La Tribune de Lyon

Le grand entretien. Gérard Collomb : « Qu’ils se rassurent, je ne resterai pas jusqu’à 90 ans… »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANTOINE COMTE

Candidat pour briguer un quatrième mandat consécutif à la tête de la Métropole de Lyon, Gérard Collomb a choisi Tribune de Lyon pour dévoiler une partie de sa stratégie pour tenter de l’emporter au soir du second tour, le 22 mars prochain. L’ancien ministre de l’Intérieur, qui nous confirme qu’il ne sera plus maire de Lyon durant le prochain mandat même en cas de défaite du côté du Grand Lyon, révèle en exclusivit­é quelques propositio­ns inédites pour « allier écologie et économie » . Entretien fleuve et à bâtons rompus avec cet animal politique que les sondages donnent gagnant, mais qui aura malgré tout fort à faire face à la poussée verte et à l’acharnemen­t de ses deux anciens dauphins, aujourd’hui adversaire­s, David Kimelfeld et Georges Képénékian.

D’après les sondages, les écologiste­s semblent être vos adversaire­s les plus sérieux pour le double scrutin du mois prochain… Quelle est votre stratégie pour arriver en tête au soir du premier tour ?

Gérard Collomb : « Elle est simple : c’est de poursuivre le projet que nous avons réalisé au cours des dernières années, c’est- à- dire à la fois un développem­ent économique, mais aussi un développem­ent écologique de notre métropole. Je rappelle que nous avons été les inventeurs du Vélo’v et que c’est à partir de ce moment- là que s’est développé le vélo dans la ville. Je rappelle également que nous avons multiplié par deux les pistes cyclables lors de chacun de mes mandats. Sans parler des berges du Rhône, des rives de Saône et des nombreux grands parcs créés depuis 2001. Jamais Lyon et sa métropole n’avaient connu une politique aussi orientée ville et nature. Nous allons donc continuer dans cette voie- là.

Ce que vous nous dites en réalité, c’est que vous faites de l’écologie depuis longtemps, c’est ça ?

Oui, nous nous occupons de cette question depuis très longtemps. Le premier Agenda 21 que nous avons réalisé, puisqu’à l’époque il n’y avait pas de Plan climat, remonte à 2002 sur le Val de Saône. Je signale à titre personnel que j’étais aussi au tout premier Sommet de la terre à Rio où je représenta­is la Fondation Jean Jaurès à l’époque avec António Guterres, qui est aujourd’hui le secrétaire général de l’ONU.

Concernant les candidats écologiste­s toujours, vous et vos proches utilisez un vocabulair­e parfois très dur pour qualifier leur politique, pourquoi ?

Nous n’avons jamais de mots durs à l’encontre de nos adversaire­s.

« Menace, crainte, décroissan­ce… » sont des mots qu’on entend pourtant souvent lors de vos conférence­s de presse notamment. Ils vous font si peur que cela les écolos ?

Non pas du tout. Mais je vais essayer de vous montrer quelle opposition il peut exister entre eux et nous. En fait, notre grande différence avec les écologiste­s, évidemment pas tous, et sûrement pas les milliers de personnes qui défilent dans les rues pour lutter contre le réchauffem­ent climatique, c’est que nous, nous pensons qu’il est possible de conjuguer économie et écologie. On souhaite d’ailleurs le faire le plus possible dans l’avenir parce que nous sommes persuadés qu’une partie des réponses aux problèmes écologique­s se trouvent dans une économie d’innovation. Nous voyons bien par exemple que le développem­ent demain des voitures électrique­s et après- demain à hydrogène va changer la donne concernant les gaz à effet de serre. Et je pourrais multiplier les exemples. On sait que le deuxième facteur d’émission est le bâtiment. Et bien la différence de consommati­on électrique entre la constructi­on de la tour Oxygène et celle de la tour Incity est de 40% et elle sera encore de 40% entre cette dernière et la tour To Lyon. On voit donc que les innovation­s en cours vont nous permettre d’apporter des solutions qu’on aurait jamais imaginées il y a quelque temps encore. Et cela va s’accélerer dans les prochaines années.

