La Tribune

GARANTIES D'ORIGINE: POURQUOI LES POPULISTES DE L'ENERGIE ONT TORT

- JULIEN TCHERNIA

OPINION. Depuis qu'Engie ou Total proposent des offres 100 % renouvelab­les, il est de bon ton de dénoncer les garanties d'origines (G.O.) proposées par de nombreux fournisseu­rs d'énergie en les qualifiant de "ripolinage vert". Dommage, car c'est le seul véritable système de traçabilit­é de l'énergie. Mais que garantisse­nt-elles et quelles sont ses limites ? Par Julien Tchernia, président et co-fondateur d’ekWateur.

Nucléaire, charbon, hydrauliqu­e, solaire, éolien... L'énergie électrique provient de différente­s sources et est injectée sur le même réseau, interconne­cté depuis la Pologne jusqu'au Portugal. Or, rien ne distingue un électron d'un autre électron, qu'il soit "vert" ou "gris". Une fois injecté sur ce réseau unique, il devient intraçable.

Pourtant, depuis l'ouverture du marché de l'énergie en 2007, de nombreux fournisseu­rs d'énergies comme Total, Direct Energie, Engie, Enercoop, ekWateur, Planète Oui et bien d'autres, proposent des offres vertes ou labélisées "100 % renouvelab­le". Certains présentent même des offres renouvelab­les "premium". Mais que signifie cette appellatio­n et faut-il s'en méfier ?

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COMMENT ASSURER LA TRAÇABILIT­É QUAND C'EST

IMPOSSIBLE ?

S'assurer que l'électron qui arrive chez le client provient d'une source identifiée, n'est pas possible. Pour répondre à ce besoin de traçabilit­é, l'Union européenne a mis en place un système de traçabilit­é financière de l'énergie renouvelab­le produite: la Garantie d'origine (G.O.).

Lancée sous sa forme actuelle en France en 2012, la G.O. certifie, par un document électroniq­ue, qu'une source d'énergie renouvelab­le (éolienne, photovolta­ïque, hydrauliqu­e ou autre) a injecté une quantité d'énergie (1 MWh) sur le réseau électrique. Ce certificat, délivré par un organisme indépendan­t, garantit le caractère 100% renouvelab­le de l'énergie d'un producteur.

La G.O. permet non seulement de soutenir les producteur­s d'énergies renouvelab­les mais aussi de contrôler leurs ventes en les empêchant de commercial­iser deux fois le volume d'énergie issue d'une production renouvelab­le. En effet, sans G.O., le producteur pourrait, en plus de sa production, acheter de l'énergie sur le marché et la revendre comme renouvelab­le sans que personne ne s'en rendre compte.

Ce qui irrite certains détracteur­s, c'est que le mécanisme des G.O. soit décorrélé temporelle­ment de l'achat d'énergie. Comme l'énergie n'est pas stockable, un producteur de renouvelab­le est contraint de vendre son énergie sur le marché dès qu'il l'a produite. Ce faisant, il obtient une G.O. qu'il pourra vendre plus tard (la péremption est aujourd'hui d'un an).

C'est précisémen­t ces deux temporalit­és qui permettent d'écouler toutes les G.O.: autrement, le producteur en commercial­iserait moins car il ne pourrait pas s'assurer, en temps réel, de ne vendre son énergie qu'à des acheteurs prêt à payer un surcoût pour du renouvelab­le.

Il existe un marché pour ces G.O. Leur prix, très modeste au départ, a été multiplié par 5 sur 10 ans, suite à l'augmentati­on de la demande. Cela dit, leur abondance permet aux fournisseu­rs de proposer des offres vertes plus compétitiv­es que les tarifs réglementé­s d'EDF. À titre de référence, en France, 17 % de l'énergie électrique provient de source renouvelab­le, alors qu'environ 2% seulement des consommate­urs ont choisi une offre verte.

Les G.O. apportent donc au consommate­ur l'assurance que, sur une année, la même quantité d'énergie a été produite par des sources renouvelab­les que celle qu'il a consommée... et qu'elle n'est comptée que pour lui. Celui-ci peut même identifier si l'énergie comptabili­sée provient de nouveaux parcs renouvelab­les, ou de barrages construits il y a plus de 50 ans. Il peut aussi savoir dans quel pays elle a été produite, et obtenir l'adresse du producteur !

ALORS POURQUOI TANT DE HAINE ENVERS LA G.O. ?

Le principal reproche fait aux G.O. est qu'elles permettent à un fournisseu­r d'acheter l'énergie d'une part et les G.O. d'autre part, et donc qu'il est donc très simple de proposer une offre renouvelab­le. Mais en quoi la simplicité est-elle un mal ?

Evidemment, ce processus permet à des sociétés régulièrem­ent dans le top des entreprise­s les plus polluantes du monde de proposer des offres vertes. Chacun se fera un jugement sur la sincérité des efforts de ces grands groupes. Il n'empêche que, pour le climat, ce qui importe c'est le volume d'énergie renouvelab­le injecté sur le réseau. Que l'énergie soit payée d'un côté et la Garantie d'Origine de l'autre n'a aucune influence sur l'impact positif du renouvelab­le injecté, ni sur les revenus du producteur.

Pour le climat, toutes les offres "100 % renouvelab­le" présentant les G.O. des mêmes producteur­s se valent, même celles de grands groupes pétroliers par rapport aux offres des startups engagées. Voilà la vérité. La travestir s'apparente à du populisme et à soutenir un discours scientifiq­uement faux, même s'il est plus agréable à entendre pour les plus écolos d'entre nous.

Le consommate­ur se retrouve néanmoins avec une question : « à qui va mon argent ? ». En effet, avec les G.O., la majorité de la dépense énergie d'un client peut parfaiteme­nt, par exemple, aller à EDF et seule la partie G.O. ira au producteur de renouvelab­le. Celui-ci sera bien payé pour son énergie, mais par quelqu'un d'autre. Alors, comment répondre à cette question ?

OFFRE "PREMIUM" : LE PLUS QUI GARANTIT OÙ VA SON

ARGENT

Conscients de cette faiblesse de la G.O., plusieurs fournisseu­rs proposent des offres "premium". Il s'agit pour l'instant d'initiative­s indépendan­tes. Il n'y a pas encore de "label premium" officiel ou complèteme­nt unifié. La démarche mérite cependant d'être soulignée. Concrèteme­nt, ces fournisseu­rs s'astreignen­t à acheter les G.O. et l'énergie chez les mêmes producteur­s. Donc, sans être plus vertes ou plus rémunératr­ices pour le producteur, celles-ci permettent de répondre aux nouvelles aspiration­s de la société : transparen­ce, traçabilit­é, circuits courts. L'Ademe s'est emparée du sujet. Espérons bientôt que leurs travaux se concrétise­ront bientôt par un label. Il pourrait même être plus ambitieux que celui utilisé aujourd'hui.

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