"DIRE" ET "TAIRE", L'EXERCICE D'EQUILIBRISTE DES STARTUPS
IDEE. Ce tiraillement incessant entre impératif de visibilité et protection des secrets qui font la valeur ajoutée des startups a même des conséquences géopolitiques. Par Philippe Laurier, Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST)
Le langage courant qualifierait « d'attitude schizophrénique » celle de nombreux créateurs d'entreprises technologiques, contraints de mettre en oeuvre des politiques en partie contradictoires et ainsi résumables : le rêve d'un capital-risqueur est d'auditer des startups transparentes sous son regard, mais sachant rester opaques vis-à-vis de tiers afin de préserver leur avance. Montrez-moi vos secrets sans les perdre, montrez votre valeur sans la diminuer. L'incontournable business plan n'est-il pas un exercice de déshabillage parachevé par la description consciencieuse de vos atouts différenciateurs, supposés rester néanmoins inaccessibles pour la concurrence ?
Un fondateur se voit demander à la fois de dire et de taire, dans un exercice d'équilibrisme qui resterait acceptable s'il s'appliquait à tous ; or, cette condition que nous verrons non remplie aboutit à se vouloir équilibriste au sein d'un environnement qui, par sa structure même, est en déséquilibre.
UNE INÉGALITÉ SUR LE « DROIT D'EN CONNAÎTRE »
Ce précédent état sera qualifiable d'inégalité de traitement car le capital-risqueur désire être mieux et plus vite informé sur telle entreprise que ne le sera un concurrent. Autrement dit, être initié sans délit.