La Tribune de Lyon

Notre apéro avec Nathalie Balmat

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Pas de « déjeuner avec » Nathalie Balmat. Celle qui s’est formée à la communicat­ion à Lyon après avoir quitté Chamonix et sa Haute- Savoie natale suit des horaires continus de 8 heures à 16 heures. C’est donc à une collation conviviale à l’heure de l’apéro qu’elle nous convie, à La Faute aux Ours, institutio­n du quartier qui mérite le détour. Derrière des extérieurs discrets se cachent trois étages d’espaces richement décorés, aux canapés profonds qui isolent des flux incessants sous les fenêtres. Le premier sujet de discussion entre Nathalie Balmat et la gérante porte d’ailleurs sur les dernières évolutions locales : l’installati­on d’une sanisette provisoire au pied du Mur du cinéma. Mieux que rien, estiment les deux femmes, au moment où un homme s’extrait de la fresque après s’être soulagé… à côté des toilettes mobiles. La présidente de l’associatio­n plaide pour une stratégie du carreau cassé à l’américaine : ne rien laisser passer, même le plus petit acte. Car comme elle le rappelle, la Guillotièr­e, ou plutôt Gabriel- Péri, « ça n’a pas toujours été comme ça. Quand j’étais étudiante, je n’ai jamais eu la trouille. Place Gabriel- Péri, c’était les chibanis qui papotaient et n’emmerdaien­t pas grand monde. Mais le

La Faute aux Ours

– Notre collation –

– L’addition – problème, c’est aussi de toujours ramener la Guillotièr­e à Gabriel- Péri. C’est un quartier difficile à comprendre, qui change d’une rue à l’autre. Sinon plus personne n’habiterait là » .

À commencer par elle qui, après s’être installée en 1992 dans le quartier, l’avait quitté pour le 3e arrondisse­ment côté Servient avant d’y revenir en 2000, à l’est, côté quartier afro. « Ce quartier, c’est un aimant » , concède- t- elle. Tout en reconnaiss­ant que si elle avait pris conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attendait en prenant la tête de l’associatio­n en 2019, elle y aurait peut- être réfléchi à deux fois…

1974

Naissance à Chamonix.

1992

Arrive à Lyon, s’installe à Guillotièr­e.

2000

Revient habiter à Guillotièr­e, « un aimant » , après un an dans le 3e.

2019

Devient présidente de l’associatio­n La Guill’ en colère.

2021

L’associatio­n, avec le collectif Lyon en colère, attaque en justice l’État pour carence.

“Je soutiens votre action et je veux vous aider.” Résultat, il a porté nos demandes. Mais je comprends que ce sera forcément détourné, c’est évident. Mais si ça avait été l’écologiste Fabienne Grebert à la Région, nous aurions fait la même chose.

La situation empire depuis quoi, trois ou quatre ans ?

La situation est problémati­que depuis cinq ou six ans. En termes de géographie des population­s d’abord, qui se mélangent sans se mélanger. Il y a des gens de l’extérieur qui viennent “consommer” le quartier. Des business légaux ou pas, qui repartent et laissent les riverains avec toute leur m… au sens propre, comme figuré. Et le soir, ce n’est plus gérable ! La Guillotièr­e a toujours été un “joyeux bordel”. Mais maintenant, j’enlève le “joyeux”. Tout le monde a envie de partir, prioritair­ement les familles. Même mon grand fils est parti. Pompier dans le secteur, il voulait être pro sur Lyon, mais il se faisait cracher dessus, donc il a dit : “Ce n’est pas comme ça que je vois mon job, je m’en vais.”

La contestati­on est- elle en passe de s’organiser, de monter en puissance autour des différents groupes « en colère » de Lyon ?

D’autres groupes se structuren­t, oui. Mais dans le quartier, la synergie est seulement en train de se mettre en place.

Des choses se font, pourtant : effectifs et opérations de police, caméras, réflexion sur le réaménagem­ent urbanistiq­ue du quartier, préemption des commerces… Mais le quartier continue à se sentir abandonné . Pourquoi ?

Il y a un vrai décalage entre les attentes et ce qu’on nous propose. La Mairie parle d’un plan d’action. C’est plutôt un plan d’intentions. On avait enfin reçu une invitation pour quelque chose le 15 octobre : un atelier participat­if ! Encore… Pour présenter des aménagemen­ts “légers” , le terme est important, et recueillir nos avis… À ce rythme, dans quatre ans, on sera encore en train de se voir ! Ils ont été élus, maintenant il faut y aller !

Il y a pourtant davantage de présence policière, non ?

Pour moi, il n’y a pas de présence, mais des actions. Une opération par jour avec les polices municipale, et nationale, les Douanes… Mais place Gabriel- Peri, il y a sept échappatoi­res. Les vendeurs “se tankent” d’un côté de la place avec leurs baluchons en attendant que la police s’en aille, avant de revenir. Ces actions sont des soubresaut­s, mais ça ne suffit pas. Le rapport indépendan­t qui avait été commandité sous Gérard Collomb et Jean- Yves Sécheresse est aujourd’hui dans un tiroir, alors qu’il était plutôt “à charge”. Alors stop, on ne va pas encore perdre un an !

Le quartier est- il perdu, selon vous ?

Je veux être optimiste, sinon je fais mes valises demain. Mais c’est quand même incroyable de se sentir abandonnés, ce qui est toujours la sensation de tout le monde aujourd’hui. On n’a pas le résultat des actions, et c’est très frustrant. On nous donne des chiffres en préfecture, d’opérations, d’interpella­tions… mais en attendant, on ne peut toujours pas circuler ou traverser une place ! Et puis, la complexité des chiffres c’est aussi que ceux qui se font voler leur portable ou leur chaîne de cou ne portent pas nécessaire­ment plainte. J’attends le rapport sur le harcèlemen­t de rue lancé par la Mairie du 7e. Peut- être les chiffres seront- ils en baisse : les filles ne viennent plus ! Elles font des détours pour éviter la place Gabriel- Péri. Et les gens préfèrent aller prendre le métro à Saxe- Gambetta.

Quelle est la suite désormais, alors que la pression continue de monter ?

On consulte des avocats en droit public pour lancer des recours au tribunal administra­tif contre la Mairie, sur la base de carences diverses et variées. La préfecture, c’était sur la sécurité et la rupture d’égalité. Le tribunal a choisi de joindre l’action Presqu’île en Colère à celle de Lyon en Colère, donc nous n’avons pas encore de date d’audience. On espère être fixés avant la fin de l’année. On veut mettre la Ville face à ses responsabi­lités, l’obliger à agir. En termes de propreté, on a par exemple un tas de “bouse” qui est resté huit jours dans la rue et augmentait quotidienn­ement ! Tant qu’on ne braille pas sur les réseaux, personne ne bouge. Il y a eu un tel laisser- faire, chacun se croit tout permis. Le délinquant deale sous les caméras, et il sait qu’il ne risque rien. Depuis le début, la Mairie nous dépeint comme politisés, comme des opposants politiques. Mais ils s’y sont cassé les dents. Par contre, ils n’ont toujours pas répondu à nos demandes. Donc on n’est toujours pas politisés, mais par contre, on est vraiment dans l’opposition.

Mais les recours juridiques risquent d’être longs à aboutir…

Devant le tribunal administra­tif, ça peut aller vite. Et le but, c’est justement d’aller vite, car on n’a plus le temps ! »

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Un panaché
Un jus de fruits rouges bio
7,60 euros
4 Grande rue de la Guillotièr­e 09 52 95 80 41 Un panaché Un jus de fruits rouges bio 7,60 euros
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