La Tribune de Lyon

Éducation. La discrète rébellion des profs lyonnais de SES

- ÉLISE CAPOGNA

L

es Sciences Économique­s et Sociales, introduite­s en 1966 dans les lycées, ont tendance à susciter les polé

miques. C’est en cours de SES que les débats de société les plus vifs et clivants sont abordés : causes du chômage, avantages et inconvénie­nts de l’économie de marché, nature des crises économique­s… La réforme du bac prévue pour 2021 sera précédée d’une refonte des enseigneme­nts de seconde et de première dès la rentrée prochaine. Les premières annonces ont poussé les enseignant­s à manifester lundi 12 novembre – ils étaient 2 000 à Lyon –, soutenus par une seule associatio­n disciplina­ire : l’APSES, à laquelle adhère près d’un tiers des enseignant­s de SES. Dans une pétit ion di f fusée nat ionalement, elle dénonce notamment une

« dérive technicist­e » masquant un biais idéologiqu­e. Son représenta­nt à Lyon, Victor Veira souscrit à cette analyse. Gage donné aux SES, elles devraient intégrer le tronc commun en classe de seconde. Mais les programmes, trop chargés, ne pourront pas être abordés en une heure et demie de cours par semaine. « On gave les élèves et les compétence­s deviennent superficie­lles » , déplore Victor Veira, particuliè­rement inquiet pour ses collègues enseignant­s en REP, où les élèves ont besoin de plus d’attention. « Harvard au lycée »

. Bâtis par des universita­ires comme Philippe Aghion, économiste au Collège de France, les programmes sont jugés trop théoriques pour des lycéens. « Ils font passer l’enseigneme­nt de modèles théoriques, souvent non vérifiés, avant tout. Je crois qu’Aghion est de bonne foi. Mais il veut amener Harvard au lycée, ce n’est pas possible. Il vaut mieux partir du concret avant d’aller jusqu’aux concepts. Sinon, on perd les élèves. » Le risque ? Creuser les inégalités qui ravagent déjà l’Éducation nationale, alors que la réforme du bac, supposée mettre fin à la domination de la filière scientifiq­ue, pourrait avoir des effets

pervers. « En première, les élèves devront choisir trois spécialité­s, mais on va probableme­nt recréer des filières car les établissem­ents n’auront pas les moyens de proposer toutes les combinaiso­ns,

expose Victor Veira. Dans mon établissem­ent, 60 % des élèves choisiraie­nt les SES en première. Mais en terminale, ils devront choisir deux spécialité­s seulement. » Les lycées réputés pourraient proposer des assortimen­ts Maths- Physique- SVT qui collent avec l’image de leur établissem­ent. Au risque de sacrifier les sciences sociales.

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Victor Veira, représenta­nt des enseignant­s de SES à Lyon, enseigne dans un lycée réputé du 6e arrondisse­ment.

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