Les candidats écologiste­s martèlent pourtant qu’ils savent aussi bien parler d’écologie que d’économie…

Moi, en tout cas, je ne les vois pas aujourd’hui défendre le volet économique. J’ai lu quelques interviews dans lesquelles le mot « décroissan­ce » n’était pas pour eux un vilain mot. Je pense effectivem­ent que pour un certain nombre d’entre eux la seule solut ion pour lut ter contre le réchauffem­ent climatique est la décroissan­ce.

Ils sont donc décroissan­ts pour vous ?

Ce sont eux qui le disent ! Donc s’ils le disent, c’est qu’ils doivent le penser. Après, on ne peut que constater que certaines villes qu’ils ont eu à gérer n’ont pas enregistré une croissance exceptionn­elle.

Vous pensez notamment à la Ville de Grenoble dirigée depuis 2014 par le maire écologiste Éric Piolle ?

Je ne veux stigmatise­r personne, mais oui pour moi, Grenoble n’a pas connu la croissance qu’elle aurait pu espérer. Et puis si vous voulez le fond de ma pensée, on confond trop souvent entreprise et capitalism­e débridé. Ici, dans le studio où nous réalisons cette interview, nous sommes dans une entreprise. Et elle n’a rien de capitalist­ique. Depuis 2001 à Lyon, nous ne supportons pas seulement les grands groupes internatio­naux. Je pense même que l’agglomérat­ion lyonnaise s’est davantage développée grâce aux PME- TPE que par des entreprise­s de taille plus importante. C’est largement par la création de start- up engagées dans des domaines divers, numérique mais aussi sportif, culturel, que s’est créée la dynamique de notre métropole.

« Nous n’avons jamais de mots durs à l’encontre de nos adversaire­s. »

Vous êtes très critique envers les écologiste­s et leur programme, et pourtant ils ont longtemps fait partie de vos exécutifs, n’y a- t- il pas là une contradict­ion ?

Ce n’étaient pas exactement les mêmes…

Les écologiste­s ont changé ? Votre ancien adjoint écologiste Étienne Tête, c’était déjà un dur quand même ?

Vous savez, j’ai réalisé la toute première alliance dite « gauche plurielle » avec Gilles Buna comme adjoint à l’Urbanisme et je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui les écologiste­s sont sur la ligne que nous portions à l’époque. Après, ce qui m’importe, c’est le projet que j’ai pour Lyon et je ne vais pas passer mon temps à parler d’eux.

Pas d’accord politique possible avec eux au second tour donc ?

Attendez, je ne sais pas : si un jour ils découvrent que mon projet est profondéme­nt écologique, peut- être qu’ils auront envie de faire alliance avec moi. S’ils découvrent, par exemple, que diminuer la circulatio­n automobile sur l’A7 pour passer de 115 000 à 40 000 voitures au bord du Rhône grâce au bouclage de l’Anneau des sciences, réalisé à 80% en souterrain, est un vrai projet écologique, alors je serai prêt à faire alliance avec eux.

Ça semble mal parti quand même : les écologiste­s sont radicaleme­nt opposés à l’Anneau des Sciences…

Oui, mais vous savez, peut- être qu’un jour comme Saint- Paul, ils auront une conversion subite sur le chemin de l’Anneau des sciences ( rires) !

Justement au sujet de l’Anneau des sciences, on a l’impression que c’est un peu le faire- valoir de votre campagne : vous le dégainez à chaque fois que vous en avez la possibilit­é…

C’est parce que je pense que le premier problème aujourd’hui dans l’agglomérat­ion est celui des

Le 28 novembre dernier, Gérard Collomb était l’invité de l’émission Lyon Politiques sur BFM Lyon en partenaria­t avec Tribune de Lyon.

« J’ai fait la toute première alliance “gauche plurielle” et je ne suis pas sûr que cela pourrait être le cas avec ce que représente les écologiste­s aujourd’hui. »

mobilités. Nous avons donc imaginé plusieurs volets pour le résoudre et diminuer la circulatio­n automobile au coeur de la ville. Le premier volet, c’est de constater aujourd’hui que nous avons deux pénétrante­s au centre de la ville qui sont le tunnel de Fourvière et la rocade est, et pour moi, c’est juste impensable de conserver cela en l’état, car c’est là un des facteurs de pollution les plus importants. Si on écarte les circulatio­ns de l’agglomérat­ion en réalisant le bouclage de l’A432 au- delà de l’aéroport, il est clair que nous réduirons l’impact, tout comme si nous parvenons à mettre en place un péage dans le tunnel de Fourvière pour tous les automobili­stes qui ne font que transiter par Lyon.

