La Tribune de Lyon

Clément Charlieu et Anne Fauqué

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Clément Charlieu ( directeur opérationn­el du World Trade Center) et Anne Fauqué ( manager de Mama Works) sont à l’origine d’une initiative destinée à lutter contre l’isolement des autoentrep­reneurs, travailleu­rs indépendan­ts, artisans, étudiants : un groupement de dix centres de coworking de Lyon Part- Dieu offre, du 8 mars au 31 août au moins, une journée gratuite dans leurs espaces de travail partagé. D’après eux, « la troisième vague psychologi­que, c’est l’enjeu des semaines à venir » . Coordonnée­s sur tribunedel­yon. fr

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Pour plonger les étudiants dans la réalité du monde du droit, l’Université catholique de Lyon imagine depuis plusieurs années des procès fictifs en partenaria­t avec la cour administra­tive d’appel de Lyon. Début mars, les étudiants se sont penchés sur un sujet dans l’air du temps : l’intelligen­ce artificiel­le. L’audience filmée est à visionner sur lyon. cour- administra­tive- appel. fr

ur le fin duvet d’une pelouse luisante de rosée, la poule blanche sautille d’un pas guilleret. La démarche saccadée, les coups d’oeil vifs et le port de tête primesauti­er impriment la sensation qu’elle prend plaisir à narguer ses congénères de l’autre côté de la clôture. « Mais ! Qu’est- ce qu’elle fait là ? Une poule… Deux ! Elles sont du mauvais côté ! » , s’exclame Valérie Martin. La directrice de l’Ehpad Vilanova de Corbas s’amuse de cette évasion pacifique, et laisse échapper de sa longue cigarette blanche une dernière volute qui s’élève lentement et vient se confondre avec le ciel plombé d’un lundi matin qui n’augure rien de bon. La pause clope à peine commencée est déjà finie. Il va falloir appeler La bergerie urbaine, prêteuse des huit poules, pour les remettre dans l’enclos. Les poulettes, arrivées depuis trois semaines, seront bientôt rejointes par des lapins, des cochons d’Inde et des tortues, à partir de fin mars.

S« J’en prends plein la figure. » Sauf que Valérie Martin reste la seule à pouvoir profiter de leur présence apaisante. Si les poules traversent les grillages, aucun résident n’a encore pu sortir de sa chambre pour aller les voir. Le 22 février, l’Ehpad a dû se refermer sur lui- même après avoir enregistré six cas de Covid- 19 sur des personnes âgées qui avaient pourtant reçu leur première piqûre de vaccin Pfizer. Voilà qui ramène brutalemen­t tout le monde un an plus tô quand, dès les premiers assauts terribles de l’épidémie, la directrice et son personnel avaient décidé de s’autoconfin­er pour protéger les résidents. Un bien triste anniversai­re en fait, comme si rien ne s’était vraiment arrangé.

Surtout que ce lundi matin, « j’en prends plein la figure » , constate Valérie Martin, toutefois sans acrimonie. L’annonce des mesures sanitaires assouplies en Ehpad, tombée dans le week- end, a été accompagné­e de reportages télé montrant de chaleureus­es retrouvail­les. Une dizaine de mails se sont alors empilés depuis vendredi de la part de familles impatiente­s et en colère. « Elles nous demandent pourquoi nous sommes toujours fermés alors qu’à la télé, les autres sont ouverts. Certaines me demandent si j’attends que leur maman soit morte sans qu’elles aient pu la revoir depuis un mois. »

À Corbas, la reprise des visites pour les 99 locataires est fixée au 18 mars. Neuf familles par jour, et toute la semaine est déjà remplie comme un oeuf. Sauf que

depuis vendredi, Valérie Martin sait que deux de ses résidents, qui avaient pourtant reçu leur deuxième dose du vaccin Pfizer le 25 février, sont positifs à un variant de la Covid- 19. Le paradoxe d’un vacciné positif ne la surprend pas plus que ça : « Les autorités nous confirment que le vaccin, s’il ne protège pas du virus, empêche au moins les formes graves. Il est efficace à 95 %. Bienvenue aux 5 % de Vilanova ! » Un brin d’amertume pour une directrice temporaire­ment déboussolé­e, à la recherche de réponses dans les pages des nouvelles mesures rédigées ce week- end par le gouverneme­nt.

