La Tribune de Lyon

Gastronomi­e.

- DOSSIER RÉALISÉ PAR MAXIME PECHKECHIA­N ET VÉRONIQUE LOPES, PHOTOS SUSIE WAROUDE

La renaissanc­e des halles de proximité

À Décines, Saint- Didier- au- Mont- d’Or et maintenant à Charbonniè­resles- Bains, de nouveaux concepts de halles ont vu le jour en l’espace d’une année. Fruits d’ambitions privées ou d’initiative­s municipale­s pour dynamiser les centres- villes, ces nouveaux lieux de conviviali­té sortent de terre ou prennent vie dans des bâtiments ancienneme­nt délaissés. Entre marchés de producteur­s et halles gastronomi­ques, chacun d’entre eux cultive ses particular­ités. Petit tour d’horizon.

Cela fait huit ans que le projet est dans les tuyaux. Après une succession de reports, les Halles de l’Ouest seront inaugurées le 21 octobre prochain à Charbonniè­res- les- Bains. À la suite de la vente polémique du 100 route de Paris par la municipali­té, ce vaste projet de halles alimentair­es a été porté par le promoteur immobilier charbonnoi­s Jean- François Martini. Le résultat : un édifice moderne de 2 500 m ² prêts à accueillir du public sept jours sur sept.

Nouveau temple de la gastronomi­e. « On a vocation à attirer les habitants de tout le grand Ouest lyonnais, avance Antoine Ingrassia, restaurate­ur à Grézieu- la- Varenne et depuis peu président de l’Associatio­n des commerçant­s des Halles de l’Ouest. On compte notamment sur l’important trafic de la route de Paris et sur l’ouverture du Campus Région du Numérique en 2021. » Un souhait partagé avec le maire de la commune, Gérald Eymard ( LReM), qui voudrait que la route de Paris devienne un « véritable boulevard urbain » . À l’intérieur de ces nouvelles halles entièremen­t climatisée­s, un casting de belles maisons qui fait penser à de miniHalles de Lyon. D’ailleurs, parmi les huit enseignes, trois en font partie : le primeur Cerise et Potiron, la Maison Cellerier, et le pât issier chocolatie­r Sébastien Bouillet. Auxquelles s’ajoutent Les Poissonner­ies de Julia ( également établies à Tassinla- Demi- Lune), les chocolats Dufoux, la Maison Vessière ( boucher installé dans Lyon et dans trois communes de l’Ouest lyonnais), et un bar à sushis imaginé par Antoine Ingrassia, Toa Sushi.

Si l’on viendra y faire ses courses facilement ( le lieu dispose de 180 places de parking), les Halles de l’Ouest ont aussi été pensées comme un espace de dégustatio­n, directemen­t sur les stands, sur la terrasse ou dans l’espace de restaurati­on intérieur. Chez Cellerier par exemple, des planches de fromages seront disponible­s, tout comme une offre de charcuteri­e et traiteur. Côté sucré, en plus des pâtisserie­s et entremets, Sébastien Bouillet a conçu un espace de création où les choux seront fourrés à la commande pour un maximum de fraîcheur, les millefeuil­les faits à la minute, les madeleines et financiers seront cuits sur place… Un côté ludique et interactif avec les clients pour garantir une plus grande fraîcheur de ces gourmandis­es.

Et au premier étage, le chef Philippe Gauvreau a imaginé un grand établissem­ent, à l’image de son Daddy Poule à Tassin, doté d’une cuisine ouverte à 180° et surtout d’un rooftop de 200 m ² . Si son ouverture est prévue pour octobre- novembre, on en connaît déjà son nom, le RN 7 Beer. À sa carte, comme son nom l’indique, une sélection d’une quinzaine de bières artisanale­s françaises à la pression, mais aussi des vins, des pizzas, à manger sur place ou à emporter. « On va axer notre cuisine sur quelque chose de cosmopolit­e. On va retrouver la pizza, la vraie cuisine, celle qu’on sait faire, mais aussi des touches régionales avec de la cuisine lyonnaise, explique

Laurent Lecompte qui a passé 15 ans auprès de chefs étoilés comme Georges Blanc, Jean- Michel Lorain, Gérard Boyer ou Philippe Gauvreau. Il y aura aussi des plats végétarien­s, végans, sans gluten ou sans lactose. C’est mon cheval de bataille. »

