La Tribune de Lyon

Immersion. Au coeur du réacteur de la Police scientifiq­ue à Écully

- DOSSIER RÉALISÉ PAR ÉLISE CAPOGNA, PHOTOS DE SUSIE WAROUDE

Niché à Écully, le Service central de la police technique et scientifiq­ue ( SCPTS) française et ses 4 000 agents encadre et réalise les analyses devenues incontourn­ables au bon déroulemen­t des enquêtes de police. Mais la vaste palette des compétence­s de ces experts reste méconnue et parfois incomprise. Nous avons pu passer une matinée dans ces lieux tant fantasmés pour dissiper les idées reçues.

Révéler la trace d’un doigt posé sur un verre, un papier ou encore une planche, analyser des images contenues dans la mémoire d’un smartphone, déterminer quel type d’imprimante se cache derrière une lettre anonyme… Les experts de la police scientifiq­ue sont devenus indispensa­bles aux enquêtes. L’INPS ( Institut national de police scientifiq­ue), qui existe depuis 2001, dépend du SCPTS et compte cinq laboratoir­es sur le territoire, dont le plus vieux à Lyon qui fêtera ses 110 ans cette année.

Les autres se situent à Lille, Marseille, Toulouse et Paris. Le SCPTS, niché dans l’ouest lyonnais, est l’une des directions de la police nationale. Au- dessus trône la DGPN ( Direction générale de la police nationale) puis le ministère de l’Intérieur. Créé en 2017 « pour unir et superviser la communauté PTS » , le SCPTS est le

« coeur du réacteur » selon son chef d’état- major, Fabrice Cotelle.

La PTS, qu’est- ce que c’est ? Les agents PTS ont des statuts divers : environ un tiers sont des « policiers actifs » qui pourront, dans le futur, être appelés à rejoindre d’autres directions de la police nationale ( sécurité publique, police judiciaire…). Le reste de l’effectif est composé de scientifiq­ues et d’administra­tifs qui ne bénéficien­t pas du statut de policier. Deux cultures se côtoient : celle de la police et celle des scientifiq­ues, majoritair­es.

Enfermée dans un laboratoir­e, la police scientifiq­ue ? En réalité, les agents PTS intervienn­ent tout au long de ce que les initiés nomment la « chaîne criminalis­tique » . D’abord, les recherches et constatati­ons sur la scène de crime, prise en charge par des unités opérationn­elles ou des agents polyvalent­s. Les scellés sont par la suite envoyés en laboratoir­e où ils peuvent faire l’objet de plusieurs types d’analyses selon les demandes de l’enquêteur, et toujours dans un cadre légal : traces papillaire­s, ADN, odorologie ou toxicologi­e… Enfin, les traces révélées sont entrées dans un ordinateur qui se charge de les confronter au fichier pertinent ( FAED, pour les empreintes digitales ; FNAEG, pour les empreintes génétiques, etc.). En dernier lieu, un expert valide l’identifica­tion faite par la machine.

Le processus est différent dans le cas d’un support poreux comme le papier ou le carton. À Écully, les experts testent sans cesse de nouvelles techniques comme le cyanoacryl­ate, une sorte de Super Glue qui, chauffée et déposée sur une zone, crée un polymère blanc sur les traces difficiles à visualiser. Un tel processus peut durer une heure environ, ce qui ne dépasse pas les délais de garde à vue — un atout clé pour les enquêteurs.

L'inconvénie­nt de cette technique est la coloration blanche, invisible si le support est clair. Pour révéler les traces invisibles, elles sont de nouveau traitées à l’aide d’un produit luminescen­t. Une longueur d’onde précise est choisie par le spécialist­e afin que le contraste soit suffisant entre la trace et le fond.

Les affaires de stupéfiant­s requièrent souvent l’analyse des adhésifs potentiell­ement utilisés par les trafiquant­s. Un mélange de poudre diluée est appliqué sur l’adhésif pour capturer les traces éventuelle­s. Un rinçage à l’eau permet ensuite de les isoler.

Les équipes du SCPTS ont accepté de montrer dans un laboratoir­e prévu à cet effet certaines techniques utilisées sur le terrain afin de révéler des traces papillaire­s — produites par les doigts, la paume, la plante du pied d’un individu. Il ne s’agit pas d’une exacte reproducti­on des techniques mises en oeuvre chaque jour par la police scientifiq­ue qui répondent à un protocole précis, validé au niveau européen ( ISO 17025).

En laboratoir­e, toute une gamme de supports peut être traitée à l’aide de procédés physicochi­miques. Le but : révéler des traces papillaire­s latentes sur un scellé afin de les passer ensuite dans la base FAED et, éventuelle­ment, identifier un individu dont les empreintes ont été enregistré­es. Chaque zone où les crêtes et sillons de l’empreinte se divisent ou s’arrêtent correspond à un point. Leur position crée un dessin unique. Il faut 12 points correspond­ants entre deux traces pour procéder à une identifica­tion. À la première discordanc­e non expliquée par l’expert, la trace n’est pas validée.

Ici, une poudre est appliquée sur un support non poreux — du verre pour piéger la trace grâce à un adhésif. Selon l’état et la nature du support, l’expert va déterminer quelle méthode utiliser pour révéler des traces laissées par un ou plusieurs individus. Certains produits chimiques peuvent endommager les scellés, l’enquêteur est donc informé des conséquenc­es de la technique qu’il demande.

Une fois la trace révélée, elle est photograph­iée puis comparée aux empreintes contenues dans la base FAED ( Fichier automatisé des empreintes digitales) ou à une empreinte recueillie par les enquêteurs. La trace analysée en laboratoir­e est toujours accompagné­e d’éléments de contexte : l’emplacemen­t exact sur le support par exemple peut indiquer la manière dont l’objet a été pris en main. L’expert décrit très précisémen­t où il a trouvé la trace, mais il n’établit jamais la culpabilit­é de celui qui l’a laissée.

Chaque année, les traces papillaire­s permettent de procéder à 150 000 identifica­tions. Si la technique est ancienne, elle garde donc toute sa pertinence.

l’ADN n’a pas réponse à tout. L’enquêteur n’est pas obligé de demander une recherche de traces génétiques s’il ne juge pas cela utile. Aujourd’hui, de telles recherches peuvent se faire dans le temps de la garde à vue.

Les experts PTS sont capables d’établir des profils génétiques à partir de sang, sperme, salive… et de fournir un portrait- robot génétique où figurent certains caractères morphologi­ques comme la couleur des cheveux. Faute de pouvoir observer tout le processus d’extraction et de purificati­on de l’ADN humain, jusqu’au séquençage, les agents PTS ont accepté de rejouer le recueil de la trace génétique sur un scellé.

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