La Tribune de Lyon

Saga. Les animaux légendaire­s de Lyon.

- CAROLINE SICARD

Cahier d’été

Une foule compacte se masse place Bellecour, chacun poussant son voisin du coude, se hissant sur la pointe des pieds pour mieux apercevoir l’étrange animal qui, pourtant, domine largement la foule. Presque quatre mètres de haut, le pelage tacheté comme celui d’un léopard, des pattes asymétriqu­es de chameau et surtout un immense cou… C’est la première fois que des Lyonnais se retrouvent face à une girafe. Et pour cause, Zarafa ( signifiant « charmante » en arabe) est la première de son espèce à fouler le sol français.

Cadeau diplomatiq­ue offert au Roi Charles X par le Pacha d’Égypte Méhémet Ali, qui espère ainsi resserrer ses liens avec l’Europe. Capturée au Soudan encore bébé, elle embarque depuis Alexandrie pour Marseille sur un voilier spécialeme­nt aménagé pour elle : une ouverture est créée dans le pont afin que la demoiselle puisse étirer son long cou. Deux antilopes l’accompagne­nt, ainsi que trois vaches égyptienne­s qui la nourriront de leur lait. À Marseille, Zarafa profite de la douceur hivernale du Sud, où elle fait le bonheur de la population lors de ses promenades dans les rues. Mais bientôt, le roi s’impatiente et exige que la girafe rejoigne Paris. Il est alors décidé qu’elle relie les quelque 880 kilomètres qui la séparent de la capitale à pieds.

La bagarre de la girafe.

Pour encadrer la caravane, un illustre scientifiq­ue est dépêché sur place : Geoffroy Saint- Hilaire, membre de l’Académie des sciences et directeur de la ménagerie du Jardin des Plantes. Pour protéger Zarafa des intempérie­s, ce dernier lui fait confection­ner un ciré et un bonnet, attirail qui sera complété plus tard par des bottes lorsqu’un clou viendra se ficher dans le sabot de l’animal. Autant dire que la bête devait paraître encore plus étonnante aux passants qui croisaient son chemin…

Le convoi se met en route le 20 mai 1827. Aix, Avignon, Orange ou Vienne sont les principale­s étapes du voyage, avant que la caravane ne s’arrête à Lyon le 6 juin 1827 pour un repos bien mérité.

Pendant quatre jours, Zarafa est exposée place Bellecour où plus de 30 000 personnes se pressent pour la voir. Habituée aux bains de foules, la grande demoiselle dépouille tranquille­ment les tilleuls de la place de leurs feuilles. Mais, le quatrième jour, un événement va faire les gros titres de la presse locale. Effrayée par un cheval qui se cabre – à moins que ce ne soit par un chien ou des passants, les versions diffèrent – Zarafa échappe

à ses gardiens et se met à galoper comme une folle autour de la statue de Louis XIV. La panique s’empare alors des badauds qui se bousculent, occasionna­nt un grand mouvement de foule. Dans l’action, même Saint- Hilaire se retrouve projeté à terre. Zarafa est finalement rattrapée et aucun blessé n’est à déplorer. Le lendemain, La Gazette Universell­e de Lyon publiera le nom des « enfants perdus pendant la bagarre de la giraffe » .

Girafomani­a.

Zarafa finira par faire son entrée dans Paris le 30 juin où elle deviendra l’attraction principale de la ménagerie du Jardin des Plantes. On peut aujourd’hui encore la voir au musée de La Rochelle où elle a été naturalisé­e, mais certains estiment que ce ne serait pas la vraie Zarafa.

Devenue une star à son époque, elle a surtout inspiré une véritable girafomani­a : pièces de théâtre, poèmes et chansons lui furent dédiées, alors qu’elle était représenté­e sur de nombreux objets de décoration et que les femmes se coiffaient à la girafe.

Aujourd’hui encore elle continue d’inspirer, comme avec le film d’animation Zarafa. Et si à Lyon aucune trace de son passage ne subsiste, la girafe est devenue l’emblème du zoo du parc de la Tête d’Or.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France