La Tribune de Lyon

Loïc Graber : « Il manque un théâtre intermédia­ire à Lyon »

Musée d’art contempora­in, Opéra, Subsistanc­es, théâtre du Point- du- Jour… Il n’y a jamais eu autant de postes vacants dans la culture à Lyon. Dressant un panorama pour la première fois après sa nomination au poste d’adjoint à la Culture il y a un peu plu

- PROPOS RECUEILLIS LUC HERNANDEZ

Vous avez succédé au poste d’adjoint à la Culture à Georges Képénékian devenu maire de Lyon l’année dernière. Ce n’est pas trop dur pour trouver ses marques de garder sur le dos celui qui fut votre prédécesse­ur ?

LOÏC Graber: C’est plutôt un atout parce qu’il connaît très bien ces sujets- là et a plutôt tendance à soutenir les dossiers lorsqu’il y a des arbitrages à faire. Il faut faire preuve d’humilité et après faire ses preuves. C’est ce que je m’emploie à faire.

Vous insistez dans vos prises de parole sur la jeune création, l’émergence et le tissu culturel moins institutio­nnel. Or les associatio­ns et les petites structures se plaignent souvent de ne pas obtenir des petites sommes d’aide à projets tandis que sont débloqués des millions pour les Ateliers de la danse ou la Cité de la gastronomi­e…

C’est vraiment un combat que je mène. Celui de réorienter nos subvention­s pour rendre visible tout un tissu culturel innovant qu’on voit peut être davantage dans d’autres villes comme Bordeaux ou Nantes qu’à Lyon. La ville de Lyon, c’est un paquebot, ça ne peut pas se voir du jour au lendemain. Chacun de nous demande de faire plus, ce qu’on ne peut évidemment pas faire. Mais les choses bougent. Nous avons soutenu davantage par exemple le Mirage festival pour le numérique ou la petite scène d’À thou bout d’chant en 2018, et nous allons continuer en 2019. Nous avons signé une charte d’action culturelle avec 40 structures pour 300 actions dans les quartiers pour des publics éloignés, y compris à l’hôpital et à la prison de Corbas. On travaille aussi avec les jeunes génération­s de l’école des Beaux- Arts. En réalité, on accompagne 25 % de nouvelles structures chaque année, même si effectivem­ent ça ne se voit pas forcément. On est en train de remettre à plat les Scènes découverte­s en théâtre…

Du côté institutio­nnel, vous avez une foule de nomination­s qui s’accumule suite à de multiples départs. Avez- vous trouvé un directeur pour le musée d’art contempora­in ?

Nous ne cherchions pas un remplaçant poste pour poste à Thierry Raspail mais plutôt un nouveau modèle de gouvernanc­e et un projet innovant. Cette nouvelle gouvernanc­e sera incarnée par Isabelle Bertolotti, actuelle responsabl­e des exposition­s du Mac, qui devient directrice du musée et directrice artistique de la Biennale d’art contempora­in. C’est une experte de la scène française et internatio­nale qui a lancé de nombreux projets artistique­s à Lyon et notamment les Rendez- vous Jeune création internatio­nale. Elle sera accompagné­e de Matthieu Lelièvre, qui est le directeur artistique de la fondation Fiminco. Il interviend­ra en tant que conseiller artistique avec pour mission de développer les liens avec la jeune création et les réseaux internatio­naux. Nous misons beaucoup sur cette direction renouvelée et collaborat­ive pour explorer de nouveaux territoire­s artistique­s, de nouveaux modes de fonctionne­ment, de nouvelles propositio­ns d’exposition­s.

Dans la mesure où Sylvie Ramond chapeauter­a un pôle contempora­in comprenant le Mac, ce n’est pas un peu chercher le mouton à cinq pattes ?

Non, ce type de coordinati­on existe dans tous les grands musées parisiens. Il ne s’agit pas de créer une usine à gaz mais de se positionne­r au niveau internatio­nal. On n’est pas du tout dans une fusion mais dans une mise en commun. Le directeur aura carte blanche pour inventer son nouveau modèle, personne ne le fera à sa place. Mais il nous faut reposition­ner le Mac comme un laboratoir­e, capable de créer des événements rassembleu­rs autour de l’art contempora­in, notamment au moment de la Biennale. Cinq candidatur­es ont été retenues. On devrait pouvoir annoncer le résultat dans les prochaines semaines.

