Comment se la procure- t- on ?

Environ 120 000 Gonettes sont en circulatio­n sur Lyon et sa région. Pour se la procurer, il suffit d’adhérer à l’associatio­n. Puis de se rendre au comptoir de change, où l’on échange le montant que l’on souhaite en billets de Gonette. Parmi les 280 profession­nels qui acceptent cette monnaie à Lyon, il existe entre 70 et 80 comptoirs de change. Les adhésions sont libres et consciente­s. Pour les profession­nels, on a mis en place une grille tarifaire en fonction de leur ancienneté, de leur nombre de salariés… L’idée est d’être cohérent pour alléger les petites associatio­ns et puis, faire vivre La Gonette !

L’Eusko, monnaie basque, est passée au numérique il y a plus d’un an. Pensez- vous qu’il faille coupler les monnaies locales avec un support numérique ?

Oui, complèteme­nt. On a lancé une applicatio­n avec une carte interactiv­e en juin dernier. Et on a justement prévu de numériser La Gonette à la fin de l’année. Il s’agira soit d’une carte de paiement avec des terminaux spéciaux chez les commerçant­s, soit d’un paiement direct avec une applicatio­n sur smartphone. Moi- même, j’ai beau avoir une caisse de Gonettes au local, je n’ai jamais de monnaie sur moi… Le numérique permettra aussi aux profession­nels de payer leurs fournisseu­rs plus facilement, plutôt que de se balader avec des sacs entiers de Gonettes.

Cette monnaie concurrenc­e- t- elle l’Euro ?

Non ! On ne cherche pas à remplacer l’Euro. La Gonette est une monnaie complément­aire. On peut très bien payer notre repas à la fois en Gonettes et en euros. D’ailleurs c’est simple, une gonette est égale à un euro. En fait, adhérer à cette monnaie, c’est vraiment réaliser une action citoyenne. Qui va d’autant plus vous apporter de la sécurité, car vous savez que votre argent va chez des commerçant­s ou profession­nels qui ont adhéré à notre charte de valeurs. Il s’agit de commerces éthiques, respectueu­x de l’environnem­ent, de l’humain…

Ne tombe- t- on pas trop rapidement dans les clichés du commerce bio, végétarien ?

Justement, on souhaite être accessible à tous et on s’attache à se diversifie­r un maximum. Notre premier secteur est l’alimentair­e – épiceries, restaurant­s. De nombreux bars nous ont également rejoints. Mais on se développe aussi beaucoup au niveau culturel : des MJC, librairies, et même le cinéma Le Zola à Villeurban­ne acceptent maintenant La Gonette. On peut payer son électricit­é ainsi, avec Énergie d’ici. Il y a également des médecins — médecine douce et généralist­es, et un garagiste qui sont concernés. Pour que les gens puissent utiliser plus facilement leurs Gonettes, on aimerait continuer à diversifie­r encore plus les activités. En se tournant vers les musées par exemple !

Pourtant, très peu de Lyonnais connaissen­t La Gonette. Comment pensez- vous gagner en visibilité ?

C’est vrai, on n’est pas encore très connus du grand public. On a essayé de développer notre communicat­ion sur Internet, sur les réseaux sociaux. On incite les commerçant­s à avoir de l’affichage… À l’avenir, on aimerait avoir plus de présence chez les profession­nels. Mais il ne faut pas que ce soit trop lourd à gérer pour eux. Fin septembre, on va lancer une nouvelle campagne de communicat­ion, et on voudrait justement faire des profession­nels un relais important de communicat­ion.

Êtes- vous soutenus par les pouvoirs publics ?

On est bien soutenus par la mairie du 1er arrondisse­ment qui a adhéré à l’associatio­n de manière symbolique l’année dernière. Pour l’instant on ne peut pas payer les services municipaux en Gonettes, mais à terme on aimerait que ce soit le cas : que les gens puissent payer la cantine des enfants ou une location de salle en Gonettes… On est en lien aussi avec la mairie du 9e et celle de Villeurban­ne. On n’a pas encore rencontré la mairie du 7e, mais c’est un des quartiers dans lesquels on a le plus d’adhérents, de commerçant­s partenaire­s… Par ailleurs, on reçoit quelques subvention­s de la Ville et de la Métropole. On arrive pour l’instant à vivre, mais on est sur quelques appels à projets afin de récolter des subvention­s supplément­aires pour pouvoir rendre pérenne le fonctionne­ment de l’associatio­n.

Qui adhère à La Gonette ? Quelle tranche d’âges est la plus concernée, et quels quartiers ?

Les quartiers les plus touchés sont les 1er, 4e, 7e arrondisse­ments et Villeurban­ne. Et la tranche d’âges est large ! Elle va de 18 à 70 ans, voire plus. Mais ce sont les 25- 35 ans qui sont les plus concernés. Peut- être parce qu’ils se posent plus de questions sur des modes de consommati­on alternatif­s, et surtout, sont sûrement plus aptes à changer leurs habitudes que des personnes plus âgées par exemple. Mais on peut seulement faire des suppositio­ns… Depuis le début, le chiffre d’adhérents est en constante augmentati­on. La croissance s’est un peu ralentie mais on continue d’avoir de nouveaux membres. Les adhésions sont annuelles. Le décompte retombe donc à 0 chaque année et on doit faire réadhérer les membres. La Gonette compte aujourd’hui 1 100 adhérents, sachant qu’on a jusqu’à la fin de l’année pour faire remonter les chiffres.

Comment fonctionne votre collectif ? Êtes- vous rémunérés en Gonettes ?

Nous sommes trois salariés et trois services civiques, ainsi qu’une quinzaine de bénévoles actifs, très actifs. Et non, même si on avait pu choisir cette option, nous ne sommes pas rémunérés en Gonettes. Les seules rentrées d’argent qu’on a sont celles des adhésions. Au- delà d’utiliser la monnaie, les gens ont la possibilit­é de prendre des décisions avec nous. Car l’associatio­n est organisée en collèges : le collège des salariés, le collège des financeurs, celui des partenaire­s, et enfin celui des utilisateu­rs de la monnaie. Ils se réunissent une fois par an pour discuter de questions en rapport avec l’associatio­n. On a rassemblé en mai dernier des utilisateu­rs pour discuter autour du futur de cette monnaie. Les gens étaient libres de venir, de donner leur avis, de poser leurs questions. Les décisions sont ensuite transmises au conseil des collèges. Et suite à cela, une décision commune est prise.

« La Gonette compte 1 100 adhérents cette année. Nous avons jusqu’à la fin de l’année pour faire remonter les chiffres. »

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