Politique.
Spécial élections 2020. Les écologistes rêvent d’un printemps vert à Lyon
Le score d’Europe Écologie Les Verts aux élections européennes de mai 2019, les récentes enquêtes d’opinion pour les scrutins locaux de mars 2020, le succès des Marches pour le climat : les signes ne trompent pas, les préoccupations climatiques et environnementales progressent indéniablement à Lyon et dans sa métropole. Les écologistes peuvent- ils pour autant arriver aux responsabilités dans le fief autoproclamé du macronisme ?
Estimation subjective des chances de voir un maire vert élu, y compris après alliance.
Prendre Lyon, bien plus qu’un fantasme ? En tout cas ils en sont eux- mêmes persuadés, et n’essaient pas de le cacher. C’est confiants, leurs adversaires diront arrogants, que les représentants d’Europe Écologie Les Verts se présentent régulièrement devant la presse afin d’égrener, semaine après semaine, des bribes de programme ou bien leurs têtes de liste. En plus des médias locaux, des journalistes nationaux ont pris l’habitude de se greffer au détour de l’invitation de têtes d’affiche tels que les députés européens écologistes Karima Delli ou Yannick Jadot. « Ma présence n’est pas un hasard de calendrier » , reconnaissait ainsi le chef de file d’Europe Écologie Les Verts, présent à Villeurbanne le 6 janvier aux côtés de la candidate à la mairie – et élue d’opposition sortante – Béatrice Vessiller. Le gaillard au regard bleu dur commence à connaître le chemin puisqu’il était déjà venu au Double Mixte le 10 avril 2019, puis le 5 septembre à Lyon à l’occasion du lancement de la campagne d’EELV pour les élections métropolitaines. Et le voilà déjà annoncé le 7 mars prochain pour un nouveau meeting, en présence notamment de la députée et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho, à une semaine du premier tour des scrutins municipaux et métropolitains. « Je suis déjà venu et je reviendrai car je suis convaincu qu’on peut gagner » , lançait- il à l’assistance lors de sa visite éclair en début d’année.
Terrains de chasse. « On a des envies de gagner Villeurbanne, et elle est gagnable au vu du contexte, soupèse sans fausse pudeur Béatrice Vessiller. Le contexte national est favorable, et localement aussi » . Le but est d’arriver en tête au premier tour afin d’imposer un rapport de force, ici comme dans les arrondissements de Lyon et circonscriptions métropolitaines que les écologistes envisagent de remporter. « Les circonscriptions seront gagnables à 30, 35 %, prophétise Bruno Bernard, candidat d’EELV à la présidence de la Métropole. Il y en a trois ou quatre dont on ne voit pas comment on pourrait ne pas les gagner » . Parmi elles Villeurbanne, donc, mais aussi Sud- Est ( l’est du 3e arrondissement) et Lyon Centre ( 1er, 2e, et 4e arrondissements). Point commun de ces territoires : un important réservoir de voix à gauche. Or Béatrice Vessiller reconnaît que la victoire est difficilement envisageable sans alliance : « On est prêts à faire un accord avec la liste la plus proche de nous » . Figure écologiste lyonnaise, membre de la commission permanente de la Métropole de Lyon, Pierre Hémon pointe dans les surprises potentielles les circonscriptions Lônes et Coteaux ( rive droite du Rhône de La Mulatière à Givors) et Val de Saône. Les Verts avaient, en effet, surpris en récoltant plus de 20 % des voix à Saint- Germainau- Mont- d’Or ou Couzonau- Mont- d’Or au soir des dernières européennes.
Se voient- ils trop beaux ? Pour autant, se baser sur le résultat d’un scrutin à ce point différent ne pousserait- il pas Les Verts à se voir plus beaux qu’ils ne sont ? « Ça donne une température, juge Béatrice Vessiller. On a la tête très froide sur les sondages. Le dernier ne testait par exemple pas Nathalie Perrin- Gilbert sur la Métropole. Et puis c’est un biais de ne considérer la Métropole que comme un seul territoire. Il s’agit plutôt de 14 élections ! » Yannick Jadot y va aussi de sa tempérance : « Les enquêtes d’opinion sont bonnes, tant mieux, mais il faut regarder les sondages avec un peu de distance. À deux semaines des élections européennes, on nous créditait de la moitié du score que nous avons finalement réalisé. » Mais pour mieux remonter dans les tours quelques minutes plus tard : « Pour Béatrice ( Vessiller,
NDLR), c’est quasiment réglé. Il suffit de faire campagne et de ne pas dire de bêtise. » Pas de hasard donc si le maire EELV de Grenoble Éric Piolle a prévu de faire un saut le 18 janvier à Villeurbanne afin de dédica
cer son livre Grandir ensemble : Les villes réveillent l’espoir. Parmi les 41 communes françaises dépassant les 100 000 habitants en 2014, la capitale iséroise est la seule à avoir basculé dans l’escarcelle écologiste. Or Grenoble et Villeurbanne présentent quelques similitudes : bastions de gauche, taille comparable ( respectivement 158 454 et 147 712 habitants), et surtout réputation peu flatteuse en ce qui concerne la qualité de l’air. Yannick Jadot ne cache d’ailleurs pas son appétit pour le « 10e arrondissement » . « Villeurbanne est intéressante pour les écologistes. Cela montre que l’on peut parler d’écologie même dans une ville où les préoccupations sociales sont importantes. » Autre spécificité pointée par Pierre Hémon, « Villeurbanne n’est pas la ville- centre d’une grande Métropole. » Pour autant, « à 150 000 habitants, on n’est plus une ville moyenne » , reconnaît Jadot au sujet de la 21e plus importante ville française.
