Gastronomie.
Comment les restaurateurs lyonnais luttent contre le fl éau du no- show
L’expression no show fréquemment employée depuis quelques années dans le monde de la gastronomie lyonnaise décrit l’absence d’annulation de la part de clients ayant réservé une table dans un restaurant. Prairial, La Bijouterie, Takao Takano, Les Apothicaires… toutes ces adresses qui ont le vent en poupe, font ce constat : les clients ne prennent plus la peine d’appeler pour annuler. Une perte sèche de chiffre d’affaires inattendu qui est loin d’être négligeable notamment pour les petits établissements.
C’est un cri du coeur qu’a lâché Gaëtan Gent i l, le chef une étoile du restaurant Prairial ( Lyon 1er) le 31 août dernier sur sa page Facebook. « Ce n’est plus possible… Et une table de cinq et de trois no show encore ce soir, soit 24 couverts confirmés et perdus en une semaine… » Et ce n’est pas la première fois que le jeune chef lyonnais fait cet amer constat de clients qui réservent une table, puis ne prennent pas la peine d’annuler. « Entre mars et mai dernier, on a perdu près de 200 couverts. Pour moi, cela représente environ 20 000 euros de perte » , explique Gaëtan Gentil dont le restaurant comprend 28 couverts. Si ce comportement incivique a toujours existé, il était jusqu’à présent plutôt marginal. Mais depuis un peu plus d’un an, il semble s’être intensifié. N’importe quand, n’importe qui. Même bilan pour Marc Boissieux, le chef de L’Inattendu ( Lyon 6e), qui a essuyé des no shows pour des tables de 14 et même de 19 couverts, lui qui ne dispose que de 32 couverts au total. Il raconte : « Un soir, nous avions une réservation pour six, dont cinq végétariens. Nous avions donc prévu des menus spéciaux… et ils ne sont pas venus ! Pour nous, ce sont cinq repas que nous ne pouvons pas proposer à d’autres clients, c’est donc une perte sèche. Quand on travaille des produits frais, on est en flux tendu en permanence. Dans un sens, on dirait que les gens ne se rendent pas compte du travail en amont. » Pour Hubert Vergoin du Substrat, le no show frappe n’importe quand. En semaine ou le weekend, le midi ou le soir, et aussi bien pour les réservations faites par téléphone ou sur Internet. « Ce qui est regrettable, c’est qu’avec les réservations en ligne sur des sites comme Lafourchette. com, les clients n’ont qu’à appuyer sur le bouton annuler » , peste Huber t Vergoin, convaincu que ce phénomène généralisé « touche autant les trois macarons Michelin que les restaurants les plus modestes » . Pour preuve, même chez Paul Bocuse à Collonges, Vincent Le Roux estime la perte à une trentaine de couverts par mois, soit tout de même 80 000 euros à l’année. Mesure le nombre pansement. de no shows, Afin de certains limiter moins ont adopté drastiques. des mesures Chez Mamasan, plus ou Vladimir Bauer rappelle systématiquement les clients le jour même à 18 heures. « Je valide les tables de plus de deux personnes, ce qui permet de limiter la casse. » Idem pour Le Substrat qui rappelle ses clients à 18 h 30 le week- end, mais déplore le manque de correction de certains. « Quand les gens sont en faute, généralement, ils ne répondent pas à notre relance » , explique le chef croix- roussien qui a mis en place des listes d’attente bien que « cela ne limite pas le no show » . À La Bijouterie, après avoir essuyé « une quantité astronomique » de no shows, le chef Laverdin a mis en place depuis le début du mois d’août un système de rappel 48 heures avant la réservation, avec un envoi de SMS et d’e- mail. Et le
« Quand les gens sont en faute, généralement, ils ne répondent pas à notre relance » , explique Hubert Vergoin du Substrat.
jour J, si les clients sont en retard de plus de 15 minutes et ne répondent pas à la relnce, la table est donnée à d’autres clients. La résistance s’organise. Au- delà de ces initiatives individuelles, certains restaurateurs lyonnais ont décidé de s’entraider. Par exemple, Les Apothicaires, La Bijouterie, Le Kitchen café, L’Ebauche, Prairial ou encore Jérémy Galvan… ont créé un groupe de discussion sur Messenger pour s’avertir quand ils ne sont pas complets le soir ou le week- end ou s’ils sont victimes d’un no show afin de pouvoir se renvoyer la balle. « La Bijouterie est mon premier pourvoyeur de clients, explique Vladimir Bauer, de Mamasan. Tout comme Imouto ( Lyon 7e) » . Idem pour le chef Marc Boissieux : « Si des gens viennent sans réserver et que je suis complet, je renvoie vers les restaurants du quartier que je connais, qui font le même type de cuisine et dans la même gamme de prix. » Mais la solution qui devrait se généraliser dans les prochaines années, et pour laquelle certains restent encore frileux, c’est la réservation avec l’empreinte de la carte bleue. Comme pour les réservations d’hôtels, les restaurateurs sont progressivement en train de mettre en place l’empreinte bancaire. Cette technique permet de sécuriser la réservation pour le restaurateur, et engager le client en lui débitant d’une somme uniquement dans le cas où il n’annulerait pas sa réservation. C’est le cas de Mathieu Viannay, chef du restaurant deux étoiles La Mère Brazier. Ce dernier a mis ce système de réservation en ligne cet été. Si l’établissement de la rue Royale l’avait déjà testé ponctuellement pour les repas de Noël et de la Saint Sylvestre, il l’a installé pendant tout le mois d’août, période durant laquelle le restaurant était en travaux. Ce ne sont donc aujourd’hui pas moins de 180 euros ( ticket moyen du restaurant) qui seront prélevés aux personnes qui n’auraient pas pris la peine de décommander 24 heures avant l’heure du repas réservé. Chez Bocuse, le système vient également d’être déployé, avec une empreinte bancaire à 100 euros par couvert ( alors que le ticket moyen est de 230 euros). « L’empreinte bancaire met les gens face à leur responsabilité, et ça les motive à nous appeler pour annuler » , explique Vincent Le Roux, directeur du restaurant de Collonges, qui gère 50 % des
réservations via Internet. « On a été timide à le faire. C’est dommage d’en arriver là, mais les gens sont de plus en plus indélicats. Ils ne pensent pas aux conséquences en cascade. Pourtant chez les AngloSaxons, cette pratique est naturelle, comme elle l’est pour l’hôtellerie. Mais dans les cinq ans à venir, 100 % des restaurateurs utiliseront ce système » , confie Vincent Le Roux.