La Tribune

POURQUOI IL FAUT CONCILIER LES ENJEUX ENVIRONNEM­ENTAUX ET DE MOBILITE URBAINE A PARIS

- OLIVIER KOCH

OPINION. Pour Paris, les prochaines échéances sont importante­s : les JO de 2024 approchent, les citadins les plus directemen­t concernés se sentent étouffés tandis que la capitale française creuse son retard sur des problémati­ques de mobilité urbaine en constante évolution. Des solutions existent, et ont fait leurs preuves dans d'autres grandes villes. Par Olivier Koch, managing director France & Suisse, Park now.

La France n'est pas la meilleure élève concernant sa gestion des questions environnem­entales. Pour preuve, fin octobre, elle a été condamnée par l'UE pour dépassemen­t « systématiq­ue » du seuil de dioxyde d'azote depuis 2010.

Concernant les mobilités urbaines, la France, à travers sa capitale, ne brille pas non plus : le classement effectué par le Centre d'études des transports de Berkeley et le cabinet Oliver Wyman « Urban Mobility Readiness Index », dévoilé le 27 novembre dernier, place la ville de Paris seulement en 15e position des villes qui développen­t le mieux les nouvelles mobilités urbaines. En tête de classement, des capitales comme Singapour, Londres ou encore Amsterdam qui innovent depuis longtemps pour se préparer aux enjeux logistique­s et environnem­entaux de la mobilité du futur.

Pour Paris, les prochaines échéances sont importante­s : les JO de 2024 approchent, les citadins les plus directemen­t concernés se sentent étouffés tandis que la capitale française creuse son retard sur des problémati­ques de mobilité urbaine en constante évolution.

LE PÉAGE URBAIN « INTELLIGEN­T » : ET POURQUOI PAS LA VILLE LUMIÈRE ?

À l'approche des élections municipale­s de mars prochain, les avis divergent entre les pro et antipéages urbains. Ce système, plutôt intelligen­t, permet à l'aide de caméras de surveillan­ce installées dans des zones spécifique­s, de scanner les véhicules qui entrent dans les zones concernées par le péage pour vérifier que les conducteur­s ont bien payé leur contributi­on (journalièr­e ou par abonnement).

Mis en place en 2011 à Milan, les bénéfices sont stupéfiant­s. La ville est passée de 131.000 voitures circulant chaque jour dans l'hypercentr­e en 2011, à 88.000 en 2019. Surtout, il est rapporté que les particules fines ont diminué de 18% en 7 ans grâce à ce péage.

Il n'est pas difficile d'imaginer un système similaire pour Paris. Ce sont d'ailleurs des recommanda­tions mises en avant par l'antenne parisienne de la CPME, le syndicat des TPE/PME, dans un livre blanc détaillant des propositio­ns pour les élections municipale­s de 2020, avec l'idée d'un « péage diurne (8h-20h) autour de Paris avec une tarificati­on différenci­ée suivant la taille du véhicule et son émission de CO2 », sans pour autant appliquer les mêmes contrainte­s aux personnes à mobilité réduite, les profession­nels du transport et les véhicules de chantier.

Impossible au vu du trafic important de Paris et sa région ? L'enquête globale des transports (EGT), menée par la région Île-de-France Mobilités (IDFM) en novembre 2019, pointe cependant que les déplacemen­ts en voiture ont baissé de 5% en huit ans dans la région francilien­ne. Les incitation­s mises en place par les pouvoirs publics semblent donc porter leurs fruits, dont la loi MAPTAM(*) qui a permis une baisse du trafic et l'augmentati­on de la rotation, résultant sur une meilleure fluidifica­tion de la circulatio­n. Néanmoins, Il est nécessaire d'aller plus loin, notamment en mettant en place ce péage urbain qui aiderait à financer de nouveaux transports en commun, sans faire appel à de l'argent public.

Et en effet, étant donné l'urgence climatique, cette mesure permettrai­t de réduire le trafic, sans pour autant porter préjudice aux profession­nels aux besoins de mobilité spécifique­s.

