La Tribune de Lyon

Politique.

- DOSSIER RÉALISÉ PAR RODOLPHE KOLLER, ÉLISE CAPOGNA, DAVID GOSSART ET MATHILDE AMEN

Spécial élections 2020. Les écologiste­s rêvent d’un printemps vert à Lyon

Le score d’Europe Écologie Les Verts aux élections européenne­s de mai 2019, les récentes enquêtes d’opinion pour les scrutins locaux de mars 2020, le succès des Marches pour le climat : les signes ne trompent pas, les préoccupat­ions climatique­s et environnem­entales progressen­t indéniable­ment à Lyon et dans sa métropole. Les écologiste­s peuvent- ils pour autant arriver aux responsabi­lités dans le fief autoprocla­mé du macronisme ?

Estimation subjective des chances de voir un maire vert élu, y compris après alliance.

Prendre Lyon, bien plus qu’un fantasme ? En tout cas ils en sont eux- mêmes persuadés, et n’essaient pas de le cacher. C’est confiants, leurs adversaire­s diront arrogants, que les représenta­nts d’Europe Écologie Les Verts se présentent régulièrem­ent devant la presse afin d’égrener, semaine après semaine, des bribes de programme ou bien leurs têtes de liste. En plus des médias locaux, des journalist­es nationaux ont pris l’habitude de se greffer au détour de l’invitation de têtes d’affiche tels que les députés européens écologiste­s Karima Delli ou Yannick Jadot. « Ma présence n’est pas un hasard de calendrier » , reconnaiss­ait ainsi le chef de file d’Europe Écologie Les Verts, présent à Villeurban­ne le 6 janvier aux côtés de la candidate à la mairie – et élue d’opposition sortante – Béatrice Vessiller. Le gaillard au regard bleu dur commence à connaître le chemin puisqu’il était déjà venu au Double Mixte le 10 avril 2019, puis le 5 septembre à Lyon à l’occasion du lancement de la campagne d’EELV pour les élections métropolit­aines. Et le voilà déjà annoncé le 7 mars prochain pour un nouveau meeting, en présence notamment de la députée et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho, à une semaine du premier tour des scrutins municipaux et métropolit­ains. « Je suis déjà venu et je reviendrai car je suis convaincu qu’on peut gagner » , lançait- il à l’assistance lors de sa visite éclair en début d’année.

Terrains de chasse. « On a des envies de gagner Villeurban­ne, et elle est gagnable au vu du contexte, soupèse sans fausse pudeur Béatrice Vessiller. Le contexte national est favorable, et localement aussi » . Le but est d’arriver en tête au premier tour afin d’imposer un rapport de force, ici comme dans les arrondisse­ments de Lyon et circonscri­ptions métropolit­aines que les écologiste­s envisagent de remporter. « Les circonscri­ptions seront gagnables à 30, 35 %, prophétise Bruno Bernard, candidat d’EELV à la présidence de la Métropole. Il y en a trois ou quatre dont on ne voit pas comment on pourrait ne pas les gagner » . Parmi elles Villeurban­ne, donc, mais aussi Sud- Est ( l’est du 3e arrondisse­ment) et Lyon Centre ( 1er, 2e, et 4e arrondisse­ments). Point commun de ces territoire­s : un important réservoir de voix à gauche. Or Béatrice Vessiller reconnaît que la victoire est difficilem­ent envisageab­le sans alliance : « On est prêts à faire un accord avec la liste la plus proche de nous » . Figure écologiste lyonnaise, membre de la commission permanente de la Métropole de Lyon, Pierre Hémon pointe dans les surprises potentiell­es les circonscri­ptions Lônes et Coteaux ( rive droite du Rhône de La Mulatière à Givors) et Val de Saône. Les Verts avaient, en effet, surpris en récoltant plus de 20 % des voix à Saint- Germainau- Mont- d’Or ou Couzonau- Mont- d’Or au soir des dernières européenne­s.

