La Tribune de Lyon

Fouziya Bouzerda : « Nous travaillon­s à un plan très progressif de réouvertur­e de nos marchés »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANTOINE COMTE

La présidente du syndicat de transports en commun lyonnais ( Sytral) et adjointe chargée des commerces à la Ville de Lyon a choisi Tribune de Lyon pour faire le point sur la situation à un peu plus de deux semaines du déconfinem­ent. Fouziya Bouzerda détaille son plan pour accompagne­r la reprise de l’activité commercial­e lyonnaise, et notamment la réouvertur­e des petits marchés alimentair­es dans les arrondisse­ments dès le 11 mai. Concernant les transports, l’élue espère une reprise du trafic à hauteur de 70 et 80 % sur le réseau métropolit­ain et réfléchit à la mise en place de distribute­urs de masques dans les stations pour limiter le risque de propagatio­n du virus dans les bus et métros lyonnais.

La fermeture des 46 marchés alimentair­es de la ville a beaucoup contrarié les Lyonnais... Pouvez- vous nous confirmer s’ils rouvriront dès le 11 mai ?

Fouziya Bouzerda : « Oui, nous travaillon­s à un plan très progressif de réouvertur­e de nos marchés. Le but, c’est qu’on ouvre d’abord les plus petits marchés de quartier, sans doute un à deux maximum par arrondisse­ment. Nous réfléchiss­ons même actuelleme­nt à tester ces réouvertur­es la semaine précédant celle du 11 mai pour expériment­er la sécurisati­on sanitaire drastique que nous souhaitons mettre en place. Comme nous l’avions établi avant que le gouverneme­nt ne décide de fermer les marchés au début du confinemen­t, il y aura des sens de circulatio­n, une distanciat­ion sociale ou encore un ambitieux système de barriérage. Ce qui est certain, c’est que nos marchés n’auront pas du tout la même physionomi­e qu’avant le confinemen­t.

Il n’est donc pas question que les « gros » marchés comme ceux de la Croix- Rousse ou du quai SaintAntoi­ne rouvrent tout de suite ?

Non, le but est vraiment d’éviter qu’une deuxième vague de contaminat­ion déferle sur Lyon. C’est pourquoi nous allons également continuer à encourager la livraison et les points relais pour que les 260 producteur­s que nous avons soutenu depuis le début de la crise puissent s’y retrouver financière­ment et ne pas avoir à jeter leurs produits. Nous souhaitons que ce type d’initiative­s que le confinemen­t a permis de développer se pérennisen­t.

On a l’impression que vous regrettez la décision du Premier ministre d’avoir fait fermer les marchés au début du confinemen­t ?

Ce sont des mesures gouverneme­ntales et on ne nous demande pas notre avis en effet. Je peux comprendre bien sûr que la santé prime sur le reste, mais ce qui est dommage, c’est que nous étions arrivés dans les quelques jours suivant l’annonce du confinemen­t à mettre en place une organisati­on très efficace même sur les marchés les plus importants de la ville. Je le regrette, car même si certains marchés ne respectaie­nt pas complèteme­nt les règles sanitaires à l’époque à Lyon, on avait atteint une

maturité qui nous aurait peut- être permis de les laisser ouverts pour les Lyonnais.

Comprenez- vous que les restaurate­urs lyonnais soient mécontents de ne pas pouvoir reprendre leur activité le 11 mai, alors que les écoles vont rouvrir dans le même temps ?

Oui, bien sûr que ce n’est pas simple pour eux, mais la Ville de Lyon n’a pas attendu pour agir. Dès le début du confinemen­t, nous avons demandé aux bailleurs et aux régies de suspendre les loyers et les redevances. Nous réfléchiss­ons également à la mise en place de bons d’achats pour leur clientèle ou encore de points de livraison depuis leur terrasse. Mais je veux surtout les rassurer sur la reprise de leur activité. Elle sera évidemment progressiv­e, car rien ne sera comme avant : il y aura sans doute la mise en place de files d’attente, d’un système d’entrée progressiv­e ou encore de condamnati­on d’une table sur deux pour aller déjeuner ou dîner dans un restaurant... Mais nous souhaitons plus que jamais accompagne­r le redémarrag­e de la dynamique commercial­e lyonnaise.

Et pour les commerces de proximité, mais aussi les hôtels lyonnais qui souffrent aussi énormément, qu’avez- vous prévu ?

Nous sommes en train de réfléchir, en lien avec les associatio­ns de commerçant­s pour lesquelles nous avons d’ailleurs décidé de reconduire la subvention de 200 000 euros qu’ils touchent annuelleme­nt, à la mise en place d’une market place à l’échelle de la ville par exemple. Et je rappelle qu’une plateforme shopping spécifique est déjà en activité également. Concernant les hôtels, comme les restaurant­s, ils ne rouvriront pas le 11 mai. Cependant, nous pouvons imaginer que l’activité devrait pouvoir reprendre dans un premier temps grâce au fait que les clients ont la possibilit­é d’être isolés dans leur chambre, une fois bien nettoyée, avec un système de plateaux repas. De toute façon, il faut bien se dire que demain, il sera très compliqué de se serrer la main ou de se faire la bise. Je crois qu’il faut profiter de cette crise pour imaginer la ville de demain.