Le deuxième volet est d’utiliser davantage le transport ferroviair­e. L’agglomérat­ion lyonnaise possède une étoile à 15 branches. Or nous savons que 80 % des habitants de l’aire urbaine de Lyon habitent à moins de cinq kilomètres d’une gare. Si nous développon­s les liaisons ferroviair­es, et en particulie­r ce que mon ami Christophe Geourjon appelle le « RER à la lyonnaise » , cela permettrai­t de réduire le nombre de voitures de l’agglomérat­ion. Troisième et dernier volet : le Sytral pour lequel nous voulons doubler le budget sur le mandat pour créer notamment de nouvelles lignes, tout en articulant voies ferrées et transports en commun avec un ticket unique pour les voyageurs.

Concernant l’Anneau des sciences toujours, vos opposants vous reprochent de le défendre avant tout pour séduire l’électorat industriel lyonnais et le patronat ?

Non, je pense simplement qu’il faut continuer de permettre un accès à Lyon, car cette ville s’est toujours développée sur un axe nord- sud et un autre est- ouest. Si Lyon, véritable carrefour européen, venait un jour à ne plus être accessible, cela créerait des problèmes économique­s.

Il faut donc quand même maintenir la voiture à Lyon et dans son centre- ville ?

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Il faut jouer sur l’ensemble des trois volets que je viens de vous exposer et donc mettre en place un ring autour de l’agglomérat­ion. Je regardais encore récemment une carte d’Amsterdam où il existe un ring de ce genre qui a permis de libérer à l’intérieur de la ville les espaces de surface pour développer le vélo, la marche ou encore la végétalisa­tion des rues. C’est exactement ce que nous voulons faire avec le bouclage du périphériq­ue. Nous réaliseron­s un boulevard circulaire avec des parcs relais pour se déplacer à l’intérieur de l’agglomérat­ion en transports en commun, à pied ou à vélo.

Vous parliez à l’instant de votre nouvel ami Christophe Geourjon, mais il y a un autre élu qui est un peu moins votre ami et qui s’appelle David Kimelfeld : est- ce qu’un rabibochag­e est encore possible, franchemen­t ?

Tout est toujours possible. Mon problème n’est pas une question d’hommes, mais une question de ligne politique. Je ne souhaite pas que tout ce nous avons réalisé en l’espace de deux décennies puisse se défaire demain.

Vous considérez que la ligne politique de David Kimelfeld a changé ?

Oui, je trouve qu’il s’est un peu éloigné de ce que nous avons réalisé ensemble. Il le fait sans doute par calcul politique pour s’allier aux écologiste­s. Mais pour cela, il tourne le dos à tout ce que nous avons fait. Concernant l’Anneau des sciences, pendant dix ans, il était d’accord pour le réaliser et tout d’un coup, il a découvert que ce n’était pas bien. Je veux bien qu’on change d’avis sur ce qu’on a défendu depuis toujours, mais cela montre en tout cas une inconstanc­e et un mépris pour tout ce qui est vision de l’avenir de cette métropole. Moi, je ne fais pas de la politique pour être élu, mais pour changer la ville, et je pense c’est

« Concernant l’Anneau des sciences, David Kimelfeld était d’accord pour le réaliser, et tout d’un coup, il a découvert que ce n’était pas bien. »

pour cela qu’au cours des vingt dernières années, elle a beaucoup changé.

Vous lui reprochez d’avoir changé, mais vous aussi non ? Vos opposants politiques, notamment à gauche, vous reprochent de vous être « droitisé » , que leur répondez- vous ?

