NICOLAS BRICAS (CIRAD) : "LE PLAISIR DE MANGER, C'EST LE PLAISIR DU PARTAGE"
[6/6] Avec la montée en puissance du contrôle des habitudes alimentaires, manger sera-t-il toujours considéré, demain, comme un plaisir ? Nicolas Bricas, agroéconomiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du monde, le pense, mais s’inquiète d’une alimentation individualisée. Sixième et dernier volet de notre série consacrée à l'agriculture, l'agroalimentaire et l'environnement. ACTEURS DE L'ECONOMIE-LA TRIBUNE. Bien-être et santé semblent devenus indissociables de l'alimentation. Ce qui laisse penser que le plaisir de se nourrir a disparu. En France, ces dernières années, cette notion a-t-elle été vidée de son sens ? NICOLAS BRICAS. J'observe un décalage entre la médiatisation de certaines positions très arrêtées concernant l'alimentation (véganisme par exemple) et la réalité de ce que les gens mangent vraiment. Certes, mieux s'alimenter correspond à une préoccupation nouvelle des mangeurs, mais ces questions de santé ne remplaceront pas l'importance du repas, du partage, du lien social et donc du plaisir qu'il procure. Cette notion existera toujours. Construite avec le temps, elle évolue vers de nouvelles pratiques, mais son sens n'a fondamentalement pas changé. Enfin, le plaisir ne se résume pas au gras et au sucré. Au contraire, longtemps la cuisine française a fourni une alimentation saine avant que l'industrie n'intègre le gras et le sucré dans ses préparations, créant alors l'addiction à des produits de plus ou moins bonne qualité. Comment définiriez-vous le plaisir du bien-manger à la française ?