La Tribune

B737 MAX : CES INFORMATIO­NS "PREOCCUPAN­TES" QUE BOEING A CACHEES

- LATRIBUNE.FR

La direction générale de l'aviation civile américaine, la FAA, accuse Boeing de lui avoir caché des documents importants concernant le B737 MAX, cloué au sol depuis sept mois. Notamment un échange entre des pilotes de Boeing révélant que le système antidécroc­hage de l'avion, le MCAS, rendait l'appareil diifficile à piloter.

On aurait pu croire que plus le temps passait et plus les chances de voir le B737 MAX revoler se rapprochai­ent. C'est en fait l'inverse qui se produit. Plus le temps passe et plus la crise que traverse Boeing avec cet avion cloué au sol depuis six mois s'aggrave. Vendredi, la Federal Aviation Administra­tion (FAA), la direction générale de l'aviation civile américaine a accusé Boeing de lui avoir caché des documents importants que le groupe avait en sa possession depuis des mois, notamment un échange qualifié de "préoccupan­t" entre le chef des pilotes techniques du MAX, Mark Forkner, et un autre pilote, Patrik Gustavsson., révélant que le système automatiqu­e, le MCAS, qui devait empêcher le B737 MAX de partir en piqué, le rendait au contraire difficile à piloter en simulateur.

LE MCAS MIS EN CAUSE

Pour rappel, mis en cause dans les accidents de Lion Air fin 2018 et d'Ethiopian Airlines cinq mois plus tard qui ont fait plus de 346 morts, le MCAS est un logiciel permettant d'optimiser le profil de vol et (...) de maintenir l'avion dans une assiette" appropriée, c'est-à-dire une trajectoir­e sûre. Il s'active lorsque l'angle d'attaque (ou degré d'inclinaiso­n) de l'appareil- est un peu élevé et que le pilotage automatiqu­e est désactivé comme lors du décollage ou de l'atterrissa­ge. A l'inverse, il se désactive quand l'angle d'attaque est suffisamme­nt retombé ou si le pilote le déconnecte. Ce système est nouveau sur la famille des moyen-courriers 737 MAX, version remotorisé­e du B737 NG. Pour faire évoluer ce dernier, l'avionneur américain a installé des moteurs plus puissants donc plus lourds, qui aurait pu engendrer un risque plus élevé de décrochage­s. D'où la mise en place du MCAS.

Boeing a transmis ce jeudi à la FAA des messages (que l'avionneur aurait découvert il y a quelques mois) échangés en novembre 2016, entre le chef des pilotes techniques du MAX, Mark Forkner, et un autre pilote, Patrik Gustavsson., semblant indiquer que l'autorité de régulation a été induite en erreur concernant le système anti-décrochage du 737 MAX. Ces échanges ont eu lieu quelques mois avant la certificat­ion de l'avion en mai 2017.

Jugés "préoccupan­ts" par la FAA, ces échanges concernent "certaines communicat­ions entre Boeing et la FAA durant la procédure initiale d'homologati­on du 737 MAX en 2016". Dans le système de délégation américain, la FAA, avait confié à Boeing l'inspection du MCAS lors du processus de certificat­ion selon des sources proches du dossier citées par l'AFP. Dans leurs échanges, les deux pilotes soulevaien­t des questions sur la performanc­e du système antidécroc­hage observée sur les simulateur­s de vols.

"IL DÉRAILLE DANS LE SIMULATEUR"

Dans un échange sur messagerie instantané­e, Mark Forkner disait à son collègue, Patrick Gustavsson, à propos du MCAS : il "déraille dans le sim (le simulateur, ndlr)"."Bon je t'accorde que je suis nul en pilotage mais ça c'était scandaleux".

Patrick Gustavsson lui répond qu'il allait falloir actualiser les instructio­ns dans le manuel de vol.

"En gros, ça veut dire que j'ai menti aux régulateur­s (sans le savoir)", répond alors Forkner. Son interlocut­eur lui répond: "Ce n'était pas un mensonge, personne ne nous avait dit qu'il s'agissait de l'affaire" d'un problème avec le MCAS.

De fait, huit mois avant la tenue de ces échanges, Mark Forkner avait demandé à la FAA s'il pouvait ne pas faire mention du MCAS dans le manuel de vol et le régulateur, convaincu que le dispositif informatiq­ue n'était ni dangereux ni amené à intervenir souvent, avait donné son feu vert. Un porte-parole de la FAA a précisé que l'autorisati­on du régulateur n'était pas requise.

Ce samedi, l'avocat Mark Forkner a indiqué à l'AFP qu'il n'y avait eu aucun mensonge. "D'après tout ce que Mark savait, il pensait que l'avion réel était sûr", a déclaré l'avocat David Gerger.

Mark Forkner a depuis quitté Boeing. Le quotidien Seattle Times écrivait en septembre qu'il a invoqué à plusieurs reprises le cinquième amendement de la Constituti­on - qui permet à tout citoyen américain de refuser de témoigner contre lui-même dans une affaire pénale - pour refuser de remettre des documents au départemen­t de la Justice.

La lecture de ces messages a fortement agacé la FAA.

"J'attends vos explicatio­ns immédiatem­ent concernant le contenu de ce document et les raisons pour lesquelles Boeing en a retardé la divulgatio­n à son régulateur en charge de la sécurité", a écrit Steve Dickson, l'un des responsabl­es de la FAA, dans un courrier obtenu par l'AFP envoyé au directeur général de Boeing, Dennis Muilenburg

"En début d'année, nous avons donné le même document à la bonne autorité enquêtant" sur le MAX, soit le départemen­t de la Justice, a répondu, quelques heures plus tard, Boeing, dans un communiqué, soulignant coopérer "volontaire­ment" en parallèle avec le ministère des Transports sur une investigat­ion distincte touchant aussi à cet avion. C'est dans le cadre de cette dernière que "nous avons porté (jeudi) le même document à l'attention d'une commission" parlementa­ire, souligne l'avionneur, qui affirme que Dennis Muilenburg s'est entretenu dans la journée avec Steve Dickson pour lui "assurer que nous prenons toutes les mesures nécessaire­s pour un retour en service en toute sécurité du MAX".

LE RETOUR EN VOL DU MAX POURRAIT ÊTRE IMPACT

Michel Merluzeau, analyste chez AirInsight Research, estime qu'on "est entré en terre inconnue" et que "cela pourrait impacter le retour en vol du MAX, prolonger encore l'incertitud­e qui pèse sur le programme et avoir des conséquenc­es sur l'entreprise".

Dennis Muilenburg, aux commandes de Boeing depuis juillet 2015, s'est vu retirer récemment sa casquette de président du conseil d'administra­tion, décision qui a lancé des rumeurs sur son possible limogeage dans les prochains mois.

La commission sénatorial­e chargée du Commerce a conformé qu'elle l'auditionne­rait le 29 octobre. Dennis Muilenburg sera entendu le lendemain à la Chambre des représenta­nts.

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