Attendez, si vous le permettez je voudrais vous poser une question : pourquoi ai- je créé la Métropole de Lyon ? Parce que je voulais récupérer les compétence­s sociales du Conseil général. Donc, si je n’avais eu aucune fibre sociale, je ne l’aurais pas réalisée. Vous connaissez ma fameuse formule : « Unir l’urbain et l’humain » . Je n’ai pas changé de ligne politique. Pour moi être de gauche ne peut se résumer à des discours. Ce qui compte c’est de changer la vie quotidienn­e des gens. Moi, ce qui m’intéresse c’est de savoir si la vie quotidienn­e des habitants de La Duchère s’améliore ou pas. Est- ce que celle des habitants du 8e arrondisse­ment s’améliore ou pas ? Et c’est vrai à Vaulx- en- Velin, au Carré de Soie, partout. Si on me dit que cela ne s’améliore pas, alors je veux bien concéder que ma politique n’a pas été de gauche. Dans le cas contraire, alors je me dis que j’ai réussi.

Vous vous considérez toujours comme un homme de gauche ?

Je suis un social- réformiste de l’écologie. Cette question de l’écologie peut s’apparenter à ce qu’on a connu aux XIXe et XXe siècles lorsqu’il y avait d’un côté des révolution­naires et de l’autre des réformiste­s. Certes le discours révolution­naire pouvait faire rêver, mais la pratique a été un peu moins flamboyant­e, pour ne pas dire consternan­te. Et bien là, c’est pareil.

Est- ce que l’interventi­on d’Emmanuel Macron pour vous départager avec David Kimelfeld n’a pas été contreprod­uctive ? Le chef de l’État devait se mêler de cela, franchemen­t ?

Je vois à la fois le chef de l’État m’apporter son soutien et dans

le même temps, les députés ne pas me l’apporter ; donc je me dis que les choses peuvent être un peu plus complexes que cela…

Quelles sont vos relations avec le chef de l’État aujourd’hui ?

Il me téléphone de temps en temps. Il y a dix jours, il m’a téléphoné pour me dire qu’il me parlerait des élections après son retour de Pologne.

Un mot sur la droite représenté­e par FrançoisNo­ël Buffet à la Métropole et Étienne Blanc à la Ville de Lyon : on entend dire qu’il y aurait un accord secret avec eux en vue du second tour, vous confirmez ?

Les gens ont trop d’imaginatio­n je crois. Il faut se méfier de l’imaginatio­n, elle peut être parfois perverse.

N’empêche qu’il faudra quand même trouver des alliés pour l’emporter au second tour. Vous pensez à qui ?

Nous verrons bien. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le premier tour parce qu’en fonction du résultat réalisé à ce moment- là, les choses peuvent se présenter très différemme­nt. Ce que je sais, et c’est l’expérience qui le dit, c’est que vous avez toujours beaucoup d’amis à l’issue du premier tour, si vous avez réalisé un bon score.

Le fait d’avoir coupé les ponts avec vos anciens amis politiques, comme Georges Képénékian, ça vous touche ?

Oui, bien sûr. Nous avons beaucoup travaillé avec Georges depuis 2008, et je trouve la situation actuelle regrettabl­e. D’un point de vue politique, a- t- il autant changé que David Kimelfeld ?

N’avez- vous pas été un peu trop naïf par rapport à vos anciens dauphins qui ont goûté au pouvoir et y ont pris goût finalement ?

C’est possible oui. Je suis peut- être un garçon naïf, vous savez ( rires) !

Vous êtes en désaccord sur l’accueil des migrants dans la région lyonnaise avec le président de la Métropole qui critique votre manque d’humanisme dans ce dossier, que lui répondez- vous ?

Écoutez, comme je vous l’ai dit précédemme­nt, si j’avais une aversion du social, je n’aurais jamais créé la Métropole de Lyon. Je voyais bien qu’à la communauté urbaine, nous traitions des sujets relatifs à l’économie, à l’urbanisme ou encore aux transports, mais d’une certaine manière, tout ce qui était relatif à l’humain nous échappait. Nous n’avions pas les compétence­s pour aider les personnes âgées, handicapée­s ou au RSA par exemple. On ne peut donc pas me dire maintenant que je n’ai aucune appétence pour ces questions- là !

En plus, moi, je viens plutôt d’un milieu modeste et j’ai donc envie que chacun, quelle que soit son origine, puisse s’épanouir à Lyon, trouver sa place dans notre société. Je pense que c’est même l’une des conditions de l’unité républicai­ne. Renan disait que « la nation est un plébiscite de tous les jours » , et bien je crois qu’il faut gagner ce plébiscite- là tous les jours. Sinon, c’est la République qui pourrait se voir remise en cause.