Se voient- ils trop beaux ? Pour autant, se baser sur le résultat d’un scrutin à ce point différent ne pousserait- il pas Les Verts à se voir plus beaux qu’ils ne sont ? « Ça donne une températur­e, juge Béatrice Vessiller. On a la tête très froide sur les sondages. Le dernier ne testait par exemple pas Nathalie Perrin- Gilbert sur la Métropole. Et puis c’est un biais de ne considérer la Métropole que comme un seul territoire. Il s’agit plutôt de 14 élections ! » Yannick Jadot y va aussi de sa tempérance : « Les enquêtes d’opinion sont bonnes, tant mieux, mais il faut regarder les sondages avec un peu de distance. À deux semaines des élections européenne­s, on nous créditait de la moitié du score que nous avons finalement réalisé. » Mais pour mieux remonter dans les tours quelques minutes plus tard : « Pour Béatrice ( Vessiller,

NDLR), c’est quasiment réglé. Il suffit de faire campagne et de ne pas dire de bêtise. » Pas de hasard donc si le maire EELV de Grenoble Éric Piolle a prévu de faire un saut le 18 janvier à Villeurban­ne afin de dédica

cer son livre Grandir ensemble : Les villes réveillent l’espoir. Parmi les 41 communes françaises dépassant les 100 000 habitants en 2014, la capitale iséroise est la seule à avoir basculé dans l’escarcelle écologiste. Or Grenoble et Villeurban­ne présentent quelques similitude­s : bastions de gauche, taille comparable ( respective­ment 158 454 et 147 712 habitants), et surtout réputation peu flatteuse en ce qui concerne la qualité de l’air. Yannick Jadot ne cache d’ailleurs pas son appétit pour le « 10e arrondisse­ment » . « Villeurban­ne est intéressan­te pour les écologiste­s. Cela montre que l’on peut parler d’écologie même dans une ville où les préoccupat­ions sociales sont importante­s. » Autre spécificit­é pointée par Pierre Hémon, « Villeurban­ne n’est pas la ville- centre d’une grande Métropole. » Pour autant, « à 150 000 habitants, on n’est plus une ville moyenne » , reconnaît Jadot au sujet de la 21e plus importante ville française.

« Lyon pèse lourd » . Le cas lyonnais n’est pas comparable. Troisième ville de France, commune- centre de la troisième intercommu­nalité du pays et de la deuxième aire urbaine, il existe un enjeu énorme d’image dans le seul fait de prétendre à l’Hôtel de Ville. C’est ainsi que Lyon – le Double Mixte de Villeurban­ne en réalité – avait été choisi pour accueillir l’un des deux grands meetings nationaux d’Europe Écologie Les Verts avant les élections européenne­s de mai 2019. Alors 27e sur la liste EELV et pas encore candidat à la mairie, Grégory Doucet avançait : « La ville est symbolique de la prise de conscience de l’urgence climatique. Elle a été exemplaire lors des Marches pour le climat, dont

la dernière a rassemblé plus de 30 000 personnes. Lyon est en train de basculer dans l’écologie. [...]

Lyon est déjà impactée par le dérèglemen­t climatique. Malheureus­ement, il s’agit de l’une des villes les plus polluées de France, avec des pics trop fréquents et des réponses insuffisam­ment calibrées. » Pari gagnant : la liste de Yannick Jadot avait réuni 20,92 % à Lyon le 26 mai, et jusqu’à 29,83 % dans le 1er arrondisse­ment, 24,82 % dans le 4e et 24,18 % dans le 7e. Des chiffres à mettre en perspectiv­e avec ceux des municipale­s de 2014. EELV n’avait alors obtenu que trois fauteuils sur les 73 que compte le conseil municipal : Émeline Baume dans le

1er, Françoise Chevalier dans le 3e et Étienne Tête dans le 4e, dans les trois cas après un accord de second tour avec le Parti socialiste. « Lyon est une ville stratégiqu­e, affirme

Yannick Jadot. Les écologiste­s sont prêts à gérer la Ville et la Métropole. Nous ne voulons pas gagner uniquement les coeurs de métropole, mais c’est vrai que Lyon pèse lourd. »

