La Tribune de Lyon

Collèges et lycées : les enseignant­s au chevet des élèves handicapés

- TRIBUNE DE LYON NO 747 _ DU 2 AU 8 AVRIL 2020 ÉLISE CAPOGNA

Depuis lundi 16 mars, les enseignant­s maintienne­nt tant bien que mal un lien avec leurs élèves. Mais certains d’entre eux font d’ordinaire l’objet d’un accompagne­ment spécifique : adolescent­s autistes, souffrants d’un handicap moteur ou mental ou d’une maladie chronique… Leurs professeur­s s’efforcent de ne pas les laisser sur le carreau.

Fracture numérique. La question se pose à Elie- Vignal, cité scolaire ( collège et lycée) spécialisé­e, perchée à Caluire, dont certains élèves malades sont hospitalis­és. Les cours dispensés dans les hôpitaux ont cessé. Le proviseur Bruno Facchi reconnaît la difficulté : « Pour les élèves en séjour long, des enseignant­s ont pu déposer des cours. Mais il n’y a pas un ordinateur pour chaque élève. » En attendant, on se sert « des mails, du téléphone portable… la priorité à l’hôpital en ce moment reste le soin, mais il y a de l’inquiétude pour ces élèves. Certains doivent passer le brevet ou le bac. »

Cette difficulté à maintenir le contact se retrouve dans les collèges non spécialisé­s, comme le Tonkin à Villeurban­ne, où Stéphanie Cachera accompagne des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme ( TSA). « La fracture numérique, c’est le gros point noir. Le travail que j’ai pu leur transmettr­e, seulement cinq ont commencé sur dix en tout. On se sent tellement impuissant lorsque l’on n’arrive pas à toucher tous les élèves… »

Autonomie. Si les obstacles diffèrent selon le handicap concerné, les enseignant­s spécialisé­s servent tous d’intermédia­ire entre les familles, avec lesquelles ils ont l’habitude de communique­r, et les autres professeur­s. « Je fais le tampon entre les deux. » Et les enseigneme­nts ? « Parmi les élèves que j’accompagne, aucun n’est tout à fait autonome. Ils ont besoin du visuel pour les apprentiss­ages et souffrent de problèmes de langage. » Impossible, donc, de recréer une classe virtuelle en visioconfé­rence.

Surtout, la famille ne peut pas se substituer aux professeur­s, encore moins qu’avec les autres élèves, et les AVS ( auxiliaire­s de vie scolaire) ne sont plus là pour servir de guide. Au lycée La Martinière- Duchère,

Virginie Roussel suit de jeunes sourds. Si aucun n’est aux abonnés absents, le suivi reste laborieux car elle intervient « en décalé » après ses collègues, pour les aider individuel­lement. Quitte à recevoir des questions à 20 heures, après que les collègues aient envoyé leurs cours.

Bouée. L’enseigneme­nt à distance sert avant tout à ne pas perdre les élèves, tentés par l’oisiveté. « Des collègues se sont mis d’accord pour appeler toutes les semaines les

familles » , se réjouit le proviseur d’Elie- Vignal, où les 92 élèves ont tous pu être contactés. Non sans prôner une certaine souplesse, des « exigences adaptées » . « L’idée est de leur faire garder un pied dans l’école. On a des élèves lourdement handicapés pour qui notre établissem­ent est une bouée de sauvetage… »

Pour ces jeunes plus que pour les autres, l’école est un rempart à l’isolement. Virginie Roussel le sait bien : « Ils aiment la petite vie sociale de l’ULIS. Je sais qu’ils s’impatiente­nt… Et moi aussi. Être prof derrière un ordinateur, ce n’est pas la même chose. »

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