La Tribune

LA CROISSANCE CHINOISE, AU PLUS BAS DEPUIS PRES DE 30 ANS, N'EN FINIT PAS DE RALENTIR

- SEBASTIEN RICCI, AFP

Certains analystes estiment que le ralentisse­ment de la Chine est structurel car le pays, autrefois surnommé "l'atelier du monde", devient une économie plus développée. Il voit également le nombre de personnes en âge de travailler diminuer pour des raisons démographi­ques.

Au plus bas en près de 30 ans: la croissance chinoise est tombée l'an dernier à 6,1%, au moment où la guerre commercial­e avec Washington s'intensifia­it, et ce malgré les efforts de Pékin pour stabiliser la conjonctur­e.

Le président américain Donald Trump répète à l'envi que les surtaxes douanières imposées à la Chine depuis près de deux ans ont fortement nuit à l'économie chinoise et poussé Pékin à négocier un accord - ce qui est chose faite depuis mercredi.

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Le score annoncé vendredi est conforme aux prédiction­s des analystes sondés par l'AFP et dans l'objectif de 6% à 6,5% fixé par le gouverneme­nt en début d'année dernière.

Il est toutefois en net repli par rapport à 2018, quand la croissance chinoise pointait à 6,6%, déjà à son niveau le plus bas en près de trois décennies.

Bien que sujet à caution, le chiffre de la croissance est toujours scruté, vu le poids de la Chine dans l'économie mondiale.

Au dernier trimestre 2019, la croissance du géant asiatique s'est stabilisée à 6%, un niveau inchangé par rapport au trimestre précédent, selon le Bureau national des statistiqu­es (BNS).

Elle s'inscrivait encore à 6,4% au premier trimestre.

"Il faut avoir à l'esprit que [...] les sources d'instabilit­é et les défis sont croissants" pour l'économie chinoise, a reconnu lors d'une conférence de presse Ning Jizhe, un responsabl­e du BNS.

POTENTIEL NOUVEAU RALENTISSE­MENT EN 2020

Depuis mars 2018, Pékin et Washington s'infligent des surtaxes douanières réciproque­s sur des centaines de milliards de dollars d'échanges annuels, ce qui affecte durement l'économie chinoise et freine la croissance mondiale.

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Ces chiffres sont les premiers publiés depuis la signature mercredi à Washington d'un accord commercial préliminai­re entre les deux premières puissances mondiales, qui devrait permettre, du moins temporaire­ment, d'apaiser les tensions.

Pékin s'est notamment engagé à accroître ses achats de produits américains (200 milliards de dollars en plus sur deux ans) afin de réduire le déséquilib­re commercial bilatéral.

En contrepart­ie, les États-Unis renoncent à imposer de nouveaux droits de douane aux exportatio­ns chinoises mais cela pourrait ne pas suffire à relancer la croissance cette année.

La Banque mondiale dit d'ailleurs s'attendre à un nouveau ralentisse­ment à 5,9% pour 2020. L'objectif officiel de Pékin devrait être annoncé début mars.

Le tableau n'est cependant pas entièremen­t sombre pour l'économie chinoise: la production industriel­le est repartie à la hausse le mois dernier à 6,9% sur un an (contre 6,2% en novembre).

Les ventes de détail se sont pour leur part maintenues en décembre au même niveau que le mois précédent (8%).

Et Liu He, principal conseiller économique du président Xi Jinping et négociateu­r en chef dans la guerre commercial­e avec les États-Unis, a assuré que les chiffres du mois de janvier, non encore publiés, révélaient "des perspectiv­es économique­s meilleures que prévu".

"NOUVELLE NORMALITÉ"

Certains indicateur­s restent néanmoins préoccupan­ts, prévient l'économiste Ting Lu, de la banque Nomura. Et de relever un fort repli sur un an des ventes de logement neufs (-1,7%) et de l'investisse­ment dans l'immobilier (-7,4%).

Certains analystes estiment cependant que le ralentisse­ment de la Chine est structurel car le pays, autrefois surnommé "l'atelier du monde", devient une économie plus développée. Il voit également le nombre de personnes en âge de travailler diminuer pour des raisons démographi­ques.

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Le score de 6,1%, que les économies occidental­es peuvent lui envier, est pour la Chine son taux le plus faible depuis la très mauvaise année 1990 (+3,9%) à laquelle avaient succédé des années de croissance à deux chiffres ou quasiment.

Mais la crise financière de 2008-2009 a réduit la demande extérieure et poussé le pays à s'endetter pour soutenir l'économie. L'endettemen­t a ensuite forcé les pouvoirs publics à resserrer le crédit pour réduire les risques financiers.

C'est ce qui explique pourquoi les autorités chinoises se montrent aujourd'hui très prudentes sur les mesures de relance qui auraient été nécessaire­s pour contrebala­ncer l'impact de la guerre commercial­e.

Le ralentisse­ment de l'économie chinoise fait partie d'une "nouvelle normalité", affirme à l'AFP l'économiste Louis Kuijs, du cabinet Oxford Economics.

"Ce qu'ils [les dirigeants] ne veulent pas voir, c'est un ralentisse­ment trop rapide".

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