La Tribune de Lyon

Le phénomène des dark kitchen envahit Lyon

- DOSSIER RÉALISÉ PAR VÉRONIQUE LOPES

Si les restaurant­s restent fermés, certains cuisines fonctionne­nt au contraire à plein régime… Spécialisé­es dans la livraison, et le plus souvent dépourvues de salle, on les appelle les « dark kitchen » . Ce terme sombre et mystérieux qualifie un nouvel écosystème culinaire qui se développe à vitesse grand V grâce au développem­ent de la livraison à domicile. Zoom sur ces nouveaux restaurate­urs 2.0 qui font florès à Lyon.

Sur les plateforme­s de livraison, comme Deliveroo et UberEats, leurs noms s’affichent fièrement et bien souvent dans les premiers rangs. Pourtant, jamais personne n’a vu la devanture de ces restaurant­s… Et pour cause, ils n’ont ni salle ni terrasse, ne croisent que rarement leurs clients, et ont fait le choix de ne proposer leurs plats qu’en livraison ou à emporter. C’est ce qu’on appelle les dark kitchen, ou ghost kitchen, des cuisines « fantômes » qui engendrent des dizaines de commandes par service, des centaines le week- end. Ces chiffres pourraient donner le tournis aux restaurate­urs traditionn­els tant ce modèle économique permet en théorie d’atteindre une rentabilit­é fulgurante. Mais pas forcément tous obnubilés par l’appât du gain, les entreprene­urs et chefs qui ouvrent de telles « dark kitchen » ont des profils et des désirs bien différents.

Fraîchemen­t diplômé de l’Inseec, Colin Favre- Coutillet avait, lui, envie de créer un concept culinaire autour du poulet frit revisité, et pour cela avait prévu d’intégrer La Commune ( incubateur de jeunes chefs). Avec la Covid- 19 et la fermeture des restaurant­s, son projet est tombé à l’eau. Il s’est donc lancé dans une recherche d’emploi, sans succès. C’est alors que le couvre- feu lui est apparu comme une opportunit­é pour relancer son projet initial. Pourquoi ne pas se lancer en louant les cuisines d’un établissem­ent en sommeil ? « Cela me permet d’avoir une cuisine à moindre coût et de soutenir financière­ment un restaurant » explique le jeune entreprene­ur de 25 ans, qui utilise actuelleme­nt les cuisines de la péniche Modulo sur les berges du Rhône.

Avec son chef, ils revisitent le hot dog en le rendant « plus gourmet et qualitatif » , tout en déclinant des recettes pour faire voyager le consommate­ur, et c’est ainsi que Chez Coco est né début novembre 2020. Le succès sur les plateforme­s est immédiat. En semaine, il envoie 70 hot dogs par jour, et une centaine le samedi et le dimanche, soit déjà 2 500 clients depuis le lancement. « J’ai été énormément surpris par cet engouement, même s’il y a eu beaucoup de travail en amont. Je me suis beaucoup occupé de la com

munication, donner un nom chaleureux, créer une atmosphère et une proximité, travailler nos produits pour qu’ils soient instagrama­bles… On essaye aussi de personnali­ser les commandes, en inscrivant des mots et autocollan­ts sur nos sacs de livraison. On fait parfois des petits cadeaux à nos clients, des petites attentions comme on le ferait dans un resto. C’est important pour nous » , explique Colin, dont le but est d’aller plus loin encore. Car pour lui, sa dark kitchen n’est pas une fin en soi. « Notre projet est plus global. Sous le nom La Coquetteri­e, nous souhaitons développer plusieurs marques : Chez Coco, mais aussi Nostra Vinoteca, une cave à vins italiens en livraison, et d’autres projets qui verront le jour en mai, dont le projet de poulet frit que je n’ai pas abandonné, qui s’appellera Coquette. » Une manière de mutualiser les achats et d’éviter le gaspillage.

Une cuisine, des cuisines. Cette notion de mutualisat­ion est l’un des avantages du modèle des dark kitchen. Et cela, Adel Riffi, de Savory Kitchens l’a bien compris. Depuis la fin novembre, au sein de sa cuisine au coeur de Valmy, il a développé quatre concepts bien différents qui cartonnent sur les plateforme­s de livraison : une marque de burgers,

Politics burger, une de tacos mexicains, Santiago’s taqueria, une marque végane, Veggie B et une dédiée aux poutines canadienne­s, Osti d’bûcheron. Et pour chacune d’entre elles, on trouve un seul plat commun : les frites de patates douces maison. Mais l’entreprene­ur de 26 ans diplômé en développem­ent internatio­nal de PME est allé plus loin et de manière plus subtile : « On est allé chercher les synergies dans les différente­s cartes, pour créer du lien entre elles,

Depuis sa création le 28 novembre, Savory kitchens a déjà envoyé près de 200 commandes qui partent par semaine. « Et ça continue d’augmenter ! »

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 ??  ?? Des cuisines de Savory Kitchens à Vaise sortent quatre types de plats de quatre marques différente­s, dontPoliti­cs burgers. Ici, The All American avec trois steaks de boucher de 150g, le best seller
Des cuisines de Savory Kitchens à Vaise sortent quatre types de plats de quatre marques différente­s, dontPoliti­cs burgers. Ici, The All American avec trois steaks de boucher de 150g, le best seller
 ??  ?? Chez Coco, l’Artisan du hot dog a choisi de louer les cuisines de la péniche Modulo, sur les Berges du Rhône.
Chez Coco, l’Artisan du hot dog a choisi de louer les cuisines de la péniche Modulo, sur les Berges du Rhône.

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