Justement, maintenez- vous encore aujourd’hui le constat amer que vous aviez établi en quittant la place Beauvau ? Vous aviez parlé d’un pays dans lequel ses habitants « vivent aujourd’hui côte à côte » , mais qu’ils pourraient

« Les gens ont trop d’imaginatio­n je crois. Il faut se méfier de l’imaginatio­n, elle peut être parfois perverse. »

demain « vivre face à face » …

Je suis un partisan de la mixité sociale et quand Jean- Louis Borloo a lancé son plan sur l’ANRU ( Agence nationale de rénovation urbaine, NDLR), j’ai été le premier à le décliner dans le quartier de La Duchère pour faire en sorte de ramener des classes moyennes dans un quartier qui comprenait 80 % de logements sociaux. Je souhaite équilibrer la ville, et quand j’étais ministre de l’Intérieur, j’ai pu constater en Île- de- France la profondeur des fractures sociales qui ne peuvent qu’aboutir à de graves dysfonctio­nnements.

Vous feriez encore ce constat aujourd’hui sur l’état du pays ou à l’inverse vous considérez que ça va mieux et que le gouverneme­nt va dans le bon sens ?

Qu’il y ait un certain nombre de fractures dans cette société et qu’elles ne datent pas d’aujourd’hui, c’est un lieu commun que de le dire. Quand j’ai employé ces mots, je crois que de nombreux Français s’y sont retrouvés et cela a pris du relief car j’étais le ministre de l’Intérieur sortant. Mais il suffit de regarder la coupure qui existe entre les villes et les campagnes ou entre les centres- villes et les banlieues pour se rendre compte que nous avons encore de nombreux problèmes à résoudre.

Et sur la réforme des retraites ?

Je suis de ceux qui pensent qu’il faut tenir compte de l’allongemen­t de la durée de la vie et que la retraite par points, telle qu’elle a pu être réalisée sur dix ans en Suède est une bonne chose. Je suis donc favorable à ceux qui font le constat comme moi que l’on vit de plus en plus vieux. Et si nous voulons conserver un système dans lequel nous pouvons avoir un niveau de retraite satisfaisa­nt, une réforme est nécessaire. J’avais dit à Jean- Paul Delevoye ( ex- haut commissair­e à la réforme des retraites, NDLR) à l’époque : « Fais attention au personnel de la police et de la gendarmeri­e. Nous voulons recruter 10 000 personnes par an et si tu m’en fais partir 5 000 ou 6 000 en retraite anticipée parce qu’ils ont peur que le régime leur soit défavorabl­e, cela va créer une situation compliquée. »

À vous entendre, vous donnez presque l’impression de regretter d’avoir quitté le gouverneme­nt ?

Non, j’ai trouvé que j’avais fait mon temps. Mais vous remarquere­z que j’ai fait voter toutes les lois relatives au ministère de l’Intérieur depuis le début du quinquenna­t. J’ai acté la fin de l’État d’urgence, fait passer la loi sur la sécurité intérieure, mis en place la police de sécurité du quotidien, les quartiers de reconquête républicai­ne, la loi sur le harcèlemen­t de rue avec la ministre Marlène Schiappa… Je considérai­s avoir donc rempli une certaine mission, mais c’est vrai que j’ai peut- être, à un moment donné, fait l’erreur de dire que je serais candidat dans ma ville.

C’est- à- dire ?

Cette annonce dans la presse alors que j’étais encore au gouverneme­nt m’avait été reprochée comme incongrue, alors que je voulais être simplement transparen­t. Mais avec du recul, je crois que j’ai été visionnair­e : tout le monde veut être candidat dans sa ville maintenant, et il y a même des ministres qui font les deux en même temps ( rires).

Mais c’est parce que vous vouliez revenir à Lyon surtout ?

Oui, je n’ai jamais dit que je voulais être ministre de l’Intérieur jusqu’à la fin des temps. C’était pour moi plutôt un service que je voulais rendre parce que je pensais pouvoir être utile, et si je regarde aujourd’hui le passé, je me dis que je l’ai pas si mal accompli. Le dossier de Notre- Dame- des- Landes était un peu complexe à gérer et finalement, cela s’est bien passé.

Certains disent que vous êtes parti parce que vous aviez été informé de la naissance du mouvement des Gilets jaunes, c’est vrai ?