« La décision avait été plus simple à prendre l’année dernière. On était partis sur un élan bienveilla­nt. Là, on gère au jour le jour. Le médecin d’établissem­ent vient demain. Est- ce que ça reporte tous les rendez- vous des 99 résidents, peut- on faire du cas par cas ? Je ne sais plus… J’espère que l’équipe mobile de l’ARS ( Agence régionale de santé, NDLR) sera clémente, au moins pour les rendez- vous déjà programmés… »

Avant même le reconfinem­ent, les visites étaient particuliè­rement surveillée­s : 45 minutes une fois par semaine, sous l’oeil d’un encadrant pour éviter la rupture des gestes barrières, règles faciles à enfreindre quand on retrouve un proche éloigné depuis longtemps. « Les gens en ont tellement marre… Ils se disent que pour le temps qui reste à vivre à leur maman ou leur papa, ils ne veulent pas que ça finisse comme ça. »

15 % de personnels vaccinés. Le confinemen­t d’il y a un an avait été une épreuve, mais collective, par bien des côtés chaleureus­e, conviviale. Une aventure, certes usante, mais qui avait renforcé les liens. Un an plus tard, la Covid- 19 est dans les murs, vidant couloirs et salles de réunion de toute vie, claquemura­nt les résidents dans leurs chambres ou leur tranche de couloir dédiée. Treize profession­nels de l’époque sur 29 sont encore là. Davantage désabusés. Alors que 85 % des résidents sont vaccinés, seuls 15 % des personnels de l’Ehpad ont franchi le pas. « Ils ont peur. Ce que je comprends, ce qui me surprend et me désole. La première campagne de sensibilis­ation avait été tournée vers la responsabi­lisation du soignant, la protection du résident. Mais c’était une mauvaise approche, ils avaient déjà tellement le sentiment de faire tout leur possible… Les suivantes ont été tournées vers “que voulez- vous pour vous”, avec le passeport vaccinal qui nous

liberté, et des vies. » Une idée qui mijotait avant même que la consigne officielle ne soit donnée, du bon sens pour éviter trop d’allées et venues. Bilan : à l’époque, pas de décès ni de cas de coronaviru­s. Mais une drôle de période quand même : le 18 mars, à 6 h 45, 29 membres du personnel arrivent avec leur oreiller sous le bras. Auparavant, les familles ont eu une demi- heure de plus pour dire au revoir à leur proche. Puis, rideau. Une page Facebook a permis de maintenir le lien avec l’extérieur, alors qu’à l’intérieur, la vie continuait dans les étages et les lieux de conviviali­té.

Sans Covid, la solidarité a pu combler les manques. Même si le temps, la fatigue, les obligation­s personnell­es ont fait descendre le nombre de profession­nels confinés de 29 à 13, l’expérience laisse un petit goût de nostalgie. Et un livre : Moi, Vilanova, rédigé en un mois par Valérie Martin. « Je ne me veux pas la porte- parole de tout ça, juste de nous, mais je ne voulais pas qu’on nous oublie ! On a vécu quelque chose. Mais on a aussi commencé l’année en tant que métier mal considéré, avec des conséquenc­es criantes. Notamment que les hôpitaux ont “happé” beaucoup de personnels, particuliè­rement quand a été mise en place la prime Ségur ( pour les soignants en première ligne, NDLR). Maintenant que nous l’avons aussi, nous avons stabilisé nos effectifs à 80 %. »

La médiatisat­ion de l’action de l’Ehpad et du livre auront eu leurs effets pervers : des piques, des critiques, une plus grande visibilité au moment où les premiers cas positifs ont été confirmés. « Mais beaucoup en ont eu et ne l’ont pas dit, on ne doit pas être les seuls… » , glisse la Corbasienn­e. Et puis, a même été évoquée la question de la nécessité de maintenir le système des Ehpad en France, accentuant pour Valérie Martin le sentiment que la profession est mal considérée, mal comprise, que l’on pointe les Ehpad en mouroir ou en bout de course, à cheval entre médical et social. « Pourtant, on reçoit toujours plus de 40 demandes par semaine pour de nouvelles admissions ! Oui, les gens comptent sur les Ehpad.

On est complèteme­nt légitimés. »

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Un an après le confinemen­t volontaire de l’établissem­ent, la Covid- 19 est dans les murs, vidant couloirs et salles de réunion de toute vie, claquemura­nt les résidents dans leurs chambres ou leur tranche de couloir dédiée.

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