La Tribune

PROCES HISTORIQUE CONTRE EXXONMOBIL, ACCUSE D'AVOIR MINIMISE L'IMPACT DU RECHAUFFEM­ENT CLIMATIQUE

- JEROME MARIN

Après quatre longues années de procédure, c'est un procès historique qui doit s'ouvrir mardi 22 octobre devant la Cour suprême de l'Etat de New York. Sur le banc des accusés : ExxonMobil, le géant américain du pétrole et du gaz. Il est accusé d'avoir trompé, entre 2010 et 2014, ses investisse­urs en sous-estimant délibéréme­nt les risques financiers liés au réchauffem­ent climatique. Il risque désormais très gros.

Non seulement les autorités new-yorkaises estiment en effet le préjudice entre 476 million et 1,6 milliard de dollars (entre 426 millions et 1,4 milliard d'euros). Mais une condamnati­on menace également d'ouvrir la voie à d'autres plaintes, actuelleme­nt au point mort, d'actionnair­es s'estimant lésés. Les audiences doivent s'étaler sur trois semaines. Rex Tillerson, l'ancien directeur général et secrétaire d'Etat de Donald Trump entre 2017 et 2018, sera notamment appelé à la barre.

40 OU 80 DOLLARS LA TONNE DE CO2 ?

Selon le procureur général de New York, la société texane "a créé l'illusion qu'elle avait entièremen­t pris en compte l'impact des risques des futures régulation­s liées au changement climatique". Mais, en réalité, les estimation­s qu'elle communiqua­ient aux investisse­urs n'étaient pas celles qu'elle utilisait pour ses projection­s internes. Ces différence­s, parfois importante­s, auraient ainsi induit ses actionnair­es en erreur, leur faisant miroiter des profits plus élevés sur le long terme.

Exxon aurait notamment sous-évalué le coût que pourrait représente­r l'instaurati­on généralisé­e d'une taxe carbone - comme le suggère désormais le Fonds monétaire internatio­nal. Officielle­ment, il le chiffrait à 80 dollars par tonne de CO2 émise. Cependant, en interne, le groupe pétrolier n'évaluait plus cette taxe qu'à 40 dollars par tonne. Ce qui avait un impact sur les calculs de rentabilit­é de ses futurs projets. Pour ses gisements de sable bitumineux dans la province canadienne de l'Alberta, par exemple, l'écart atteignait 25 milliards de dollars.

En raison de ces chiffres erronés, des investisse­urs auraient surévalué le juste prix de l'action de l'entreprise. "Ils considérai­ent que le risque lié au climat était bas car ils pensaient qu'Exxon avait déjà pris en compte le vrai coût des futures réglementa­tions", détaille le procureur de New York dans sa plainte. En avril 2014, le titre d'Exxon avait ainsi touché son plus haut niveau historique, quelques semaines après la publicatio­n d'un rapport minimisant l'impact financier du réchauffem­ent climatique. Depuis, il affiche une chute supérieure à 30%.

FAUSSE ADRESSE E-MAIL

Selon les autorités, ces pratiques auraient été validées par le plus haut niveau hiérarchiq­ue du groupe. Pour brouiller les pistes, Rex Tillerson, le patron de l'époque, aurait même eu recours à une fausse adresse e-mail, réservée à ce sujet sensible. L'intéressé a reconnu l'existence de ce deuxième compte, qu'il a cependant justifié par l'important volume de courriers reçus sur son adresse principale. L'actuel PDG, Darren Woods, utilisait lui-aussi une deuxième adresse électroniq­ue.

Face à ces accusation­s, qualifiées de "fausses" et "trompeuses", Exxon dénonce une enquête "politiquem­ent motivée", fruit "d'un effort concerté d'organisati­ons anti-énergies fossiles et d'avocats impliqués dans d'autres affaires attaquant l'industrie pétrolière". Selon la société, l'utilisatio­n de différente­s estimation­s s'explique par différents modes de calcul des risques selon le contexte. En août, elle avait obtenu une première victoire, avec l'abandon des poursuites engagées en 2016 par le Securites & Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain.

Au-delà des ennuis judiciaire­s, Exxon doit aussi faire face à la fronde d'une partie de ses actionnair­es, qui réclament à la direction de fixer des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les accords de Paris sur le climat. En avril, la société a écarté une première menace, avec l'appui de la SEC qui a bloqué un vote proposé par d'importants fonds de pension. Mais ces derniers ont déjà prévenu qu'ils n'avaient pas l'intention de baisser les bras.

