Collèges et lycées : les enseignants au chevet des élèves handicapés
Depuis lundi 16 mars, les enseignants maintiennent tant bien que mal un lien avec leurs élèves. Mais certains d’entre eux font d’ordinaire l’objet d’un accompagnement spécifique : adolescents autistes, souffrants d’un handicap moteur ou mental ou d’une maladie chronique… Leurs professeurs s’efforcent de ne pas les laisser sur le carreau.
Fracture numérique. La question se pose à Elie- Vignal, cité scolaire ( collège et lycée) spécialisée, perchée à Caluire, dont certains élèves malades sont hospitalisés. Les cours dispensés dans les hôpitaux ont cessé. Le proviseur Bruno Facchi reconnaît la difficulté : « Pour les élèves en séjour long, des enseignants ont pu déposer des cours. Mais il n’y a pas un ordinateur pour chaque élève. » En attendant, on se sert « des mails, du téléphone portable… la priorité à l’hôpital en ce moment reste le soin, mais il y a de l’inquiétude pour ces élèves. Certains doivent passer le brevet ou le bac. »
Cette difficulté à maintenir le contact se retrouve dans les collèges non spécialisés, comme le Tonkin à Villeurbanne, où Stéphanie Cachera accompagne des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme ( TSA). « La fracture numérique, c’est le gros point noir. Le travail que j’ai pu leur transmettre, seulement cinq ont commencé sur dix en tout. On se sent tellement impuissant lorsque l’on n’arrive pas à toucher tous les élèves… »
Autonomie. Si les obstacles diffèrent selon le handicap concerné, les enseignants spécialisés servent tous d’intermédiaire entre les familles, avec lesquelles ils ont l’habitude de communiquer, et les autres professeurs. « Je fais le tampon entre les deux. » Et les enseignements ? « Parmi les élèves que j’accompagne, aucun n’est tout à fait autonome. Ils ont besoin du visuel pour les apprentissages et souffrent de problèmes de langage. » Impossible, donc, de recréer une classe virtuelle en visioconférence.
Surtout, la famille ne peut pas se substituer aux professeurs, encore moins qu’avec les autres élèves, et les AVS ( auxiliaires de vie scolaire) ne sont plus là pour servir de guide. Au lycée La Martinière- Duchère,
Virginie Roussel suit de jeunes sourds. Si aucun n’est aux abonnés absents, le suivi reste laborieux car elle intervient « en décalé » après ses collègues, pour les aider individuellement. Quitte à recevoir des questions à 20 heures, après que les collègues aient envoyé leurs cours.
Bouée. L’enseignement à distance sert avant tout à ne pas perdre les élèves, tentés par l’oisiveté. « Des collègues se sont mis d’accord pour appeler toutes les semaines les
familles » , se réjouit le proviseur d’Elie- Vignal, où les 92 élèves ont tous pu être contactés. Non sans prôner une certaine souplesse, des « exigences adaptées » . « L’idée est de leur faire garder un pied dans l’école. On a des élèves lourdement handicapés pour qui notre établissement est une bouée de sauvetage… »
Pour ces jeunes plus que pour les autres, l’école est un rempart à l’isolement. Virginie Roussel le sait bien : « Ils aiment la petite vie sociale de l’ULIS. Je sais qu’ils s’impatientent… Et moi aussi. Être prof derrière un ordinateur, ce n’est pas la même chose. »