ETIENNE KLEIN : "LE PROGRES EST EN VOIE DE DISPARITION"
Le Progrès a perdu sa majuscule. Voilà, juge Étienne Klein, le symptôme du dépérissement du Progrès dans la civilisation contemporaine, empoisonnée par une multitude de venins qui défigurent l’héritage des Lumières, déconsidèrent la science, marchandisent la recherche, mutilent l’essence humaniste, la destination universelle et démocratique dudit progrès, désormais abandonné au fantasme de l’innovation. Le philosophe des sciences – directeur de laboratoire au CEA et professeur à Centrale Paris – exhorte à s’extraire de la "conscience malheureuse" et des multiples schizophrénies auxquelles tout citoyen responsable est menotté, à réinsuffler un "réservoir d’humanité" dorénavant atone, à réhabiliter une éthique de la connaissance et à ressusciter un futur aujourd’hui "en jachère intellectuelle." In fine, à réveiller la possibilité d’un avenir. Ainsi, et au prix d’un courage que l'auteur de Le pays qu'habitait Albert Einstein (Actes Sud) juge désormais impérieux, il apparaît possible de réenchanter le Progrès. Avec un P majuscule. Raréfaction des vocations, discrédit parmi les citoyens, maltraitance par les médias, traitement inapproprié au sein de l'Éducation nationale... la science est l'objet simultanément de "conflits violents" et "d'indifférence massive" au sein de la société. L'image, prestigieuse, de la science est désormais "brisée", notamment parce qu'elle ne s'exprime plus hors ou au-dessus de la société, mais au sein d'une société "que plus personne ne sent être vraiment la sienne." Le Progrès est en crise. Crise de légitimité autant que de reconnaissance...