La Tribune de Lyon

« La rue de la Ré a toujours été une vitrine pour Lyon »

LOUIS FAIVRE D'ARCIER directeur des Archives municipale­s de Lyon

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Comment est née cette exposition dédiée à la rue de la République ? C’est, au départ, le résultat d’un partenaria­t avec la Société académique d’architectu­re de Lyon ( Saal). Cette société d’architectu­re est relativeme­nt ancienne puisqu’elle a été fondée au XIXe siècle. Elle a plusieurs raisons d’être, notamment la conservati­on d’un patrimoine d’archives architectu­rales de Lyon et sa région, déposées par les membres. Il se trouve que dans la constructi­on de la rue de la République, et même par la suite, les architecte­s de la Saal ont été très actifs et ont édifié une part importante des bâtiments. Pour eux, c’était important de pouvoir raconter cette histoire, celle d’un lieu central à Lyon. D’autres éléments sont venus nourrir la création de l’exposition,

comme le travail d’un chercheur, Louis Baldassero­ni, qui s’est penché sur le cas de la rue de la République dans le cadre de sa thèse sur l’évolution de la circulatio­n à Lyon. Par ailleurs, des étudiants de l’École d’architectu­re de Lyon ont également contribué à l’exposition en imaginant des scénarios de reconstruc­tion suite à des catastroph­es imaginaire­s ( lire pages suivantes).

La rue de la Ré a évolué en fonction des époques mais semble avoir conservé son esprit initial. Qu’est- ce qui a motivé sa création à l’origine ?

La motivation que l’on annonce traditionn­ellement est d’ordre public : faire circuler les troupes dans la ville. C’est bien une des motivation­s que l’on trouve dans un document du préfet Vaïsse, l’homme à l’origine de tout cela, mais ce n’est pas la principale. En effet, dans les émeutes qui ont eu lieu quelques années avant sa création, les insurgés avaient été matés sans qu’il y ait eu besoin de faire de grandes percées urbaines. Il y a une autre raison qui, je pense, est plus importante : c’est de faire un centre- ville qui serait également un centre financier, commercial et administra­tif, ce qui n’existait pas du tout à Lyon.

Quelles sont les inspiratio­ns à l’époque ?

Tout cela se fait à l’instar de Londres. Le modèle londonien est très présent dans l’esprit des élites qui entourent Napoléon III. L’idée c’est d’avoir une parure monumental­e, moderne, avec de grandes institutio­ns de pouvoirs : l’Hôtel de Ville qui est déjà là mais qu’on restaure, le palais du Commerce qui s’est construit à partir de rien, différente­s banques, et puis beaucoup de magasins et un espace de déambulati­on. Dès le départ, la rue a été une vitrine de la ville avec un souci architectu­ral qu’il y ait à la fois une certaine unité et en même temps une grande diversité dans le détail, notamment dans la décoration des immeubles.

Pour tracer cette voie centrale, des milliers de Lyonnais ont dû être délogés. Comment l’ont- ils vécu ? Globalemen­t, les résidents étaient plutôt bien indemnisés. Ils se sont principale­ment installés sur la rive gauche du Rhône, à la Guillotièr­e, et ils ont commencé à construire sur des terrains qui appartenai­ent souvent aux Hospices civils de Lyon, donc sur des terrains dont ils étaient locataires, avec des matériaux de récupérati­on qui, comme par hasard, provenait du chantier de démolition. Il n’y a pas eu de grand mouvement d’hostilité à ses travaux et les gens ont pu tirer parti de cette affaire. 160 ans après sa création, la rue de la Ré est toujours aussi populaire. Trop peut- être pour certains Lyonnais qui préfèrent l’éviter. N’y a- t- il pas une forme de désamour ?

C’est difficile de répondre car c’est une problémati­que de sociologie urbaine. Apparemmen­t, c’est une question qui se posait déjà il y a 30 ou 40 ans. Les commerçant­s se sont notamment interrogés sur ce sujet car il est évidemment intéressan­t pour eux que les habitants aiment flâner et passer du temps dans cette rue. C’est d’ailleurs eux qui ont milité pour la piétonnisa­tion ( lire page suivante). C’est contre- intuitif car on imagine plutôt que le projet serait venu de l’autorité mais en fait c’est le contraire : les autorités se sont fait imposer un projet de piétonnisa­tion.

Finalement, qu’est- ce qui vous a le plus marqué dans ce que vous avez pu apprendre au cours de l’élaboratio­n de cette exposition ? Ce qui m’a vraiment étonné, c’est tout l’aspect lié à l’évolution des usages. Certains éléments ont plutôt régressé. Dans les années 1930, par exemple, il y avait beaucoup plus de cinémas qu’aujourd’hui. D’un autre côté, on remarque aussi la permanence de certaines fonctions. Il y a des choses que l’on pense modernes et qui sont assez anciennes, comme le mobilier urbain, étudié pour être humble, même si celui d’aujourd’hui ne ressemble pas à celui d’origine. C’est ça que je trouve fascinant : dans un espace que l’on pense très modifié par le temps, il y a quand même des continuité­s assez frappantes.

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