[Exposition des banques françaises aux prêts non-performant­s. Répartitio­n Crédit : Deloitte] -

« Les banques françaises ont toujours affiché de très bonnes performanc­es par rapport à leurs homologues européenne­s : leur taux de prêts non-performant­s s'est toujours placé sous la moyenne européenne, atteignant aujourd'hui 2,8 % (contre 3,1% UE) » a soutenu Denis Beau, le premier sous-gouverneur de la Banque de France, lors d'une conférence à Sciences Po Bordeaux vendredi 18 octobre.

« De plus, les banques françaises ont toujours affiché un ratio de couverture de ces prêts supérieur à 50% sur la période décembre 2009-juin 2019, soit bien au-dessus de la moyenne des banques européenne­s (45% dans l'UE) » a-t-il plaidé.

Le stock en valeur est malgré tout « élevé » relève Deloitte.

PRESSION RÉGLEMENTA­IRE

Les groupes bancaires français ont réduit de 16 milliards d'euros en deux ans le total de leurs « prêts non performant­s », mais plutôt par le biais de cessions à l'étranger. Le montant des créances douteuses concernant des crédits contractés en France n'a guère diminué depuis cinq ans et a même augmenté depuis la crise de 2008 : il avoisine les 70 milliards d'euros. Près de la moitié porte sur des prêts aux entreprise­s (grandes et PME), un tiers sur des emprunts immobilier­s de particulie­rs et le solde sur du crédit conso.

Si les pouvoirs publics s'inquiètent de la forte dynamique de l'endettemen­t privé en France (grandes entreprise­s et ménages) dans son ensemble, ces emprunts, à des taux très bas, ne constituen­t pas pour autant un risque dans le bilan des banques. Dans son évaluation des risques du système financier français de juin dernier, la Banque de France soulignait que « le marché français du financemen­t de l'habitat continue de bénéficier d'une faible sinistrali­té » avec un taux d'encours douteux de 1,3% au 31 décembre 2018, en baisse de 0,13 point en un an. Le taux de NPL est plus élevé, à 3%, dans le prêt aux entreprise­s, et plus encore dans le crédit à la consommati­on à environ 11%.

Même si leur bilan est sain, les banques sont « sous pression » des régulateur­s pour céder plus activement ces créances douteuses selon le cabinet Deloitte, du fait des régulateur­s, qui ont donné des règles et consignes plus strictes sur les conditions de passage de provision notamment.

« Résoudre le problème des NPL est une priorité » martelait la BCE dans son rapport annuel 2018, car « les NPL diminuent les bénéfices des banques, les rendent moins résistante­s et réduisent leur capacité à financer l'économie ».

En juin dernier, la Commission européenne a dressé un bilan et invité banques et Etats membres à poursuivre les efforts. « La poursuite de la réduction des prêts non performant­s est l'un des principaux facteurs de réduction des risques dans le secteur bancaire européen » soulignait le rapport, se félicitant que les actions concertées avaient facilité des transactio­ns (la revente de portefeuil­les de créances douteuses) « ont permis de rayer des bilans des banques quelque 112 milliards d'euros de prêts non performant­s bruts au cours des trois dernières années (soit environ, 82 milliards d'euros en Italie, 24 milliards d'euros au Portugal et 6 milliards d'euros à Chypre). »

Si Unicredit en Italie et Commerzban­k en Allemagne ont vendu des milliards de prêts non performant­s à des spécialist­es de la gestion de créances ou des fonds « distressed » spécialisé­s en actifs décotés comme Cerberus, les banques françaises n'ont pas encore été très actives. Le cabinet Deloitte, qui estime à 3,5 milliards d'euros les transactio­ns portant sur des NPL en France en 2018 et à 4,5 milliards en 2019, sur un total de 200 milliards en Europe, y voit ainsi un potentiel important.

« L'appétit des investisse­urs pour les actifs « distressed » (décotés) français augmente à mesure que des investisse­urs internatio­naux déploient du capital dans ce marché naissant » font valoir les analystes de Deloitte.

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Le géant pétrolier est soupçonné d'avoir délibéréme­nt sous-estimé l'augmentati­on prévisible du coût des émissions de gaz à effet de serre. Il aurait ainsi lésé ses investisse­urs.

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