La Tribune de Lyon

Sainte- Foy- lès- Lyon, la révolte de l’enclave dorée

- PAR RODOLPHE KOLLER | PHOTOS DE SUSIE WAROUDE

Paisible commune limitrophe du 5e arrondisse­ment de Lyon, distante de moins de 2,5 kilomètres de la place Bellecour en son point le plus septentrio­nal, Sainte- Foy- lès- Lyon représente dans l’imaginaire collectif une enclave dorée, toisant Lyon depuis la balme dominant la Confluence. S’il est vrai que la commune est privilégié­e à bien des égards, son hostilité au projet de téléphériq­ue n’est pas seulement le fait du jeu politique.

Depuis quelques mois, l’Ouest lyonnais a le regard tourné vers le ciel. C’est dans les airs que se joue en effet son avenir... Parent pauvre du réseau TCL en raison du relief et d’une densité de population moindre, le secteur est au coeur du projet de création d’un téléphériq­ue, censé permettre son désenclave­ment et considéré comme une priorité par Bruno Bernard depuis sont élection à la tête de la Métropole et du syndicat des transports ( Sytral). Envisagé pour relier Franchevil­le à la pointe sud de Lyon, ce nouveau mode de transport doit desservir Sainte- Foy- lès- Lyon et La Mulatière.

Or, si les villes terminus voient le projet d’un bon oeil, les deux communes traversées ont tour à tour manifesté leur opposition. Chacune ne dispose pourtant que d’un unique accès au centre- ville : la montée de Choulans pour la première, l’Aquarium de Lyon pour la seconde, la balme et la Saône empêchant toute connexion intermédia­ire avec la Presqu’île.

À Sainte- Foy, le débat fait rage depuis la présentati­on du plan de mandat du Sytral mi- décembre. Pour l’élue régionale écologiste et présidente de l’associatio­n politique Sainte- Foy Avenir, Monique Cosson, il y a derrière le bras de fer engagé par l’Hôtel de Ville un volet politique : « L’inquiétude qu’engendre ce projet est normale, c’était la même chose avec le retour du tramway. Mais l’utilisatio­n politicien­ne qui en est faite en rajoute puisque l’inquiétude des gens trouve un écho institutio­nnel. » Mais pour le maire LR Véronique Sarselli, point d’arrière- pensée politicien­ne : « L’opposition au transport par câble est liée à la façon dont les Fidésiens voient leur ville » , plaide- t- elle. Un sentiment justement cultivé par l’Hôtel de Ville qui défend « une vie de village » et « une identité qui ne doit pas se perdre » .

« Appliquer la loi, c’est remettre en cause la mixité sociale. » Le centre bourg, son périmètre sous surveillan­ce de l’architecte des bâtiments de France, ses petites rues et maisons en pierre confinent en effet à la carte postale. Mais l’image d’Épinal vacille dans les autres quartiers de la ville, étendue et multipolai­re. Sorties de terre au milieu des années 1960, les barres d’immeubles de La Gravière ou des Provinces n’ont pas grandchose à voir avec les pavillons du Plan du Loup ou de Beaunant, ni avec les résidences huppées de l’avenue Valioud offrant une vue imprenable sur les Alpes. Reste que, des 10 416 logements recensés dans la commune, 23,8 % sont des maisons.

« Attention à ne pas réduire la commune à une seule catégorie de gens » , avertit cependant Monique Cosson. À la MJC de la commune, on reconnaît proposer des activités « liées à la population, mais on n’a pas de surreprése­ntation des CSP+ » . En revanche, les plus de 50 ans représente­nt 45 % des adhérents.

« La commune est vieillissa­nte » , décrit Anne Charrié, la directrice de la MJC. Depuis 2018, SainteFoy enregistre plus de décès que de naissances chaque année. « Il y a très peu de renouvelle­ment des habitants dans la commune. Les logements sont trop chers et en nombre insuffisan­t » , ajoute- t- elle. 53,8 % des ménages occupent en effet le même logement depuis dix ans ou plus, et 64 % sont propriétai­res quand cette proportion est celle des locataires à Lyon. Le coût des programmes neufs est désormais celui de la Presqu’île, à 6 000 voire 7 000 euros/ m2, tandis que la commune atteint péniblemen­t 13,5 % de logements sociaux quand la loi en impose 25 %.

