La Tribune de Lyon

Courrier des lecteurs

Depuis que Gérard Collomb a annoncé sa candidatur­e aux municipale­s de 2020 à Lyon, notre rédaction a reçu de nombreuses réactions. Dont celle- ci, que nous publions quasi intégralem­ent.

- JACQUELINE VOTTERO Ancienne adjointe au maire de Saint- Fons, ancienne conseillèr­e générale, 85 printemps !

Mon cher Gérard, Je sais, tu es ministre d’État, et l’étiquette imposerait une autre formule. Mais nous sommes tous deux de vieux socialiste­s – ou tout du moins, si pour ma part je le suis toujours, toi tu l’as été – et tu le sais, entre so ci alistes, on se tutoie. Je t’ écris aujourd’hui car je viens de lire ton interview dans L’Express. Tu déclares en fi n d’entretien :

« C’est loin les municipale­s. Si d’ici là on ne m’a pas diagnostiq­ué de maladie grave, je serai candidat à Lyon. » Tu n’as donc pas changé, et je te reconnais bien là ! Nous nous sommes connus au XXe siècle, souviens- toi, nous étions parmi les premiers socialiste­s et nous avons ensemble acheté le siège de la fédération du Rhône du parti, cours de la Liberté ; ça ne nous rajeunit pas, n’est- ce pas ? Tu étais de toutes les parties, pas toujours présent physiqueme­nt mais bien représenté, toujours partant. Après Pradel et Collomb ( l’autre, Francisque), la ville s’était donnée au jeune fringant Michel Noir. Entre Rhône et Saône, ni programme commun, ni socialisme municipal n’avaient a priori d’avenir. C’est sans doute pour cela que tu as imaginé un moment te faire élire à Saint- Fons pour bénéficier d’une élection plus facile ( la succession de Franck Sérusclat) lors des municipale­s de 1995. Devenir maire d’une commune de 15 000 habitants, c’était déjà ça te disais- tu. Mais l’opération ne s’est pas faite et, comme tu le sais, je n’y suis pas pour rien ! Tu es retourné labourer ton arrondisse­ment, et grand bien t’en a pris, puisqu’à force, Lyon s’est enf in offerte à toi en 2001. Je me souv iens t’avoir alors souvent croisé, toi maire et président de la Courly, moi simple conseillèr­e générale du canton. Tu rayonnais, tu exultais, tu régnais… enfi n ! Mais toi comme moi, nous savons que l’ultime satisfacti­on politique ne réside pas dans le simple fait de gérer une collectivi­té. Ce qui anime les grands fauves politiques, ce n’est pas la gestion, ça se saurait ! Ce qui les fait se lever tous les matins, ce qui leur donne cette énergie peu commune, c’est la conquête du pouvoir, c’est l’ivresse de la campagne, c’est le shoot de l’élection. Quelle plus grande récompense narcissiqu­e que de voir son visage affi ché sur des milliers de panneaux électoraux ? Quelle plus grande déclaratio­n d’amour que d’entendre son nom scandé sans fin lors du dépouillem­ent ? Quel plus grand orgasme que de se voir préféré par la foule à son rival ?

J’ai aujourd’hui 85 ans, je suis en perte d’autonomie et mon corps me lâche progressiv­ement. Mais je crois encore savoir lire. « Si d’ici là on ne m’a pas diagnostiq­ué de maladie grave, je serai candidat

à Lyon. » Candidat, c’est certain, tu peux l’être, la communicat­ion politique est un étonnant bain de jouvence. Victorieux, c’est possible, ta notoriété sur l’agglomérat­ion est sans égale. Mais après ? Après, quel âge aura s - tu ? Que l combat voudras- tu mener ? Quel objectif pourra te mobiliser ? Peut- être t’es- tu posé ces questions, sans doute n’as- tu pas voulu y répondre. Mais en refusant d’être lucide sur les conditions d’un nouveau mandat, tu prends les électeurs de la Métropole en otage. L’adage veut qu’un ministre de l’Intérieur soit la personne la mieux informée de France. Mais il est aussi possible que tous ceux qui t’entourent n’osent fi nalement pas te parler avec la franchise dont tu te targues lors de tes conversati­ons avec le président. Pour ma part, j’ai toujours tenté d’être aussi sincère que possible, et maintenant que je suis vraiment très vieille et que la politique est derrière moi, je m’exprime avec d’autant plus de liberté. Je t’invite donc, mon cher Gérard, à renoncer à cette candidatur­e de trop. Je t’embrasse ( si si, les socialiste­s s’embrassaie­nt de mon temps.)

« Ce qui anime les grands fauves politiques, c’est l’ivresse de la campagne, c’est le shoot de l’élection. »

« Je t’invite donc, mon cher Gérard, à renoncer à cette candidatur­e de trop. »

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