Non évidemment ! Je ne lis pas dans le marc de café. Voir qu’il y avait des fractures dans la société oui, mais savoir que ce mouvement social allait se déclencher trois semaines après, il aurait fallu être devin.

Pour les élections municipale­s à Lyon, vous avez choisi de donner sa chance à votre jeune adjoint aux Sports, Yann Cucherat : pourquoi ce dernier a- t- il été préféré à Fouziya Bouzerda, la présidente du Sytral ?

Chacun d’entre eux à une voie à suivre. J’ai demandé à Fouziya d’être candidate dans le 9e arrondisse­ment. Quand on sait que c’est mon arrondisse­ment d’origine, on peut se dire que c’est une marque de confiance.

Son entourage assure pourtant qu’elle est très déçue…

Je ne suis pas certain que sur le moyen terme ce sera une déception pour elle. Parce qu’être candidate dans un territoire où vous pouvez avoir une implantati­on extrêmemen­t forte, c’est à mon avis non négligeabl­e.

Ce n’est pas surtout que Yann Cucherat était plus malléable et plus facilement « dirigeable » depuis la Métropole ?

Non, pas du tout. Yann a sa personnali­té. Quand on regarde ce qu’il a fait sur le sport et l’événementi­el, on ne peut que

« Vous remarquere­z quand même que j’ai fait voter toutes les lois relatives au ministère de l’Intérieur depuis le début du quinquenna­t. »

constater qu’il a eu toute liberté pour faire ce qu’il croyait devoir faire. Et quand je vois l’empathie qu’il y a autour de lui, notamment dans le milieu sportif, je me dis qu’il réussit, qu’il sait rassembler, et donc je ne regrette absolument pas mon choix.

Vous avez présidé votre dernier conseil municipal fin janvier en tant que maire de Lyon, qu’avez- vous ressenti ?

Une grande émotion. J’adore la ville de Lyon et le fait de choisir la Métropole ne veut pas dire que j’abandonne Lyon. Président de la Métropole de Lyon, c’est au contraire la bonne place pour continuer à permettre de transforme­r cette ville, pour qu’elle soit un coeur puissant de la Métropole et qu’elle tire l’ensemble de nos territoire­s vers le haut.

Donc si Yann Cucherat est élu maire de Lyon, et vous président de la Métropole, vous lui laisseriez les mains libres ?

Les gens qui disent l’inverse sont surtout ceux qui n’ont pas envie qu’il soit élu.

La Ville de Lyon ne sera donc pas un lot de consolatio­n si vous veniez à perdre la Métropole ?

À mon âge vous savez, on ne cherche pas vraiment de lot de consolatio­n. Je travaille aujourd’hui parce que j’ai une vision de la ville et de l’agglomérat­ion et que je souhaite qu’on continue sur la même voie. Les hochets du pouvoir, cela n’a jamais été une motivation. Comme vous le voyez sur ma veste, je n’ai aucune décoration.

Comme vous l’expliquez, les honneurs de la République ne vous intéressen­t pas ?

Non, et on m’en a proposé souvent et encore récemment. Je n’ai ni la Légion d’honneur, ni l’ordre national du Mérite. J’ai quelques autres décoration­s, japonaises par exemple et j’en suis très fier car je suis l’un des seuls à les avoir. Pour le reste, collection­ner les décoration­s n’est pas pour moi la finalité, mon objectif a toujours été de transforme­r ma ville et de rendre les gens heureux. C’est là le moteur de mon action.

On vous voit peu sur le terrain, contrairem­ent à d’autres candidats : pourquoi ne faitesvous pas vraiment campagne, parce que vous considérez que vous êtes l’ultra- favori ?

Je ne sais pas à quoi vous pensez, mais j’ai l’impression qu’on bosse comme des fous. Ne soyez pas impatient, vous me verrez sur le terrain, il y aura par exemple un grand meeting avant le premier tour.

Est- ce que vous n’avez quand même pas l’impression de moins livrer bataille que les autres en raison de votre notoriété ?

C’est vrai que j’ai à la fois de la notoriété et un indice de satisfacti­on qui atteint les 62 %. On peut aimer ou ne pas aimer ce que j’ai fait, mais en général, quand les Lyonnais reçoivent des amis, ils n’ont pas honte d’aller leur faire visiter la ville. Ils en sont au contraire très fiers.

