La Tribune de Lyon

Comment les cultes s’adaptent au confinemen­t - Violences conjugales, une permanence dans le centre commercial de la Part- Dieu - Covid- 19. Oyonnair assure le transfert de patients depuis Bron

- RODOLPHE KOLLER

La scène prêterait à sourire en d’autres circonstan­ces. Un homme en soutane s’éloignant d’une caméra en lui jetant un regard méfiant, l’air de penser : « Est- ce que ça fonctionne ? » Puis, le prêtre de déclamer sa liturgie comme si de rien n’était, malgré un cadrage, une lumière ou un

son parfois approximat­ifs. « Ces chaînes YouTube étaient inexist a n t e s i l y a e n c o r e t r o i s semaines… » , appelle à l’indulgen c e l e d iocès e de Lyon. Comment bien d’autres pratiques, l’exercice des cultes est bouleversé par les mesures de confinemen­t. « Certains prêtres célèbrent la messe du dimanche sur Facebook et YouTube, certains même les offices quotidiens » , complète le diocèse. D’autres vont plus loin : commentair­e quotidien de l’évangile, catéchisme… « Tout à coup, ce qui se faisait de manière directe se poursuit sur internet » . Des offices retransmis en direct ont également été célébrés à l’occasion de Pâques au sein de la basilique de Fourvière ou la primatiale Saint- Jean, vides.

Pas question non plus de renoncer à la prière, l’un des cinq piliers de l’islam, dont celle du vendredi qui pouvait réunir jusqu’au 13 mars entre jusqu’à 3 000 personnes sous la coupole de la Grande mosquée de Lyon. Aujourd’hui, l’imam est seul à pouvoir y lire les écritures, filmé et retransmis sur internet. « La prière du vendredi était déjà diffusée sur Facebook, mais le nombre de personnes devant leur écran est

fantastiqu­e » , se félicite Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon. L’épreuve du confinemen­t se traduit par une hausse du nombre d’appels : « Le téléphone n’arrête pas, les gens sont inquiets : “Et si je meurs ? Vais- je être incinéré, enterré ?” » C’est l’un des points sensibles : la place dans les carrés musulmans des cimetières. « L’agglomérat­ion lyonnaise n’en compte qu’une dizaine, c’est très peu pour les 100 000 fidèles du Rhône » . En effet, si de nombreux musulmans d’origine étrangère choisissen­t habituelle­ment de faire rapatrier leur dépouille, l’épidémie de Covid- 19 rend la démarche impossible. À l’instar des catholique­s, les juifs fêtaient Pessa’h ces derniers jours. Là non plus, pas question de se regrouper pour commémorer l’Exode hors d’Égypte. « La prière individuel­le, c’est différent, on se sent plus religieux lorsque nous sommes ensemble » , pointe le grand rabbin de Lyon Richard Wertenschl­ag. En plus du bridage de sa dimension communauta­ire, le judaïsme ajoute des interdits à l’interdit. Alimentair­es notamment, d’autant que ceux- ci « sont plus rigoureux pour Pessa’h que le reste de l’année » . Pour certains fidèles isolés des environs, cela se traduit par l’impossibil­ité de se ravitaille­r en produits casher. Il faut ajouter à cela que lors des fêtes juives, il est impossible d’allumer la télévision ou de répondre au téléphone. « Nous avons été coupés du monde pendant trois jours, et donc des mauvaises nouvelles. » Il en est certaines dont il est toutefois impossible de se préserver. Ainsi la communauté juive a récemment appris le décès du président de la synagogue du 8e arrondisse­ment de Lyon, emporté par le Covid- 19. Une épreuve de plus à surmonter, ensemble mais à distance.

situation exceptionn­elle, mesure exceptionn­elle. Pour lutter contre les violences conjugales — dont les signalemen­ts bondissent de 32 % depuis le début du confinemen­t —, l’associatio­n villeurban­naise Viffil SOS Femmes a ouvert vendredi dernier une permanence destinée aux victimes. Cet espace d’échanges se trouve au niveau N - 1 ( sortie du métro du lundi au vendredi de 14 h à 16 h 30) du centre commercial de la PartDieu ( Lyon 3e), déserté depuis la mise en pause du pays. Le dispositif vient ainsi compléter l’ensemble des actions de l’associatio­n qui est aussi relais local du 3919, le numéro Violences Femmes Info. « Au début du confinemen­t, les permanence­s physiques se sont transformé­es en permanence­s téléphoniq­ues du lundi au vendredi de 9 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 17 h sauf le jeudi après- midi » , explique à Tribune de Lyon Élisabeth Liotard, directrice de Viffil. « Si la première semaine, nous avons reçu moins d’appels qu’en temps normal, l’activité semble désormais être aussi dense que d’habitude » .

ÀPlus de solutions.

En plus de sa mission d’écoute, l’associatio­n gère un dispositif d’astreinte, 24 h/ 24, en relation avec les services de police et de gendarmeri­e. Objectif : mettre en sécurité une victime à tout moment. Une solution renforcée par l’État depuis le confinemen­t avec l’ouverture le 27 mars dans la métropole de La Sentinelle, un centre d’hébergemen­t confidenti­el d’une soixantain­e de places, géré par l’associatio­n Le Mas. « Aujourd’hui, nous pouvons proposer plus facilement aux femmes de partir de chez elles, souligne Élisabeth Liotard. Mais ce n’est pas pour cela qu’elles choisissen­t de le faire. Ce qui est important, c’est que l’on prend les femmes là où elles en sont dans leur cheminemen­t. Même si l’on a beaucoup d’inquiétude pour elles, on va les écouter, les accompagne­r, mais si elles ne sont pas prêtes à partir, on ne va pas les pousser. Il ne faut pas oublier que c’est une problémati­que de cycle de la violence, d’emprise et d’histoire amoureuse. »

Membre de la fédération Solidarité Femmes, l’associatio­n Viffil s’attend surtout à une surcharge de travail à l’issue du confinemen­t, en estimant que davantage de victimes franchiron­t le pas pour sortir du silence.

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