Le phénomène des dark kitchen envahit Lyon
Si les restaurants restent fermés, certains cuisines fonctionnent au contraire à plein régime… Spécialisées dans la livraison, et le plus souvent dépourvues de salle, on les appelle les « dark kitchen » . Ce terme sombre et mystérieux qualifie un nouvel écosystème culinaire qui se développe à vitesse grand V grâce au développement de la livraison à domicile. Zoom sur ces nouveaux restaurateurs 2.0 qui font florès à Lyon.
Sur les plateformes de livraison, comme Deliveroo et UberEats, leurs noms s’affichent fièrement et bien souvent dans les premiers rangs. Pourtant, jamais personne n’a vu la devanture de ces restaurants… Et pour cause, ils n’ont ni salle ni terrasse, ne croisent que rarement leurs clients, et ont fait le choix de ne proposer leurs plats qu’en livraison ou à emporter. C’est ce qu’on appelle les dark kitchen, ou ghost kitchen, des cuisines « fantômes » qui engendrent des dizaines de commandes par service, des centaines le week- end. Ces chiffres pourraient donner le tournis aux restaurateurs traditionnels tant ce modèle économique permet en théorie d’atteindre une rentabilité fulgurante. Mais pas forcément tous obnubilés par l’appât du gain, les entrepreneurs et chefs qui ouvrent de telles « dark kitchen » ont des profils et des désirs bien différents.
Fraîchement diplômé de l’Inseec, Colin Favre- Coutillet avait, lui, envie de créer un concept culinaire autour du poulet frit revisité, et pour cela avait prévu d’intégrer La Commune ( incubateur de jeunes chefs). Avec la Covid- 19 et la fermeture des restaurants, son projet est tombé à l’eau. Il s’est donc lancé dans une recherche d’emploi, sans succès. C’est alors que le couvre- feu lui est apparu comme une opportunité pour relancer son projet initial. Pourquoi ne pas se lancer en louant les cuisines d’un établissement en sommeil ? « Cela me permet d’avoir une cuisine à moindre coût et de soutenir financièrement un restaurant » explique le jeune entrepreneur de 25 ans, qui utilise actuellement les cuisines de la péniche Modulo sur les berges du Rhône.
Avec son chef, ils revisitent le hot dog en le rendant « plus gourmet et qualitatif » , tout en déclinant des recettes pour faire voyager le consommateur, et c’est ainsi que Chez Coco est né début novembre 2020. Le succès sur les plateformes est immédiat. En semaine, il envoie 70 hot dogs par jour, et une centaine le samedi et le dimanche, soit déjà 2 500 clients depuis le lancement. « J’ai été énormément surpris par cet engouement, même s’il y a eu beaucoup de travail en amont. Je me suis beaucoup occupé de la com
munication, donner un nom chaleureux, créer une atmosphère et une proximité, travailler nos produits pour qu’ils soient instagramables… On essaye aussi de personnaliser les commandes, en inscrivant des mots et autocollants sur nos sacs de livraison. On fait parfois des petits cadeaux à nos clients, des petites attentions comme on le ferait dans un resto. C’est important pour nous » , explique Colin, dont le but est d’aller plus loin encore. Car pour lui, sa dark kitchen n’est pas une fin en soi. « Notre projet est plus global. Sous le nom La Coquetterie, nous souhaitons développer plusieurs marques : Chez Coco, mais aussi Nostra Vinoteca, une cave à vins italiens en livraison, et d’autres projets qui verront le jour en mai, dont le projet de poulet frit que je n’ai pas abandonné, qui s’appellera Coquette. » Une manière de mutualiser les achats et d’éviter le gaspillage.
Une cuisine, des cuisines. Cette notion de mutualisation est l’un des avantages du modèle des dark kitchen. Et cela, Adel Riffi, de Savory Kitchens l’a bien compris. Depuis la fin novembre, au sein de sa cuisine au coeur de Valmy, il a développé quatre concepts bien différents qui cartonnent sur les plateformes de livraison : une marque de burgers,
Politics burger, une de tacos mexicains, Santiago’s taqueria, une marque végane, Veggie B et une dédiée aux poutines canadiennes, Osti d’bûcheron. Et pour chacune d’entre elles, on trouve un seul plat commun : les frites de patates douces maison. Mais l’entrepreneur de 26 ans diplômé en développement international de PME est allé plus loin et de manière plus subtile : « On est allé chercher les synergies dans les différentes cartes, pour créer du lien entre elles,
Depuis sa création le 28 novembre, Savory kitchens a déjà envoyé près de 200 commandes qui partent par semaine. « Et ça continue d’augmenter ! »