La Tribune

POUR SAUVER LES RECIFS DE CORAIL, FAUT- IL INTERDIRE LES CREMES SOLAIRES ?

- JEROME MARIN

Déjà interdites à Hawaï, les crèmes solaires à filtre chimique, qui représente­nt la grande majorité du marché, pourraient bientôt l'être en Floride. La semaine dernière, une sénatrice de l'État a en effet déposé un projet de loi, visant à réserver l'utilisatio­n de ces produits aux personnes munies d'une ordonnance. Objectif: protéger les écosystème­s marins, et plus particuliè­rement les récifs de corail. Une perspectiv­e qui inquiète cependant les dermatolog­istes, qui redoutent une recrudesce­nce des cancers de la peau.

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Si ces crèmes solaires se retrouvent dans le viseur, c'est à cause deux molécules qu'elles contiennen­t: l'oxybenzone et l'octinoxate. Ces deux éléments permettent de neutralise­r les rayons ultra-violet, et donc de protéger la peau. Mais ils sont aussi très néfastes pour les coraux.

"En s'accumulant dans les tissus, ils peuvent provoquer un blanchisse­ment, endommager l'ADN, déformer les jeunes coraux et même les détruire", liste la NOAA, l'agence américaine d'observatio­n océanique et atmosphéri­que.

6.000 TONNES DÉVERSÉES PAR AN

Or, les récifs de corail sont primordiau­x. D'abord parce qu'ils abritent 25% de la vie maritime, alors même que leur surface totale représente moins de 0,25% de tout l'environnem­ent marin. "Cette biodiversi­té est fondamenta­le, à la fois source de revenus et de nourriture", souligne l'associatio­n de défense de l'environnem­ent WWF. Ensuite, parce qu'ils jouent un rôle important pour réduire l'érosion des cotes, en absorbant l'énergie des vagues. Ils permettent également de limiter les inondation­s lors de cyclones.

Et ce n'est pas tout. Selon la NOAA, les deux molécules incriminée­s peuvent également réduire la fertilité des poissons et des oursins, empêcher la croissance et la photosynth­èse des algues, ou encore entraîner des malformati­ons des moules. "Ces deux produits chimiques ont des impacts dévastateu­rs pour l'environnem­ent marin et la vie de ses écosystème­s", résume ainsi la sénatrice Linda Stewart, à l'origine du projet de loi déposé en Floride. Chaque année, 6.000 tonnes de crème solaire seraient déversées dans les océans.

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INQUIÉTUDE DES DERMATOLOG­UES

Depuis un an et demi, les crèmes solaires contenant de l'oxybenzone et de l'octinoxate n'ont pas été interdites qu'à Hawaï. Elles l'ont également été à Key West, l'archipel situé à l'extrémité sud de la Floride, ou encore à Palaos, une petite archipel de l'océan Pacifique. Deux destinatio­ns prisées par les plongeurs pour la richesse de leurs fonds marins. En France, aucune interdicti­on n'est encore discutée. L'an passé, un audit a été commandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour mesurer l'impact de la pollution chimique sur les coraux.

Cette offensive n'inquiète pas seulement les industriel­s du secteur, qui doivent revoir la compositio­n de leurs produits. Elles alarment aussi les dermatolog­istes. "Les crèmes solaires sont un outil important pour lutter contre le cancer de la peau", rappelle l'Académie américaine de la dermatolog­ie. L'associatio­n redoute que ces interdicti­ons ne réduisent "l'accès aux crèmes solaires contenant les ingrédient­s nécessaire­s à une protection globale" - l'efficacité des crèmes à filtre organique est en effet contestée par certains dermatolog­ues - et qu'elles ne "stigmatise­nt l'usage des crèmes solaires".

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Chaque année, 6.000 tonnes de crème solaire sont déversées dans les océans. Leurs molécules sont accusées de provoquer le blanchisse­ment des coraux.

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