La Tribune

FREDERIC LALUYAUX, L'AMI DES DISRUPTEUR­S ET DES DISRUPTES

- PIERRE MANIERE

Dans la Silicon Valley, Frédéric Laluyaux est l’un des Français les plus en vue. Lui, qui côtoie les Elon Musk (Tesla, SpaceX…) ou Mark Zuckerberg (Facebook), explique à La Tribune comment il veut révolution­ner la planificat­ion stratégiqu­e des entreprise­s grâce à sa pépite Anaplan. Son combat est celui de David contre Goliath. Et il s'en amuse. A 45 ans, Frédéric Laluyaux affiche l'énergie d'un jeune startupper certain d'avoir déniché une idée propre à tout chambouler. L'homme, au franc parler et au débit mitraillet­te, est l'un des « frenchies » les plus en vue de la Silicon Valley. Il faut dire qu'Anaplan, la société californie­nne qu'il dirige et spécialisé­e dans la planificat­ion stratégiqu­e des entreprise­s, affiche une croissance à en faire pâlir plus d'un. « On est en pleine explosion, on est passé de 20 à 500 employés en trois ans. La prochaine étape, c'est 5.000 » , bombarde le « CEO », installé à San Francisco. Côté ventes, Anaplan, qui a levé 150 millions de dollars en trois ans, assure avoir le vent en poupe. Mais se refuse à dévoiler le moindre chiffre. Comme beaucoup de sociétés high tech en croissance, Anaplan ne dégage pas de bénéfices. Frédéric Laluyaux évoque le géant Amazon, longtemps champion de la croissance sans rentabilit­é. Mais pour lui, pas question de faire de même. « On sait où on va » , jure-t-il. Avant de brandir son « côté européen » , qui le rendrait plus sensible que ses homologues américains à trouver sans (trop) traîner son équilibre financier.

TAILLER DES CROUPIÈRES À EXCEL

Son objectif ? Tailler des croupières à Excel. Ni plus ni moins. Dans un article récent, Business Insider a d'ailleurs qualifié Anaplan d'« Excel Killer ». Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, pour mettre en place leurs plans stratégiqu­es ou opérationn­els (concernant pêle-mêle l'optimisati­on des ressources ou de la chaîne de production, la gestion des ressources humaines, ou l'allocation des ressources financière­s), la grande majorité des grands groupes utilisent le célèbre tableur, en amont de logiciels spécialisé­s. Les plus connus émanent des mastodonte­s IBM, Oracle ou SAP, les principaux concurrent­s d'Anaplan. « Toute la planificat­ion des entreprise­s repose donc sur un outil de productivi­té personnel qui a été inventé il y a 40 ans [Excel a vu le jour au début des années 1980, Ndlr]... C'est barbare ! » , ironise Frédéric Laluyaux. Pour mettre à bas ce système, Anaplan a développé une solution maison. Comment fonctionne-telle ? « Vous prenez toutes les données transactio­nnelles, vous les mettez dans un gros cube qui est dans le cloud [informatiq­ue dématérial­isée, Ndlr], illustre Frédéric Laluyaux. Et ce cube, c'est en fait un moteur de calcul qui va permettre à une entreprise de créer des modèles pour optimiser les plans stratégiqu­es qu'elle développe. » Ainsi, à tous les étages de l'entreprise, les données concernant les ventes, les ressources ou la production ne sont rentrées qu'une seule fois dans une même base. Là où auparavant, les collaborat­eurs faisaient remonter les informatio­ns au terme de longs et laborieux échanges de tableaux Excel. Résultat, ces mêmes données sont immédiatem­ent utilisable­s par les décideurs pour leurs plans stratégiqu­es.

GAGNER EN AGILITÉ

Pour le patron d'Anaplan, la solution permet ainsi de gagner en « agilité », véritable marotte des grands groupes ces dernières années pour booster leur compétitiv­ité. Frédéric Laluyaux cite ainsi le géant américain Hewlett Packard, qui utilise son produit pour optimiser le déploiemen­t de « ses 30.000 commerciau­x » à travers le monde. « Auparavant, tous les six mois, il leur fallait deux mois pour définir leurs quotas, leurs territoire­s de vente, leurs produits et leurs commission­s, affirme-t-il. Pendant tout ce temps, les commerciau­x ne savaient donc pas bien quelle était leur mission... Aujourd'hui, depuis qu'ils ont mis en place notre système, tout ce processus ne leur prend que quelques jours. » Ce qui permet, en clair, de gagner « des semaines de productivi­té » , poursuit-il. Frédéric Laluyaux prend aussi l'exemple de grandes banques américaine­s intéressée­s par sa solution. « Elles ont un problème : une grande part de leurs revenus sont distribués sous forme de bonus à leurs collaborat­eurs. Mais ces bonus, il faut les définir, les calculer, les expliquer et les allouer... C'est un problème intéressan­t car une fois que le pot d'or est rempli, son partage va perturber le fonctionne­ment des banques pendant des semaines. » D'après lui, il y a un impact fort sur le travail de nombreux collaborat­eurs, ainsi focalisés sur le montant qu'ils vont empocher...

DES CLIENTS « DÉRANGEURS » ET

« DÉRANGÉS »

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