« Lyon pèse lourd » . Le cas lyonnais n’est pas comparable. Troisième ville de France, commune- centre de la troisième intercommunalité du pays et de la deuxième aire urbaine, il existe un enjeu énorme d’image dans le seul fait de prétendre à l’Hôtel de Ville. C’est ainsi que Lyon – le Double Mixte de Villeurbanne en réalité – avait été choisi pour accueillir l’un des deux grands meetings nationaux d’Europe Écologie Les Verts avant les élections européennes de mai 2019. Alors 27e sur la liste EELV et pas encore candidat à la mairie, Grégory Doucet avançait : « La ville est symbolique de la prise de conscience de l’urgence climatique. Elle a été exemplaire lors des Marches pour le climat, dont
la dernière a rassemblé plus de 30 000 personnes. Lyon est en train de basculer dans l’écologie. [...]
Lyon est déjà impactée par le dérèglement climatique. Malheureusement, il s’agit de l’une des villes les plus polluées de France, avec des pics trop fréquents et des réponses insuffisamment calibrées. » Pari gagnant : la liste de Yannick Jadot avait réuni 20,92 % à Lyon le 26 mai, et jusqu’à 29,83 % dans le 1er arrondissement, 24,82 % dans le 4e et 24,18 % dans le 7e. Des chiffres à mettre en perspective avec ceux des municipales de 2014. EELV n’avait alors obtenu que trois fauteuils sur les 73 que compte le conseil municipal : Émeline Baume dans le
1er, Françoise Chevalier dans le 3e et Étienne Tête dans le 4e, dans les trois cas après un accord de second tour avec le Parti socialiste. « Lyon est une ville stratégique, affirme
Yannick Jadot. Les écologistes sont prêts à gérer la Ville et la Métropole. Nous ne voulons pas gagner uniquement les coeurs de métropole, mais c’est vrai que Lyon pèse lourd. »
Pour remporter la Ville, Les Verts tablent sur trois arrondissements prêts à tomber dans leur escarcelle : les 1er, 3e et 7e, et ne désespèrent pas dans les 4e, 8e et 9e, lieux de bons scores aux Européennes. « Il faut remporter quatre, et plutôt cinq arrondissements pour
gagner la Ville. Ce serait évidemment magnifique » , se risque Béatrice Vessiller. Grégory Doucet propose quant à lui « les 1er, 3e, 4e, 7e et 8e, mais sans être à l’abri d’une surprise dans le 9e. » Pas le plus facile, mais certainement le plus symbolique, c’est finalement dans le 3e qu’a choisi de se « déraciner » le candidat écologiste à la mairie de Lyon. « Les camps Collomb et Kimelfeld y ont atteint un niveau de détestation… » , pointe Pierre Hémon, lui- même élu sortant de l’arrondissement.
Demandez le programme. Conscients ne pas pouvoir gagner sans alliance, les écologistes ont pourtant privilégié la stratégie du cavalier seul au premier tour. Yannick Jadot s’en explique : « Avant, nous aboutissions à des compromis pas très heureux, avec
beaucoup de tactique… Cette fois, c’est autour de l’écologie que se font les coalitions. » Et d’assumer : « Nous n’avons plus de temps à perdre à convaincre des partenaires éventuels ou passés. » Ce qui n’a pas l’air de froisser plus que ça les autres listes de gauche, malgré quelques piques envoyées sur des points de programme, notamment le logement. « Nous allons bientôt dévoiler nos propositions sur cette thématique » , rétorque Bruno Bernard, jouant la montre. Garder ses meilleures flèches pour les dernières semaines de la bataille électorale peut toutefois se révéler risqué pour des écologistes ayant pour l’heure essentiellement chassé sur leurs terres – environnement, transport –, donnant l’impression de délaisser d’autres thématiques. Comme le volet économique de leur programme, véritable repoussoir au vote de droite. « Il ne représente qu’ 1 % du budget de la Métropole, reprend Bruno Bernard. Et puis je suis chef d’entreprise, je sais ce que c’est que l’économie. »
Autre grief imputé aux listes EELV : le fait d’avoir pris part aux exécutifs lyonnais et métropolitains sortants. Ce qui ne signifie pas qu’EELV n’a pas d’attente propres vis- àvis de ses alliés potentiels, PS en tête : « Ils ont abandonné l’Anneau des sciences, maintenant il faut qu’ils avancent sur d’autres sujets : les projets fous de la PartDieu, les incinérateurs… » , liste Pierre Hémon. Lequel se délecte d’avance d’un petit scénario qui faciliterait les
négociations d’entre- deux- tours : « Kimelfeld à 9,5 % et le PS à 10,5 % » .
Détail qui n’en est pas un ; un an après le début des Marches pour le climat, qui avaient rassemblé 12 000 à 13 000 jeunes le 15 mars 2019, puis 20 000 à 30 000 personnes le lendemain, un défilé anniversaire est prévu le 13 mars 2020… À l’avant- veille du premier tour de scrutin. Or un sondage Ifop Fiducial de 2014 avait évalué à 40 % la proportion d’indécis à moins d’une semaine des élections municipales, et à 22 % les électeurs ayant hésité « jusqu’au dernier moment » . À ce compte- là, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal.