Dossier. Ça bouge enfi n dans le monde de la culture
Lyon s’est longtemps prévalu de garder les mêmes têtes à la direction de ses institutions culturelles. Avec l’avènement de nouveaux projets et les départs à la retraite qui ont déjà commencé, le renouvellement semble lancé. Et ça pourrait bien changer la face du monde culturel d’ici deux ans. Petit tour d’horizon de ceux qui pourraient partir ou… arriver.
On re v ient d e l o in. Jusque tout récemment, Lyon aurait pu prétendre au titre de capitale de l’immobi l isme en matière
de culture. Non qu’il ne s’y passe pas grand- chose : la capitale des Gaules propose, et de très loin, l’offre culturelle la plus foisonnante et la plus variée, en dehors de Paris, seule ville en région à avoir deux orchestres nationaux ( celui de l’Auditorium et celui de l’Opéra, depuis 1983), un tissu de cafés- théâtres plus important qu’à Paris ramené à sa moyenne par habitant, des festivals renommés comme les Nuits sonores ou les Nuits de Fourvière, ou encore un jeune musée d’un nouveau type, dont l’architecture a fait débat mais dont la programmation a trouvé sa place auprès du public : les Confluences. Mais sous cet apparent foisonnement, Lyon était aussi la seule vi l le de France dont les huit principaux directeurs d’institution restaient les mêmes, comme une baronnie indéboulonnable, depuis près de 20 voire 30 ans ! C’est- à- dire depuis le siècle dernier. Pour un tel inventaire, il faudrait un Préver t du journalisme : cinéma pour Thierry Frémaux à l’Inst itut Lumière depuis 1983 ; art contemporain avec Thierry Raspail, directeur du Mac depuis son ouverture en 1984 ; littérature avec Guy Walter à la tête de la Villa Gillet depuis sa création en 1987 ; théâtre avec Claudia Stavisky, directrice des Célestins en CDI depuis l’an 2000, et Christian Schiaretti, renouvelé à la direction du TNP à Villeurbanne depuis 2002 ; opéra avec Serge Dorny, arrivé à la tête de l’institution lyrique en 2003 ; ou encore, côté musique, Vincent Carry aux manettes d’Arty Farty, lui aussi depuis le siècle dernier en 1999, ou Victor Bosch, directeur du Radiant- Bellevue venu du Transbordeur qu’i l a créé en… 1989. À la tête du musée des Beaux- Arts depuis 14 ans, Sylvie Ramond ferait presque figure de jeune recrue… La qualité des personnes n’est pas en cause, et la plupart d’entre eux ont construit des activités artistiques qui ont bien souvent métamorphosé la ville. Mais Lyon est la seule ville à avoir un paysage artistique aussi figé au niveau des directions depuis plus de 20 ans, et ce dans tous les domaines.
Mais depuis quelques mois, les choses ont changé. D’abord par la force des choses : le départ à la retraite du doyen des directeurs culturels, Thierry Raspail, en avril dernier, obligeant à penser un nouveau « pôle contemporain » pour tenter de réformer un musée d’art contemporain conçu sur le modèle des années 1980. La retraite de Christ ian Schiaretti à la tête du TNP est programmée pour la fin 2019, et le départ de Serge Dorny pour l’Opéra de Munich pour septembre 2021, selon le rythme de sénateur des grandes institut ions lyriques. Dans la foulée, Guy Walter a annoncé qu’il prendrait lui aussi sa retraite à la fois de la Villa Gillet et des Subsistances en fin de saison. Tout se passe comme s’il s’agissait de la fin d’un cycle, la plupart des grandes personnalités de la vie lyonnaise comme Claudia Stavisky et Thierr y Frémaux atteignant la soixantaine. À l’horizon 2020, beaucoup de choses devraient donc changer, d’autant que les projets ne manquent pas : ouverture des Ateliers de la Maison de la danse à la place du musée Guimet, ouverture de la nouvelle salle Rameau, ou projet d’une Cité du cinéma en lieu et place de l’Institut Lumière. À l’heure où sont attendues plusieurs nominations dans l’année qui vient, c’est le moment d’imaginer ce que pourrait être la vie culturelle à l’horizon 2020.
« Lyon reste de très loin l’offre culturelle la plus foisonnante et la plus variée, en dehors de Paris »
C’est la première nomination d’ampleur qui devrait tomber d’ici le début d’année prochaine. Si l’actuel directeur Christian Schiaretti s’occupera d’organiser les festivités pour les 100 ans du TNP en 2020, ce sera bien à son successeur de prendre en charge la programmat ion dès la rentrée 2019. Autant dire que la décision du ministère de la Culture ne devrait pas traîner. Première possibi lité, la moins probable : un grand nom de la scène internat ionale, comme Tomas Ostermeier, Simon McBurney ou Kat ie Mitchell ( tiens, une femme), qui refasse du TNP un lieu de création majeur en Europe. Mais les grands sont sollicités et n’ont pas forcément envie de diriger une institution française. Seconde possibilité, la plus envisagée : une pointure nationale, déjà à la tête d’une maison, qui viendrait avec un projet ambitieux. Les prétendants sont nombreux. Olivier Py aurait pu faire un candidat sérieux, mais il vient d’être renouvelé à la tête du Festival d’Avignon jusqu’en 2022. MarieJosée Salis vient d’être fragilisée par son récent conflit avec les salariés du théâtre d’Aubervi l liers. Reste un derby possible entre quadras : A rnaud Meunier, dynamique directeur de la Comédie de Saint- Étienne qui a rouvert ses portes dans un tout nouveau lieu l’année dernière, et Richard Brunel, à la tête de l’autre Comédie, de Valence cette fois, qui s’était déjà porté candidat au renouvellement du contrat de Christian Schiaretti. La programmat ion internationale ( il reçoit en janvier le maître polonais Kristian Lupa en exclusivité française), l’invitation qu’il avait faite à Chéreau, ancien directeur du TNP, et celle qu’il fait cette année à Christian Schiaretti en qualité de « grand témoin » en font pour le moment le candidat le m ieux placé. Réponse d’ici quelques semaines. Autre théâtre en attente de nomination : le Point- du- Jour, perché sur la colline du 5e arrondissement, un lieu qui devrait être avant tout dédié « à la création et aux résidences d’artistes » selon les souhaits de Loïc Graber, adjoint à la Culture de la Ville. Le fabuleux Collectif X, auteur de projets originaux en lien avec les habitants, pourrait bien trouver enfin un lieu dédié.