Mon déjeuner avec
Jean- Louis Brunet a choisi pour déjeuner avec le M Roc, en voisin :
depuis avril, la Cuisine du Web a déménagé de Jean- Macé vers le quartier de la Part- Dieu. Particularité du M Roc, au- delà du style décontracté du lieu, spacieux, et de la cuisine fait maison : la salle est entourée de murs d'escalade, bien remplis entre midi et deux. « J'aime, c’est un lieu de vie, presque un tiers lieu. D’ailleurs il y a une partie de notre écosystème qui est là, je vois des gens du même immeuble que nous ! Il y a un capital sympathie ici, un côté “chill ”, lieu de brassage, qu’on essaie de cultiver nous aussi » . Son choix d’un carpaccio de boeuf trahit un brin – par notre faute – sa « volonté d’aller vers de plus en plus de végétarisme, par conviction sur l'empreinte carbone du monde, et pour la santé aussi. Mais je me suis dit que ce serait plus pratique pour continuer à manger et parler en même temps » . De son arrivée à Lyon et de sa bascule dans le monde web et numérique, Jean- Louis Brunet retient d’avoir vécu, de l’intérieur chez Hersant Média, la chute de Paru Vendu, « tué » par le Bon Coin en 2011. « C’était frappant pour moi de vivre l’impact sur une entreprise de l’arrivée du numérique. Ce n’est pas très agréable à vivre, mais c’était marquant de voir un titre se faire uberiser comme cela en quelques années » . Si le garçon n’aime pas s’arrêter aux étiquettes des générations X, Y
Le M Roc Part- Dieu
86 rue du Pensionnat, 69003 Lyon
Carpaccio de boeuf, frites et salade. Poke bowl. Deux cafés. 33 €. et autres millenials, il ne peut s’empêcher d’être frappé par la voie que sont en train de prendre ses trois enfants, tous jeunes adultes : « Ils ont fait des études dans trois domaines différents, mais tous les trois veulent en bout de course travailler dans le développement durable » .
En laissant derrière elle sa « Tour du web » de JeanMacé, la Cuisine a abandonné le rôle d’hébergeur de start- up pour se concentrer sur son volet d'organisateur d'événements : plus de 200 par an. Le Blend étant le plus gros : 2 000 personnes sont attendues. La Cuisine pourrait continuer à grossir, « mais on n’est pas dans une course aux chiffres. Plutôt au sens » , pointe le délégué général.
26.06.1968
Naissance à Gray, en Haute- Saône. Il obtient un DEA en biologie, spécialité neurosciences.
1994
Il abandonne la biologie pour basculer dans le numérique et l’informatique.
2000
Arrivée à Lyon dans une société de services. Il rejoint vite une start- up locale.
2005
Jean- Louis Brunet rejoint le Groupe Hersant Média, qui détient la Comareg et donc Paru Vendu, où il assiste à la fin du titre, « tué » par le Bon Coin.
01.2017
Il devient délégué général de la Cuisine du Web.
L’arrivée de la Cuisine était- elle le symbole du manque d’une structure officielle porteuse type pôle d’excellence… ?
Non, on ne manque pas de structures, au contraire : la principale caractéristique de l’écosystème lyonnais est qu’il est extrêmement morcelé. On a des confrères dans tous les sens, éditeurs de logiciels, sociétés de services… Il y a aussi un acteur de plus en plus actif, c’est l’ancienne French Tech, aujourd’hui la French Tech One. Il y a beaucoup d’acteurs, institutionnels ou associatifs comme nous. Mais pour la Cuisine, l’idée était de faire tout cela d’une manière un peu moins guindée, moins traditionnelle. On avait coutume de dire qu’on partageait mieux une bière en mains. D’ailleurs au sein du nouveau lieu dans lequel nous avons emménagé en avril, la tireuse à bière est arrivée avant le wifi. C’est un indice sur notre niveau de priorité ! ( rires) À savoir partager avec de la convivialité.
L’écosystème lyonnais est le deuxième de France, mais que pèse- t- il vraiment ?
Nous ne sommes pas “le nez dans les statistiques ”. Mais nous avons participé à l'élaboration du cahier des charges de la French Tech : il fallait cocher un certain nombre de cases pour être “élu ” : universités, lieu totem, etc. On peut dire que Lyon coche toutes les cases, avec tous les types d’acteurs et de maturités des acteurs. On a des savoir- faire pointus, de très très belles start- up. Je pense par exemple à LDLC, qui est un des acteurs importants de l’écosystème. Je salue notamment leur volonté d’être contributeurs en créant leur école. C’est dans la tendance générale des entreprises conscientes de leur rôle social. C’est un chouette fleuron du numérique local. Historiquement, Lyon c’est l’édition de logiciels : Cegid, Visiativ, Esker aujourd’hui… C’est un très gros volant d’emplois. On a aussi beaucoup de sociétés de services très spécialisées, comme CyberCité ou Invox. Ça fait toute la richesse de l’écosystème lyonnais.
Faut- il se méfier de la multiplication des écoles, le plus souvent privées, dans les domaines du numérique ?
Dans la série toxiques, on peut penser qu’il y a certaines écoles qui font de l’élève un produit. Mais on peut le dire aussi de certaines écoles de commerces ou d'ingénieurs. Nous accompagnons les écoles depuis des années pour les aider à construire des programmes pertinents. Il faut que les jeunes gens restent éveillés, qu’ils fassent attention aux effets de mode. Mais la multiplication des acteurs est plutôt une bonne chose. L’arrivée de nouveaux entrants comme Simplon, qui essaie de favoriser l'accès au numérique à des populations diverses, est intéressante. Et puis cette explosion des écoles traduit aussi l’explosion des besoins.
Le thème qui ressort du futur Blend Web Mix, c’est la la technologie qui a du sens, fait du bien. Comment fait- on ?
Quand je vois une application comme Yuka qui nous aide à choisir nos aliments, c’est bien une technologie “for good”. De même, l’open source est aussi une démarche qui peut “faire le bien”. Un domaine qu’il nous intéresse d'accompagner c’est ce qui tourne autour du développement durable, que les technologies apportent des solutions et non pas des problèmes. Il y a une énorme demande des jeunes sur ces thématiques. Serveurs, stockage de mails : par définition la technologie consomme de l’énergie. Il faut être vigilant : à Blend Web Mix nous allons aborder par exemple la manière de concevoir un site internet sans qu’il soit extrêmement énergivore.
Il va aussi être question de faut- il aller vers moins de techno, une sorte de décroissance, pour améliorer les choses ?
En fait on a créé trois “persona” lors de notre événement : le low tech, la “licorne radieuse” et le “transhumanisé”, trois niveaux d'adoption possible de la technologie, trois avenirs possibles. Le transhumanisme c’est celui qui va accepter de s’implanter des puces dans le bras pour profiter de toutes les améliorations du numérique. La licorne se réjouit des évolutions du numérique, et le low tech tente d’en faire un usage raisonné et plus durable. La croissance, le côté “licorne” semble plus du côté des Trump d’aujourd’hui que du côté des Greta Thunberg. Le low tech est encore réduit à quelques pourcents de l’humanité, mais c’est plutôt là que se situe la jeunesse : il y a énormément de start- up autour du recyclage : des téléphones, des composants… On ne va pas tarder à en voir autour du recyclage des batteries. C’est pour ça qu’on a voulu le mettre en évidence et avoir des intervenants sur ces sujets.