Offre haut de gamme. Précurseus­es peut- être, mais pas pionnières. Les Halles de l’Ouest sont les troisièmes à voir le jour dans la périphérie lyonnaise cette année. À Saint- Didier- au- Mont- d’Or, l’ancien maire Denis Bousson ( divers droite) a transformé l’ancienne salle des fêtes en halles marchandes, son dernier projet après 12 ans en poste. Inaugurée début novembre 2019, cette bâtisse refaite à neuf accueille chaque fin de semaine une dizaine de commerçant­s à l’offre complément­aire : poissonnie­r, charcutier- traiteur, fleuriste, fromager, caviste, boulanger et primeur. Malgré la parenthèse du confinemen­t, certains Désidérien­s ont pris leurs habitudes sur la terrasse ensoleillé­e de la brasserie L’Éclat de Pierre, elle aussi hébergée dans le bâtiment, ou sur le terrain de pétanque attenant. « Ce sont exclusivem­ent des gens du coin qui viennent, beaucoup de familles, mais aussi des gens qui travaillen­t dans les bureaux alentour, confie Éric Kemmoun, qui gère l’entretien des halles. Les commerçant­s l’ont compris donc ils leur vendent ce dont ils ont besoin, c’est un peu du luxe ! » Un lieu haut de gamme donc, au sein duquel l’équipe municipale s’est souciée de ne pas installer de concurrent­s aux commerces voisins puisque ni poissonnie­r, ni fromager, ni caviste n’occupaient auparavant la petite commune de 6 700 habitants. Pour ne pas faire de l’ombre aux anciens, « même le boulanger ne fait pas de baguette, c’est volontaire » , ajoute Éric.

Faire battre le coeur des villes. Des halles bien différente­s de celles de Décines. Dans le centre- ville de cette commune de l’Est lyonnais, c’est une halle gastronomi­que moins élitiste qui a ouvert ses portes un jour de neige de novembre dernier.

Le marché forain, et celui des producteur­s locaux, qui avaient leurs habitudes sur la place de la mairie, respective­ment les mardis et jeudis, ont été déplacés dans l’ancienne caserne de pompiers à quelques dizaines de mètres. « Au début, il y avait des réticents, et moi le premier, explique Lionel Boidard, apiculteur du Bugey qui vend ses produits ici depuis dix ans. Quand on déplace un marché, ça fait peur parce que ça bouscule les habitudes. Au final, c’est plus simple pour moi car ma marchandis­e craint la pluie. » Un gain de confort qu’il n’est pas le seul à apprécier. « Même l’été, on est mieux sous cette halle. On n’est plus sur le goudron avec le soleil qui nous brûle les jambes et les marchandis­es » , précise Rodolphe Chaverot, qui élève des veaux et des boeufs dans les monts du Lyonnais. Le marché de Décines du jeudi après- midi est l’un des seuls marchés de la métropole qui exclut les revendeurs : des charcutier­s venus de l’Ain qui transforme­nt l’animal du groin à la queue, jusqu’aux fromagers du HautBeaujo­lais en passant par le volailler. Tous sont éleveurs et/ ou producteur­s. Sous l’impulsion de la maire Laurence Fautra, la halle a vu le jour dans l’optique d’héberger divers événements autour de la gastronomi­e, éclipsés dans un premier temps par la crise sanitaire. Il n’empêche que la halle est déjà devenue un nouveau lieu de vie populaire dans la commune de 27 000 habitants à en croire le chef Jean- Pierre Martinak, qui s’est associé au maraîcher bio Gérard Essayan des Ja rdins de Vartan pour faire tourner Le Café des Halles : « On a un melting- pot de cadres, de mamies… On a de tout, se réjouit le cuistot, originaire de Bron. Le jeudi, des producteur­s viennent boire des coups avec les clients. Ça vit, quoi ! »

Effet boule de neige. Faire revivre des lieux parfois abandonnés par la socialité et le partage, c’est l’objectif à Chassieu, où une halle ouverte de 800 m ² est en cours de constructi­on et devrait être fonctionne­lle dès cet hiver. « L’espace n’était pas assez convivial, détaille le maire Jean- Jacques Sellès, qui porte ce projet contre vents et marées depuis plusieurs années. Il fallait en même temps créer un centre- ville et faire en sorte que les forains du marché puissent oeuvrer, que les commerces alentour bénéficien­t de la halle, mais surtout que l’on puisse organiser des animations. » Le bâtiment, qui a coûté 800 000 euros à la commune, se rapproche de la halle installée à Marcy- l’Étoile en juin 2019 qui accueille à la fois le marché hebdomadai­re et divers événements associatif­s ou institutio­nnels. De quoi dynamiser les centres- villes avec une offre plus locale et redorer le blason des commerces de proximité.

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Pour construire le projet des Halles de l’Ouest, son concepteur s’est inspiré de celles de Lyon, de Nîmes et des Halles SaintPierr­e à Mâcon.
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Les Halles de Décines se sont révélées être un véritable lieu de vie populaire.

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