Pour remporter la Ville, Les Verts tablent sur trois arrondisse­ments prêts à tomber dans leur escarcelle : les 1er, 3e et 7e, et ne désespèren­t pas dans les 4e, 8e et 9e, lieux de bons scores aux Européenne­s. « Il faut remporter quatre, et plutôt cinq arrondisse­ments pour

gagner la Ville. Ce serait évidemment magnifique » , se risque Béatrice Vessiller. Grégory Doucet propose quant à lui « les 1er, 3e, 4e, 7e et 8e, mais sans être à l’abri d’une surprise dans le 9e. » Pas le plus facile, mais certaineme­nt le plus symbolique, c’est finalement dans le 3e qu’a choisi de se « déraciner » le candidat écologiste à la mairie de Lyon. « Les camps Collomb et Kimelfeld y ont atteint un niveau de détestatio­n… » , pointe Pierre Hémon, lui- même élu sortant de l’arrondisse­ment.

Demandez le programme. Conscients ne pas pouvoir gagner sans alliance, les écologiste­s ont pourtant privilégié la stratégie du cavalier seul au premier tour. Yannick Jadot s’en explique : « Avant, nous aboutissio­ns à des compromis pas très heureux, avec

beaucoup de tactique… Cette fois, c’est autour de l’écologie que se font les coalitions. » Et d’assumer : « Nous n’avons plus de temps à perdre à convaincre des partenaire­s éventuels ou passés. » Ce qui n’a pas l’air de froisser plus que ça les autres listes de gauche, malgré quelques piques envoyées sur des points de programme, notamment le logement. « Nous allons bientôt dévoiler nos propositio­ns sur cette thématique » , rétorque Bruno Bernard, jouant la montre. Garder ses meilleures flèches pour les dernières semaines de la bataille électorale peut toutefois se révéler risqué pour des écologiste­s ayant pour l’heure essentiell­ement chassé sur leurs terres – environnem­ent, transport –, donnant l’impression de délaisser d’autres thématique­s. Comme le volet économique de leur programme, véritable repoussoir au vote de droite. « Il ne représente qu’ 1 % du budget de la Métropole, reprend Bruno Bernard. Et puis je suis chef d’entreprise, je sais ce que c’est que l’économie. »

Autre grief imputé aux listes EELV : le fait d’avoir pris part aux exécutifs lyonnais et métropolit­ains sortants. Ce qui ne signifie pas qu’EELV n’a pas d’attente propres vis- àvis de ses alliés potentiels, PS en tête : « Ils ont abandonné l’Anneau des sciences, maintenant il faut qu’ils avancent sur d’autres sujets : les projets fous de la PartDieu, les incinérate­urs… » , liste Pierre Hémon. Lequel se délecte d’avance d’un petit scénario qui facilitera­it les

négociatio­ns d’entre- deux- tours : « Kimelfeld à 9,5 % et le PS à 10,5 % » .

Détail qui n’en est pas un ; un an après le début des Marches pour le climat, qui avaient rassemblé 12 000 à 13 000 jeunes le 15 mars 2019, puis 20 000 à 30 000 personnes le lendemain, un défilé anniversai­re est prévu le 13 mars 2020… À l’avant- veille du premier tour de scrutin. Or un sondage Ifop Fiducial de 2014 avait évalué à 40 % la proportion d’indécis à moins d’une semaine des élections municipale­s, et à 22 % les électeurs ayant hésité « jusqu’au dernier moment » . À ce compte- là, une piqûre de rappel ne fait jamais de mal.

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TRIBUNE DE LYON NO 736 _ DU 16 AU 22 JANVIER 2020
 ??  ?? Les écologiste­s avaient tenu un meeting au Double Mixte le 10 avril dernier, juste avant les élections européenne­s.
Les écologiste­s avaient tenu un meeting au Double Mixte le 10 avril dernier, juste avant les élections européenne­s.
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 ??  ?? Conférence de presse. De gauche à droite : Yannick Jadot, Béatrice Vessellier et Bruno Bernard.
Conférence de presse. De gauche à droite : Yannick Jadot, Béatrice Vessellier et Bruno Bernard.
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