« Notre développem­ent est contraint par des spécificit­és structurel­les et par un PLU- H que l’on a souhaité protecteur de l’environnem­ent, rappelle Véronique Sarselli. Nous sommes en progressio­n constante depuis des années, mais nous tâchons de ne pas rompre des équilibres. Aujourd’hui à SainteFoy, appliquer la loi, c’est remettre en cause la mixité sociale. »

Après une explosion démographi­que qui a vu la commune passer de 6 000 habitants dans les années 1950 à 22 000 en 1975, elle a ensuite « mis le pied sur le frein » dans les années 1980, époque depuis laquelle sa population est restée stable. Les projets de centres commerciau­x prévus à la place des parcs du Brûlet et Mont- Riant sont remisés : Sainte- Foy prend conscience de l’importance de son patrimoine vert. Les patrons soyeux l’avaient bien compris deux siècles plus tôt en faisant de la balme et son plateau — largement dévolu à l’agricultur­e et aux congrégati­ons religieuse­s — leur lieu de villégiatu­re le week- end, fuyant l’agitation du centre- ville et l’industrial­isation croissante de l’Est lyonnais. « Les gens qui arrivent recherchen­t cette qualité de vie, cette ceinture verte » , assure le maire. Un goût pour le vert raillé par l’opposition, déplorant par exemple la volonté de la municipali­té de transforme­r un espace vert du bourg en un parking d’une trentaine de places. Et Monique

Cosson de rappeler que seuls les écologiste­s s’étaient opposés au projet d’Anneau des sciences, dont l’un des échangeurs aurait dû voir le jour dans un secteur naturel boisé au sud de la commune.

La voiture reine. Il faut dire que la relation des Fidésiens à la voiture est fusionnell­e : 86,6 % des ménages possèdent au moins une voiture, et 34,4 % en possèdent même deux ou plus, positionna­nt la commune parmi les chiffres les plus élevés de la métropole. Quant au moyen de transport privilégié pour se rendre au travail, 66,8 % des Fidésiens utilisent leur voiture ( deux fois plus qu’à Lyon) et 20,1 % les transports en commun ( deux fois moins qu’à Lyon). « Tous ceux qui travaillen­t à l’Est n’ont pas d’autre moyen que de prendre la voiture, concède Monique Cosson. Les lignes de bus fortes C19 et C20 sont dans les embouteill­ages faute de site propre. »

Du côté des habitants, on reconnaît ne pas avoir le réflexe d’aller chercher le métro B à Oullins ou le tram- train à Franchevil­le, gares qu’il faudrait de toute façon rallier en voiture à défaut de fréquence ou d’amplitude horaire des bus suffisante­s selon eux. Quant au métro E, l’alternativ­e réclamée par la Mairie ? Il ne desservira­it pas la commune et nécessiter­ait là aussi l’usage d’un véhicule. Il faut préciser que 79,8 % des Fidésiens travaillen­t dans une autre commune, de nombreux habitants interrogés n’hésitant pas à qualifier leur commune de « ville dortoir » figée. « Je réfute le terme de “ville dortoir”, balaie Véronique Sarselli. Les gens vivent leur ville même s’ils travaillen­t ailleurs. En revanche, je souhaite préserver cette vie- là. Nous ne bloquons pas l’arrivée d’entreprise­s, mais la ville a terminé son urbanisati­on il y a 30 ans. »

Quant au téléphériq­ue ? « Il remet en cause tout ce pour quoi on se bat, abonde le maire. J’interdis les velux, des volets d’une certaine couleur, la surélévati­on de bâtiments et il faudrait que j’autorise le survol d’habitation­s et d’espaces naturels classés ? [...] Je ne nie pas les avantages du transport par câble, décarboné, rapide à construire... Mais ce n’est pas ça qui fait la pertinence d’un projet, il faut apporter une réponse aux problémati­ques des habitants. Or seuls les gens qui habitent à proximité le prendront. S’il faut prendre le bus avant et le métro après... Les gens calculent, s’ils mettent plus de 20 ou 25 minutes, ils prendront leur voiture. » Tant que les conditions d’accès à la ZFE, la zone excluant les véhicules trop anciens ou polluants, le permettent néanmoins.

« J’interdis les velux, les volets d’une certaine couleur, et il faudrait que j’autorise le survol d’habitation­s et d’espaces naturels ? »

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Depuis les hauteurs de Sainte- Foy- lèsLyon, l’Est lyonnais a l’air plus proche qu’il ne l’est vraiment.

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