L’édito d’Antoine Comte
Le gouvernement veut- il sauver les hommes ou l'économie ? Difficile d'apporter une réponse précise à cette interrogation pourtant centrale sur les modalités et autres règles sanitaires qui devront accompagner le déconfinement le 11 mai prochain.
Néanmoins, même si nos dirigeants semblent conscients qu'il faut actuellement savoir raison garder, contrairement à l'illuminé président Trump qui s'amuse à pousser ses compatriotes à organiser des manifestations anti- confinement, on sent bien que la France cède progressivement aux sirènes hurlantes du capitalisme.
Même s'il est indéniable que les inégalités sociales empêchent la totalité des petits Français d'avoir un accès similaire à l'éducation depuis le début de l'épidémie, on ne peut s'empêcher de penser que la réouverture des écoles, de la maternelle au lycée le mois prochain, a été décidée avant tout pour remettre les parents de ces millions d'élèves au travail.
Le problème : c'est qu'à Lyon, des parents l'ont bien compris et ils sont nombreux à ne pas vouloir renvoyer leurs enfants à l'école tant qu'ils n'auront pas l'assurance que le risque de contamination ne sera pas derrière eux. Des enseignants lyonnais ont également déjà fait savoir qu'ils pourraient bien exercer leur droit de retrait pour les mêmes raisons sanitaires. Même si le ministre de l'Éducation nationale a esquissé certaines pistes pour tenter de rassurer tout le monde, comme une possible reprise très partielle des cours par région, voire par demi- classe, les contradictions gouvernementales sont légion et on sent bien désormais qu'il faut relancer l'économie nationale à tout prix. Si les écoles rouvrent, pourquoi les universités devraient alors garder portes closes le 11 mai ? Pourquoi les bars et les restaurants ne peuvent- ils pas reprendre également leurs activités respectives alors que les écoles le peuvent, elles ?
Tant de questions qui doivent nous faire réfléchir quant à la priorité de l'Élysée dans la lutte contre cette épidémie qui commence à battre de l'aile, mais qui pourrait bien reprendre de la vigueur si les règles de sécurité sanitaire ne sont pas respectées à la lettre dans deux semaines et demie.
Mais parce qu'il faut garder espoir, et tout mettre en oeuvre pour que le vent d'hiver qui souffle en avril, comme le chantait Christophe, réchauffe malgré tout nos coeurs le 11 mai, je voudrais conclure cet édito par une interrogation existentielle pointée chez nos confrères du Monde. « Les déconfinés reprendrontils le cycle chronométré, accéléré, égoïste, consumériste ? Ou bien y aura- t- il un nouvel essor de vie conviviale et aimante vers une civilisation où se déploie la poésie de la vie, où le « je » s’épanouit dans un « nous » ? » Merci de nous faire rêver cher Edgar Morin.