La Tribune de Lyon

Mon déjeuner avec Michel Vieira

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Le fan de foot transparaî­t dès l’entrée du siège de MDA à Lozanne : poster de l’OL au pied des escaliers, maillots disposés sur tous les dossiers de chaises… OL, ASSE ( sic), mais évidemment aussi Bourg- en- Bresse Péronnas. L’occasion pour le plus ancien sponsor de l’OL, 1 200 salariés et 5 000 emplois indirects en magasins franchisés, d’évoquer ses relations avec le président de l’OL. « Ça fait neuf ans que je fais tous les matches avec Jean- Michel. En passant du temps avec lui, on apprend beaucoup de choses sur l’entreprise. Car dans le foot, ils ont les mêmes problémati­ques : c’est tous les jours que tu perds un match, et tu as l’impression qu’il faut tout changer ! Ça nous ressemble. quand on fait un mois de janvier moins bien apres un décembre exceptionn­el, il faut savoir gérer l’euphorie, aussi bien que ne pas être au fond du trou. Ça apprend à relativise­r, à être costaud. » Il le faut bien quand on gère un groupe multimarqu­e ( Phox, Pulsat…) de 1 200 salariés et 600 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Michel Vieira habite à quelques encablures de Lozanne pour profiter de la nature à VTT ( électrique et mécanique), parfois d’ailleurs avec le chef Davy Tissot. En croquant dans le burger du restaurant appartenan­t à l’entreprise,

Le B Complexe, le patron évoque sa joie à se rendre à la montagne, en Vanoise. Ski hors piste, randonnée…. Michel Vieira serait- il un peu vert ? Il a goûté à la voiture électrique, l’a abandonnée. Pas dans ses usages. Et, alors que nombre de ses confrères ont attendu les écolos au coin du bois… lui non. « Quand Grégory Doucet s’est opposé à Amazon, j’ai trouvé ça tout a fait sympa de sa part. C’est plutôt intelligen­t ce qu’ils font » , pèse- t- il. Au passage, il glisse son envie, l’oeil gourmand, d’ouvrir au B Complexe une nouvelle cuisine entièremen­t dédiée à la livraison de nourriture à velo ou à scooter électrique. Enfin, quand la situation sanitaire permettra d’y voir plus clair.

Ce que vous avez fait en vous plaçant en sauvegarde très tôt. C’était un peu contre- nature à ce moment- là.

Cela a- t- il été mal perçu ?

On a su percevoir qu’il y avait une crise qui arrivait, et que ce n’était pas une petite grippe. On a tout fermé le 17 mars et on s’est placés en sauvegarde le 2 avril. On a préservé l’emploi, les achats fournisseu­rs, nos bailleurs… Ce qui est marquant, c’est que j’ai été le premier à le faire, et l’on peut être critiqué dans ce cas- là. Mais les gens ont finalement trouvé que l’acte était solennel et très fort. Il faut féliciter le tribunal : par son audace et son talent, nous avons pu mettre en place un système solide. Ce sont des gens qui savent être rassurants et comprennen­t le désarroi d’un entreprene­ur. Les gens ne connaissen­t pas bien la sauvegarde, confondent avec le redresseme­nt judiciaire ( RJ). Ça nous permet de payer 100 % de nos banquiers en lissant sur dix ans. C’est un acte de gestion et les gens l’ont compris. Il y a maintenant pas mal d’écoles qui veulent que j’intervienn­e, car c’est un acte qui peut être nécessaire dans une carrière d’entreprene­ur. Si je n’avais pas fait ça, on aurait peut- être fini en RJ, on aurait licencié 1 000 personnes, ou un concurrent nous aurait rachetés pour 1 euro.

On vous a tourné autour ?

Bien sûr, des gros en France, des gros à l’étranger, les plus grands grossistes… Même aujourd’hui, où l’on a encore plus de visibilité. Mais ce n’est pas notre volonté de vendre, ce n’est pas à l’ordre du jour.

N’avez- vous pas peur pour la vente au détail, l’avenir du commerce en magasin « physique » ? Non. Les gens se sont rendu compte que les commerces de proximité sont essentiels et jouent le jeu. En moyenne, on enregistre 20 à 25 % de nouveaux clients en ce moment. Et nous payons nos impôts en France alors que tous nos concurrent­s n’en paient plus beaucoup ici.

C’est la crise qui pousse les Français vers le discount ?

C’est sûr, les gens font attention. Et on bénéficie du bon côté du télétravai­l : les gens sont chez eux, se servent beaucoup de leur petit électoména­ger, la cafetière, le four… Il y a beaucoup de pannes, et donc un renouvelle­ment. D’où l’intérêt de proposer le Click & Collect. Quand on est ouverts, les chiffres sont impression­nants.

Combien de temps pouvez- vous tenir ainsi ? Psychologi­quement, ça devient de plus en plus dur. Financière­ment, le groupe n’a pas encore utilisé le PGE ( prêt garanti par l’État, NDLR). J’espère que si un jour on en a besoin, les banquiers répondront présent. C’est leur devoir. Car en 2008- 2009, on les a renfloués, on leur a prêté notre argent sans entrer au capital.

Arrivez- vous à vous projeter au- delà de la crise ?

Oui. Aujourd’hui, on est en train d’embaucher 45 personnes. C’est extraordin­aire ! Et on pense ouvrir de nouveaux magasins si les bailleurs acceptent que l’on ne paie pas les loyers en cas de confinemen­t. Sinon, on attendra. Je voudrais en ouvrir à Lyon et dans d’autres grandes villes. À Lyon, je cherche deux magasins de 1 000 m ² pour proposer tous les produits du groupe. Nous voudrions aussi ouvrir des magasins de cuisine, de literie, de meubles et de canapés… On réfléchit également à se développer dans des pays autour de la France, ou encore dans les îles.

Le numérique, sur lequel vous avez investi six millions d’euros pendant la crise, peut- il remplacer les magasins ?

Cela va devenir le plus gros magasin du groupe. J’espère qu’à terme le numérique représente­ra 20 % du chiffre d’affaires. Les sites marchands dont nous disposons aujourd’hui font déjà fois quatre en ce moment. On s’appuie aussi désormais beaucoup sur les réseaux sociaux. Je dois être le dirigeant en France qui s’en sert le plus !

Au milieu de tout cela, vous voir investir dans le foot et le FBBP peut apparaître comme légèrement à contretemp­s, non ?

Je suis très proche de l’OL, et je ne l’aurais jamais fait si ça n’avait pas été un de ses partenaire­s. Mais ce sont les actionnair­es historique­s et les frères Venditelli* qui gèreront au quotidien. C’est un club épatant, qui a connu la L2, avec une grande communauté qui le suit sur les réseaux sociaux. Or, c’est un départemen­t où nous avons des magasins. Nous allons donc essayer d’amener cette communauté dans nos boutiques. Ma priorité aujourd’hui, c’est mon entreprise, mes collaborat­eurs et mes clients. Il y a 14 ans, on faisait 10 ou 12 millions d’euros et l’on en fait aujourd’hui 600. L’entreprise a encore plus besoin de moi. Mais si je le fais, c’est aussi que c’est bon pour MDA. Je vends indirectem­ent de l’éléctromén­ager. Mon métier, c’est d’être le premier ambassadeu­r de la marque. Je suis un salarié de l’entreprise, et on est là pour innover. Le groupe ne sera pas le même après la crise qu’avant !

* David Venditelli, ex- agent, doit prendre la direction du club de National épaulé par son frère et chef d’entreprise, Philippe. Michel Vieira, qui entre au capital, ambitionne une montée en L2.

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