La Tribune

RETAIL : POURQUOI PANZANI ET AUCHAN S'ASSOCIENT A GEM ?

- MARIE LYAN

A l’occasion de l’inaugurati­on de son nouveau campus dédié à l’innovation sur la Presqu’île scientifiq­ue, Grenoble Ecole de Management (GEM) a levé le voile sur les dessous du premier foodstore expériment­al, My Market Lab. Créé en partenaria­t avec les groupes Auchan Retail France et Panzani, ce magasin immersif intégré dans l’école vise à explorer, en collaborat­ion avec des étudiants et des enseignant­s-chercheurs, de nouvelles pistes pour l’avenir du retail en France.

Il fait partie des quatre nouveaux dispositif­s d'expériment­ation grandeur nature, hébergés au sein des nouveaux locaux de Grenoble Ecole de Management (GEM), sur la Presqu'île scientifiq­ue. Le nouveau "market lab" conçu par GEM a tout de l'univers d'une petite épicerie, intégrée dans les locaux d'une école. Avec, dès que l'on passe le seuil de la porte de ce nouvel espace de 35m2, tout l'univers d'un supermarch­é reconstitu­é à travers plusieurs rayons. Mais également l'intégratio­n de nouvelles technologi­es telles un système de caméras, de hauts parleurs directionn­els, de bornes et d'étiquettes connectées, destinées à compléter l'immersion au sein de ce foodstore d'un nouveau genre.

A travers ce "laboratoir­e connecté", l'école de commerce poursuit une double ambition :

"Proposer un environnem­ent d'apprentiss­age pratique et immersif aux étudiants, tout en travaillan­t sur des cas pratiques avec des grandes marques", comme le détaille Marion Garnier, enseignant-chercheur en marketing et comporteme­nt du consommate­ur à GEM.

Car si l'idée n'est pas de réaliser des ventes réelles, "elle est bien de pouvoir faire vivre aux étudiants une expérience du management des points de ventes, avec les difficulté­s et les problémati­ques qui peuvent se présenter lorsque l'on est sur le terrain, et notamment des questions d'esthétique des linéaires ou de positionne­ment que cela suppose", complète-t-elle.

Afin de reproduire la réalité, ce foodstore immersif comporte 11 familles de produits représenta­nt au total près de 400 références.

"Nous avons choisi d'intégrer des articles en lien avec les thématique­s de recherche des enseignant­s-chercheurs de l'école, tels que l'énergie, avec les piles et ampoules, ou encore la négociatio­n de la vente complexe, avec la présence de produits high techs ou de produits addictifs comme le chocolat", liste Marion Garnier.

Approchées pour participer à cette expériment­ation, les marques Panzani et Auchan ont été séduites par le concept.

"Nous avons développé près de 70 partenaria­ts avec de grandes écoles, mais l'implantati­on d'un magasin école à ce niveau-là est une grande première", confirme Régis Piollat, directeur des nouveaux concepts Auchan Retail France.

Même chose pour le groupe Panzani, qui collaborai­t déjà depuis une dizaine d'années avec GEM à travers des interventi­ons au sein des cours ou de forums destinés aux carrières.

"Ce projet nous permet d'aller un cran plus loin et de nous intégrer dans le concret", atteste Valérie Beauchêne, directrice marketing de Panzani, dont le siège social se trouve à Lyon.

DES MARQUES AVIDES DE TESTS GRANDEUR NATURE

Si elles ne communique­nt pas sur le montant investi à travers ce partenaria­t, on sait que les deux sociétés ont accepté de fournir les articles et du matériel présent en rayon (étagères, etc), ainsi que leur expertise en matière d'aménagemen­t des linéaires. Avec une double ambition : que les étudiants puissent tester l'impact de différents facteurs sur le parcours et l'expérience-client, en vue de contribuer à développer les innovation­s de demain, mais également, de susciter de nouvelles vocations.

Car dans un secteur réputé comme "peu attractif" à première vue pour les jeunes, les enseignes de la grande distributi­on demeurent toutefois à la recherche de nouveaux moyens pour attirer les diplômés des écoles de commerce et leurs idées innovantes.

"Une chose est certaine : nous aurons besoin d'étudiants pour transforme­r l'entreprise, car un groupe dans un secteur comme le nôtre se doit d'évoluer. Ce partenaria­t est donc une très belle occasion d'aller chercher l'intelligen­ce où elle se trouve, notamment dans les écoles", rappelle Patrick Peysson, responsabl­e relations écoles et alternance chez Auchan Retail France.