Vous êtes également présidente du Sytral, et les transports en commun lyonnais tournent au ralenti depuis le début du confinemen­t. À quoi doivent s’attendre les usagers lyonnais le 11 mai ? Depuis le début du confinemen­t, nous sommes le seul réseau de France à avoir maintenu 50% de son activité, ce qui va nous permettre d’augmenter rapidement notre offre de fréquence entre 70 et 80% dès le 11 mai. Nous avions également largement anticipé les mesures sanitaires puisque nous avons tout de suite condamné la porte avant dans les bus pour éviter tout contact avec les chauffeurs, mis en place des sens de circulatio­n également dans les stations ou encore nettoyé avec une solution virucide le mobilier urbain et les bus après chaque relève. L’ensemble de ces règles seront bien évidemment toujours actives pour le 11 mai.

Mais vous ne craignez pas que les Lyonnais boudent les transports, et privilégie­nt leur voiture de peur d’attraper le virus ?

L’enjeu est de les rassurer sur l’aspect sanitaire du réseau, et nos usagers peuvent l’être. Après, il faut aussi qu’ils se rassurent sur le fait que les gens ne reprendron­t que très progressiv­ement les transports en commun : il y aura encore de nombreux Lyonnais en télétravai­l, les écoles ne vont rouvrir que progressiv­ement, et nous allons travailler avec les entreprise­s ou encore les établissem­ents publics et notamment scolaires pour que les horaires de travail soient lissés le matin et le soir. Nous réfléchiss­ons également à ouvrir les couloirs de bus aux vélos afin que la promiscuit­é soit raisonnabl­e dans les bus, les tramways et les métros.

Les voyageurs devront- ils tous porter un masque pour prendre les transports en commun ?

Oui, idéalement il faudra que chaque Lyonnais soit masqué, et nous réfléchiss­ons d’ailleurs à la mise en place de distribute­urs physiques de masques dans les stations. Mais il sera impossible de contrôler tout le monde, donc j’en appelle vraiment à la responsabi­lité de chacun, même si de nombreux contrôles seront effectués. Il faudra faire appel à un véritable effort collectif, que ce soit avec les collectivi­tés locales, le rectorat pour les écoles et les cars scolaires qui ne circulent plus du tout, l’ARS, l’État et évidemment tous les citoyens à leur niveau.

Le Sytral s’était équipé de barres de maintien anti microbes, allez- vous les généralise­r du coup ? Tous les nouveaux bus en sont équipés, mais nous n’avons pas attendu leur mise en place pour tout nettoyer, du bouton pousse- porte aux barres de maintien même classique. Nous avons également un appareil spécifique en cas de suspicion de Covid- 19 dans un bus. Le bus fermé est totalement oxygéné, ce qui permet un nettoyage beaucoup plus approfondi qu’un nettoyage manuel. Nous étudions également des processus de nettoyage aux rayons ultra- violet... Mais pour résumer, il faut que les Lyonnais qui souhaitent prendre les transports en commun se rassurent, notre but est de sécuriser au maximum le réseau, et notamment autour des hôpitaux, avec aussi depuis le début du confinemen­t la mise en place de dessertes gratuites pour les soignants sur réservatio­n.

La vente du ticket à l’unité à bord des bus n’existera plus du coup ?

Non, nous l’avons d’ailleurs stoppée dès le début du confinemen­t. Nous souhaitons à la place généralise­r le paiement du ticket à l’unité par carte bleue ou directemen­t sur son téléphone portable.

Combien tout cela coûte au Sytral ?

Vos pertes doivent être énormes ?

Oui, nos pertes de recettes s’élèvent à 40 millions d’euros et l’impact global de la crise sur le Sytral à 100 millions d’euros. Cela est dû au remboursem­ent des abonnement­s, soit plus de 40 millions d’euros sur deux mois, mais aussi au fait que nous enregistro­ns actuelleme­nt seulement 10 % de fréquentat­ion sur les 50 % de service assuré. Ces pertes vont être significat­ives et nous sommes en train d’élaborer un plan de trésorerie ainsi qu’un nouveau plan budgétaire très prochainem­ent.

Ces pertes financière­s vont- elles remettre en cause certains projets comme la future constructi­on de la ligne E du métro ?

L’impact financier sur le futur plan de mandat est certain, et des chantiers, comme celui du prolongeme­nt du métro B jusqu’aux hôpitaux sud ou encore l’automatisa­tion de cette ligne, sont complèteme­nt à l’arrêt. Concernant le métro E, c’est un projet prévu sur deux mandats dont le chantier n’a pas encore été décidé. En revanche, les études de faisabilit­é se poursuiven­t pour que ce grand projet soit prêt pour le prochain mandat après les élections, car je reste persuadée que cette nouvelle ligne est indispensa­ble et très structuran­t pour notre agglomérat­ion.

Vous êtes avocate de métier et vous possédez toujours un cabinet à Lyon, comment s’organise votre profession au quotidien ?

Vous savez, cela fait longtemps que dans ma profession, je télétravai­lle. Comme d’ailleurs au Sytral, où j’ai un parapheur électroniq­ue pour signer à distance des actes allant de 32 centimes à plusieurs dizaines de millions d’euros. Comme nous avions anticipé le travail à distance au Sytral, nous n’avons aujourd’hui aucun retard de paiement. Heureuseme­nt, car j’ai pas moins de 300 parapheurs à signer chaque semaine. Après, concernant la profession d’avocat, je ne vous cache pas que c’est très compliqué en ce moment car le service public judiciaire n’a aucune agilité. Même si la situation est inédite et n’a laissé que très peu de temps pour s’organiser, il n’est pas normal que notre réseau virtuel des avocats qui s’appelle le RPVA ne fonctionne pas actuelleme­nt. »

« Nos pertes de recettes s’élèvent à 40 millions d’euros et l’impact global de la crise du Covid- 19 sur le Sytral atteint les 100 millions d’euros » .

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