L’édito de Lilian Renard
En misant que chaque heure arrachée au confinement serait un poids en moins pour le moral des Français, Emmanuel Macron a fait le pari risqué des heures gagnées sur le ras- le- bol. Le nez dans les sondages et dans l’air du temps, le pouvoir sait bien que l’opinion s’échauffe si les marmites peinent à bouillir. Et dans la capitale de la gastronomie, où s’arrachent des fourneaux les mélodies grises de l’ennui, les couteaux auraient pu être sortis plus haut.
À vrai dire, hormis la tentative de réouverture vite refroidie d’un restaurateurpolitique villeurbannais, au- delà de quelques aventures clandestines derrière des portes fermées, la profession se montre surtout exemplaire de patience et résilience. Elle cherche, et trouve, les moyens d’exister malgré les charges qui pèsent, les fonds de soutien qui tardent, les dépressions qui guettent… Avec ou sans toque, entre étoiles et bonne franquette, les chefs se sont mis aux plats à emporter, aux menus déconfinés ; ils ont laborieusement mais fièrement relevé les rideaux. Profession la plus touchée par le virus, les cuistots sont en passe de gagner cette émérite bataille pour l’âme lyonnaise. Ce sont 15 chefs dans une caravane place Maréchal Lyautey à Lyon, c’est la dame aux fourneaux qui maintient un filet de vie dans une zone industrielle de Vénissieux, c’est le kiosque de la place des Jacobins qui cuisine pour aider les plus démunis… Il n’a pas muté encore le virus qui éteindra les pianos lyonnais. Alors, d’une manière ou d’une autre, aidons les restaurateurs à se faire entendre… par le bruit des couverts. Qu’ils sachent qu’on n’aime pas dîner sans eux.