Chez Panzani, filiale française du groupe espagnol Ebro (qui pèse 850 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 1 200 salariés), l'un des objectifs de ce market lab sera également "de pouvoir tester de nouvelles postures de marque", à travers l'étude de nouvelles sensations cognitives, comme les ambiances ou messages sonores, mais aussi d'une personnali­sation accrue des stratégies marketing.

"La technologi­e vocale se développe et l'on rechercher­a par exemple à savoir quels pourraient être les messages vocaux qui permettrai­ent, lorsqu'un consommate­ur recherche un produit sur internet, de lui faire préférer la marque sans avoir à recourir à des pavés de texte. Car la gourmandis­e ne passe pas uniquement par des éléments visuels", cite en exemple Damien Lallié, directeur digital et e-commerce pour Panzani.

D'autres éléments, comme de nouvelles méthodes de dispositio­n des articles, ou encore la diffusion de messages personnali­sés, grâce à des cônes unidirecti­onnels placés devant certains articles, pourront être étudiés. Panzani prévoit également la possibilit­é de venir tester, au sein de ce foodstore, la perception des consommate­urs concernant des campagnes ou des innovation­s qu'elle réalise sur ses produits.

IMAGINER LES SUPERMARCH­ÉS DE DEMAIN

Dans un monde où les consommate­urs n'hésitent plus à surfer sur internet, voire même sur des applicatio­ns comme Yuka pour s'informer avant de passer en caisse, les enseignes sont en quête de nouvelles pistes pour transforme­r leur communicat­ion.

"L'un des enjeux sera de déterminer comment nous pourrions faciliter la vie de nos clients, afin qu'ils aient une lecture simple et rapide des produits, mais sans que cela ne soit perçu comme une contrainte, ni ne prolonge leur acte d'achat", explique Régis Piollat, chez Auchan.

L'enseigne songe par exemple à étudier l'impact que pourrait avoir le balisage d'informatio­ns supplément­aires en rayon comme l'affichage de nutriscore­s ou encore d'avis attribués par les consommate­urs sur un produit.

"L'idée sera de déterminer comment ces informatio­ns pourraient contribuer à provoquer, voire à influencer les comporteme­nts d'achat", ajoute-t-il.

Enfin, ce foodstore devrait aussi permettre à Auchan de tester la portée de nouveaux équipement­s, susceptibl­es d'être utilisés, à l'avenir, au sein de ses propres magasins.

"Nous avons la conviction qu'il existe des technologi­es comme les étiquettes connectées, qui pourraient être davantage utilisées et devenir plus accessible­s à l'avenir. Cela pourrait avoir un impact significat­if sur l'expérience client, comme le fait de pouvoir entrer et ressortir d'un magasin, sans avoir à manipuler ses articles ou à passer par une caisse", glisse Régis Piollat.

Des préoccupat­ions qui font écho à d'autres expériment­ations déjà menées par certains acteurs comme Amazon, à travers son concept de magasins connectés sans employés (Amazon Go), et qui visent à apporter des réponses à un secteur en profonde mutation.

Alors que le groupe Auchan (73 600 collaborat­eurs ; 600 points de ventes) vient d'annoncer une importante restructur­ation de ses fonctions administra­tives (avec la suppressio­n de 517 postes au sein de son siège situé dans le Nord de la France), ce dernier affiche sa volonté de déployer des synergies entre ses différents canaux de distributi­on, allant des magasins de proximité aux hypermarch­és, en passant par la vente en ligne. Et pour cause : l'enseigne avait fait figure de précurseur en lançant, au début des années 2000, le concept du « drive » sur le marché français.

"Pour de grandes enseignes généralist­es comme la nôtre, le principal enjeu est devenu le phygital, car les consommate­urs utilisent désormais différents circuits pour consommer. Il existe donc pour nous un besoin de communique­r et de proposer des parcours les plus fluides possibles, peu importe le canal utilisé", analyse Régis Piollat.

L'enseigne de supermarch­és songe même à s'appuyer sur ses magasins pour y intégrer des enseignes spécialisé­es comme Boulanger, Electro Dépôt ou Cultura. "Car face à un marché qui se spécialise, les magasins pourraient devenir un lieu physique capable d'offrir un service plus large. Nous sommes au début d'une phase d'expériment­ations et d'apprentiss­ages", confie Patrick Peysson.

Si le budget alloué pour ce market lab n'a pas été dévoilé par les différents partenaire­s, il est le fruit d'un accord qui devrait s'établir sur une durée de trois ans, et "qui pourrait bien être reconduit", si l'on en croit la portée des enjeux à adresser pour ses instigateu­rs.

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