Autre départ annoncé, celui de Serge Dorny de la tête de l’Opéra de Lyon à l’horizon 2021, qui a beaucoup fait bouger le monde de l’opéra en mettant l’accent sur la création. Pensez- vous recruter quelqu’un avec un profil créatif similaire ? Oui, il ne s’agit pas de faire table rase du passé. On a une reconnaiss­ance très forte envers Serge Dorny. Pour la qualité de sa programmat­ion bien sûr mais aussi pour l’appropriat­ion du lieu par les Lyonnais qu’il a su établir. Il a aussi développé le mécénat comme personne avant lui. On va lancer le recrutemen­t cet automne pour une nomination courant 2019, afin que le tuilage puisse se faire entre les deux directeurs. C’est aussi une affaire de génération. Les directeurs d’aujourd’hui sont de plus en plus des quadras, comme à l’Auditorium ou aux Nuits Sonores. On a fait la même chose à la tête du centre de musiques contempora­ines du Grame. On s’oriente aussi peu ou prou vers la même cible génération­nelle pour le futur chef de l’Ochestre national de Lyon ( ONL). C’est beaucoup plus facile de travailler ensemble.

Un chef quadra à l’ONL vous ferait faire des économies, non ?

Au niveau internatio­nal, les négociatio­ns sont toujours difficiles…

Au tarif du chef Leonard Slatkin qui touche 42 000 euros par mois, vous ferez toujours des économies… C’est sûr… ( sourire)

Entre les deux orchestres nationaux de l’Opéra et de l’Auditorium, il existe aussi la chapelle de La Trinité, notamment pour la musique baroque, mais cette dernière est beaucoup moins aidée, pourquoi ?

C’est t rès impor tant d’avoir un l ieu comme celui- ci consacré au baroque. On peut sans doute faire mieux effectivem­ent, notamment sur l’accueil d’artistes en résidence.

Autre déficit : le théâtre du Point- du- Jour est en stand- by, et le théâtre des Ateliers est très peu ouvert au public pendant l’année. Seuls les Clochards Célestes ont développé

une programmat­ion clairement axée sur la jeune création contempora­ine. C’est suffisant à vos yeux ?

En tout cas, c’est un point qu’on a clairement indiqué dans le cahier des charges de futur directeur du Point - du- Jour. C’est une première réponse. Mais j’ai bien conscience qu’entre les Scènes découverte­s et les grands plateaux, il manque un théâtre intermédia­ire à Lyon, c’est sûr. On n’a pas encore trouvé la meilleure solution, qu’elle soit publique ou privée. Ça prend du temps mais c’est ce qui nous guide.

Un autre coup de théâtre vient d’avoir lieu : le départ de Cathy Bouvard des Subsistanc­es en janvier. Comment comptez- vous organiser la transition ?

Cathy Bouvard part en janvier, et Guy Walter quittera à la fois les Subsistanc­es et la Villa Gillet en juin pour partir à la retraite. Pour la Villa Gillet, on a choisi de remettre à plat le projet global, en concertati­on avec l’État et la Région. On verra si on fait de même avec les Subs, notamment en complément­arité avec les nouveaux Ateliers de la Maison de la danse ou si on reconduit une équipe telle qu’elle existait auparavant.

Côté cinéma, où en est le projet de Cité du cinéma à l’Institut Lumière pour l’horizon 2020 ?

Pas bien loin car c’est un projet qui sera porté par des opérateurs privés… Le montage est en cours. C’est un projet complexe, d’autant plus que les crédits publics ne sont pas présents. Thierry Frémaux veut annoncer certaines choses au moment du festival en octobre, mais je ne sais pas si ce sera possible de le faire…

Qu’est- ce qui marche le mieux aujourd’hui à vos yeux à Lyon ?

C’est une question piège ! Le succès de la Fête des Lumière reste pour moi notre marque de fabrique. Cela nous oblige à réinventer les modèles en permanence. L’Opéra et les tournées des orchestres aussi. Et je ne peux pas passer sous silence le succès d’Arty Farty aussi.

Et le moins bien ?

On n’est pas assez bons sur le cirque. Cela fait partie des gros sujets que je compte améliorer, même si ça se fera sans doute plus au niveau de la Métropole. On a la chance d’avoir des Mathurin Bolze ou Yoann Bourgeois. On y travaille.

« On doit être capable à nouveau de créer des événements rassembleu­rs autour de l’art contempora­in. »

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