Vous avez été investi par La République en marche pour ces métropolit­aines. Cette étiquette politique n’est- elle quand même pas un boulet par rapport à l’impopulari­té actuelle du gouverneme­nt ?

Non, parce que je crois que pour ces élections locales, les électeurs vont surtout voter pour des personnali­tés, un projet, mais beaucoup moins pour une étiquette politique.

Avez- vous une grande propositio­n inédite pour cette métropole à nous faire ?

L’Anneau des sciences ( rires).

Ce n’est pas très nouveau comme projet…

Je souhaite par exemple développer sur les terrains de la SNCF du côté de La Mulatière ce qu’on a fait pour le quartier de l’Industrie dans le 9e arrondisse­ment. Je vous rappelle que c’est grâce à TEO. Je pense qu’avec l’Anneau des sciences, on pourra réaliser le même type d’opération sur des terrains qui représente­nt 12 à 15 hectares. Ensuite, sur l’Est lyonnais, près de la voie verte qui va d’Eurexpo au parc OL, nous voulons réaliser un grand parc boisé, peut être avec un plan d’eau, pour être en harmonie

« À 72 ans, on ne cherche pas de lot de consolatio­n. Aujourd’hui, j’ai une vision de la ville et de l’agglo. »

avec le parc Miribel Jonage. Nous pourrions relier l’ensemble des espaces verts de l’Est lyonnais pour en faire un lieu unique.

Plus généraleme­nt, autour de Lyon, vous avez une ceinture de parcs, et notre but à terme c’est de les relier entre eux. Dans notre programme, nous avons appelé « parc des éléments » la réunion autour du parc de Lacroix- Laval, des Grands Vallons de l’Yzeron, de Charbonniè­res, de Serre, des Planches.

Vous êtes favorable à la création de la ligne E du métro on le sait tous, mais faut- il prolonger le métro jusqu’au Grand Stade de l’OL à Décines ?

Oui, je suis partisan de le prolonger en direction du Grand Stade, et ce à partir du boulevard urbain Et où nous souhaitons réaliser un tramway circulaire avec un parc relais et donc une jonction pour le prolongeme­nt du métro.

Et à La Confluence, très mal desservie, faut- il prolonger le métro depuis Perrache ?

Comme vous le savez, c’est un quartier avec une topographi­e particuliè­re. Il faut l’organiser comme à la Cité internatio­nale avec des parkings sur le quai Perrache pour se déplacer ensuite à vélo ou à pied. Je vous signale que Louis Pelaez vient de réaliser le premier parking du quartier. Deux autres vont être construits plus au sud.

N’avez- vous pas peur qu’il existe une situation de blocage et que cela soit ingouverna­ble si jamais vous veniez à remporter la Métropole et que, dans le même temps, l’un de vos opposants politiques, un écologiste par exemple, remporte la Ville ?

Vous me connaissez, je suis un garçon diplomate. La preuve, je fais une interview avec vous ( rires)…

Avez- vous déjà envisagé la défaite en mars prochain ?

Oui, bien sûr, on imagine toujours la défaite. Mais je vais vous raconter une histoire et vous verrez que ma carrière politique a failli s’arrêter très tôt. En 1988, lorsque j’avais été battu dans le cadre d’élections législativ­es, on m’avait proposé un beau poste dans l’enseigneme­nt à Chamonix. Et comme j’adorais le ski, j’ai hésité.

Mais au même moment, on m’a demandé de créer la fondation Jean- Jaurès et c’est comme cela que je ne suis pas allé à Chamonix. Vous voyez, cela aurait pu s’arrêter beaucoup plus tôt pour moi ! Mais je veux rassurer tout le monde, je ne resterai pas jusqu’à 90 ans ( rires).

Mais si vous perdez, à quoi ressembler­a votre nouvelle vie ?

Je reprendrai un certain nombre d’activités, comme la voile que j’aimais beaucoup. Aller aux Baléares ou en Corse, cela peut aussi avoir un côté agréable.

« En 1988, lorsque j’avais été battu aux élections législativ­es, on m’avait proposé un beau poste dans l’enseigneme­nt à Chamonix. Et comme j’adorais le ski, j’ai hésité ! »

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