UNE INHUMAINE ACCELERATION
Ce qui devait nous libérer du temps, nous engage en fait dans une course sans victoire possible. Pour Olivier Abel, professeur de philosophie éthique à l’Université protestante de Montpellier, l’universalité de la communication nous entraîne désormais vers la création d’une "chose" qui laisse sur le bord de la route une partie de l’humanité. Puis-je raconter une fable noire, discutable, mais qui nous donne à penser ? J'ai longtemps cru que c'était moi. Puis j'ai compris que dans tous les milieux, dans tous les métiers, se rencontrent des sujets à la limite de la surcharge, incapables de soutenir à eux seuls autant de connexions. Nous sommes comme ces joueurs placés dans un jeu virtuel où, ayant réussi à renvoyer correctement une balle, on vous en envoie trois, huit, quinze : on se fend en quatre, on y arrive, on s'améliore, mais soudain, non, ce n'est vraiment pas possible, on craque, on ne peut plus. Nous ne parvenons plus à comprendre ce qui nous arrive, ni à sentir ce que nous faisons. C'est ainsi que nos contemporains "disjonctent" de temps en temps, un par un, sans parvenir à ralentir, ni s'arrêter tranquillement ensemble.
UNE ÉMANCIPATION TROMPEUSE
Cela s'est passé doucement. Nous avons déployé la liberté de choisir nos combinaisons, nos conditions. Puis nous avons compris que cette "émancipation" déterminait une augmentation de la responsabilité. Et nous avons célébré l'avènement de l'individu responsable, capable de s'impliquer en même temps dans plusieurs « projets », de se plier simultanément de lui-même au plaisir et à l'excellence de plusieurs règles.