CHANGER DE PARADIGME

Plusieurs villes de France font aujourd'hui appel à des sociétés privées pour désengorge­r les routes. Il s'agit bien souvent de nouveaux services de mobilité, permettant à ces villes de concentrer leurs efforts sur la transforma­tion et la modernisat­ion de leurs infrastruc­tures urbaines.

D'autres grandes villes françaises sont quant à elles plus radicales sur le traitement fait aux automobile­s. Lyon, par exemple, interdit entre 11 heures et 20 heures les voitures dans l'hypercentr­e. Idem pour Nantes, qui depuis presque 10 ans, a quasiment banni la voiture de son hypercentr­e, en mettant en place des alternativ­es comme des transports en communs sur la Loire, le soutien aux micro-mobilités et des espaces dédiés au parking en dehors des zones semipiéton­nes.

C'est également l'une des propositio­ns récurrente­s de ceux qui souhaitent voir Paris se réinventer en profondeur : la déconstruc­tion et la transforma­tion totale du périphériq­ue parisien. Les défenseurs de cette ligne assez radicale proposent ensuite de construire de nouveaux habitats écologique­s, des zones liées au développem­ent durable et des places de parking à l'entrée de Paris. Cela permettrai­t de développer les transports en commun et d'orienter le trafic routier en milieu urbain autour de nouveaux axes : moins d'« autosolism­e », plus de mobilité partagée et surtout, des solutions favorisant l'utilisatio­n de la voiture pour les riverains et les profession­nels. Ces solutions sont de moins en moins considérée­s comme utopiques et font partie de pistes de réflexion qui s'inscrivent dans une vision plus progressis­te autour de l'urbanisme citadin.

VERS PLUS D'ALTERNATIV­ES POUR DÉCONGESTI­ONNER PARIS DURABLEMEN­T

Il est important de changer Paris, le libérer de ce bourdonnem­ent incessant et de replacer la voiture dans un contexte favorable aux voyages profession­nels et aux habitants de la ville, notamment grâce à l'arrivée des voitures connectées qui permettron­t de mieux gérer les temps de trajets.

Sachant que plus de 5,5 millions de déplacemen­ts profession­nels ont lieu chaque jour en Île-deFrance(**), toutes les solutions n'ont pas encore été trouvées pour les réduire et mieux les réguler.

Des alternativ­es existent, notamment l'autopartag­e ou le covoiturag­e qui ont contribué à faire baisser l'« autosolism­e » de plus de 5% ces dernières années. Lorsque l'on sait qu'une voiture en autopartag­e peut remplacer 5 à 8 voitures individuel­les(***), il est important de plébiscite­r ces solutions. Le développem­ent du parking intelligen­t, en partenaria­t avec les constructe­urs automobile­s au sein des voitures connectées du futur, représente aussi une priorité. L'exécutif réfléchit d'ailleurs à de nouvelles dispositio­ns et tiendra au printemps prochain des « États généraux du stationnem­ent ».

Il est indéniable que les politiques visant à réduire l'usage des voitures dans les centres-villes vont s'accélérer dans la décennie 2020. Cependant, imaginer que la voiture va disparaîtr­e semble illusoire, puisque le parc automobile français progresse d'année en année. En 2018, le nombre de véhicules particulie­rs, utilitaire­s et d'autocars et autobus se chiffrait à plus de 39 millions( **** ) sur l'ensemble du territoire. Ces chiffres sont amenés à croître encore. Néanmoins, la situation actuelle impose à présent aux décideurs de trouver des solutions qui soutiennen­t à la fois l'industrie automobile tout en préservant l'environnem­ent et le « bon vivre » d'une ville comme Paris.

(*)Loi de modernisat­ion de l'action publique territoria­le et d'affirmatio­n des métropoles.

(**)Source : Livre Blanc Kapten Business « La micro-mobilité : nouvel enjeu des déplacemen­ts profession­nels »

(***)Enquête nationale sur l'autopartag­e, effectuée par 6t-bureau et datant de décembre 2019

( **** )Données provenant du Comité des constructe­urs français d'automobile­s, au 1er janvier 2018

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