La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec

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Pour cet entretien à bâtons rompus, Émilie Ettori n’a pas hésité un instant :

la jeune illustratr­ice d’origine vietnamien­ne a souhaité déjeuner chez Mamasan, l’un des meilleurs restaurant­s de la ville pour manger des spécialité­s du pays. « Je vais prendre des brochettes de poulet car ma mère, qui est une excellente cuisinière, ne fait jamais ce plat. Cela m’évitera de comparer parce que j’ai toujours l’impression de trouver ça moins bien que ce qu’elle nous cuisine à la maison » , lance- t- elle d’entrée. Très vite, la trentenair­e se confie librement sur ses

Mamasan 46 rue Ferrandièr­e Lyon 2e.

Deux jus de fruits, brochettes de poulet, bo bun. 38,60 €.

1989

Naissance à Lyon.

2007

Bac arts appliqués, puis BTS en design de l’espace à La Martinière­Diderot.

2013- 2016

Travaille dans un cabinet d’architectu­re.

2016

Se lance à son compte dans le dessin.

11/ 2019

Ouverture d’un 2e pop- up store dans le Grand Hôtel- Dieu 3 rue Marcel- GabrielRiv­ière ( Lyon 2e). pouvoir réaliser ce rêve de BD. Mon prochain « projet de rêve » , c’est vraiment ça. Surtout quand on sait que c’est plutôt avancé : j’ai déjà beaucoup écrit, et c’est cela qui est d’autant plus frustrant.

Quelle sera l’histoire de cette future BD ?

Elle tournera autour d’une ville imaginaire avec des histoires courtes sur les habitants de cette cité. En fait, à travers les habitants, on découvrira les différents quartiers de cette ville.

Et le cinéma ou la télé, ça vous intéresse aussi ?

Oui, j’aimerais bien. D’autant plus qu’il y a quelques années, j’avais été démarchée par le Pôle Pixel de Villeurban­ne pour un projet autour de l’animation. Mais ça ne s’est pas fait, parce qu’il n’y a pas eu les financemen­ts je crois. Mais c’est un peu mon rêve oui, j’ai quand même quitté l’architectu­re à l’époque parce que je voulais faire de la scénograph­ie.

Vous arrivez à vivre de votre métier ?

Depuis le début, je me prépare au jour où je ne pourrais plus faire ce que je fais aujourd’hui. Mais depuis le départ, et depuis que j’ai arrêté de travailler dans l’architectu­re, tout s’est toujours bien passé. Je vis de ma passion plutôt bien et même mieux qu’en tant qu’architecte. Mais, je m’efforce d’anticiper en permanence l’évolution de mon métier. J’ai ça en tête depuis le début, d’où ce projet d’édition et de fiction. C’est toujours bien d’avoir un coup d’avance. J’ai beaucoup de chance de pouvoir vivre de ma passion, mais je me rends bien compte que c’est loin d’être acquis. Pour résumer, je préfère avoir le doute que ça va continuer plutôt que de m’asseoir dessus.

On sait que les Lyonnais sont fiers de leur ville et encore plus de leur quartier : vous y aviez réfléchi, c’était stratégiqu­e ?

Non, pas du tout. Quand j’ai commencé à dessiner, j’ai d’abord voulu faire la montée de la Grande- Côte parce que j’ai une amie qui m’a proposé d’exposer mes dessins dans un local du quartier. J’avais mon matériel de sérigraphi­e et je me suis donc mis à dessiner la Grande- Côte, puis le Vieux- Lyon et la place Sathonay. Rapidement, j’ai constaté qu’au- delà de la fierté d’avoir son quartier représenté dans son salon, mes dessins étaient avant tout très forts pour les gens. Pour certains, cela faisait appel à des souvenirs ancrés au fond d’eux. Il y a des histoires très personnell­es autour de ces vues. On me raconte souvent que c’est dans ce quartier qu’ils ont rencontré leur femme ou leur mari par exemple… On arrive en fait à des confidence­s assez fortes.

Ce succès ne s’explique- t- il pas aussi par le fait qu’il s’agit d’oeuvres peu onéreuses ?

C’est vrai que mon public est une cible hyper large. J’ai autant des enfants que des personnes âgées. J’ai rencontré un gosse récemment sur un marché qui depuis trois ans demande mes dessins à chaque anniversai­re ou à chaque Noël, c’est assez incroyable ! J’ai aussi autant d’hommes que de femmes. Je suis hyper fière de ne pas avoir une cible genrée, ce qui est rare dans le milieu de la création.

Vous parlez de fierté : avez- vous le souvenir d’une illustrati­on qui vous a particuliè­rement rendue fière ?

Quand j’ai commencé, je prenais des commandes sur mesure pour des particulie­rs, alors qu’aujourd’hui, je travaille essentiell­ement avec des profession­nels ou des institutio­ns. Je prenais donc de toutes petites commandes et je me souviens avoir pris une commande pour l’anniversai­re d’une dame de 60 ans. Dans un premier temps, je l’avais regretté : c’était un tout petit village et il n’y avait aucune informatio­n, aucun plan… J’y ai passé des plombes, mais j’ai réussi à le recréer et la dame a pleuré, car ce bled n’avait jamais été documenté auparavant. Elle était super émue de voir que quelqu’un avait enfin pris le temps de dessiner son village. Mon effort avait donc été récompensé…

Comment vous êtes- vous fait connaître, en fait ?

J’ai un réseau de boutiques qui me distribue à Lyon et Paris. Je fais aussi beaucoup de marchés et je viens d’ouvrir un pop- up de Noël, dans le Grand Hôtel- Dieu. Avec ma soeur Jade qui travaille avec moi depuis janvier, on se prépare donc, ici, à une grosse saison. Elle gère toutes les commandes et prépare l’ensemble des colis pour les commandes en ligne. En fait, elle s’occupe de toute la logistique et garde le contact avec les boutiques. En lui déléguant ce boulot- là, je me suis rendu compte qu’avant je faisais deux jobs cumulés. Depuis que j’ai décidé de lui confier le commercial, j’ai beaucoup plus de temps pour dessiner. Et puis, c’est toujours très agréable de travailler en famille.

Le but est- il ensuite d’ouvrir une boutique sur le long terme pour vendre vos oeuvres ?

Je ne sais pas. Mais ce que je sais en revanche, c’est que ce qui marche très bien, c’est le côté exceptionn­el et événementi­el d’un pop- up comme le mien durant la période de Noël. Forts de cette dynamique, je peux vous dire que nous allons aussi ouvrir un pop- up à Paris pour vendre au printemps prochain toutes les vues que j’ai réalisées sur la capitale.

Vous êtes à présent demandée au- delà des frontières lyonnaises, vous envisagez de quitter Lyon ?

Pour être tout à fait transparen­te, je suis en train de déménager pour partir de Lyon oui. Je vais m’installer dans la Drôme l’année prochaine. En fait, mon copain est artiste peintre et nous avons besoin d’un grand atelier, donc c’est beaucoup plus simple à la campagne. Et puis, j’ai l’impression que mon mode de vie très urbain m’empêche de réfléchir à des projets plus longs. Mais je ne serai pas loin de Lyon. La Drôme, c’est à une heure. »

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