La Tribune

NI A DROITE NI A GAUCHE, MAIS OU ?

- ROBERT JULES

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Tant l'élection d'Emmanuel Macron que le mouvement des gilets jaunes ou encore le projet de réforme des retraites ont remis en cause le traditionn­el clivage entre droite et gauche. Ce phénomène n'est pas propre à la France. Une division entre une approche collectivi­ste et une approche individual­iste est aujourd'hui plus pertinente.

Le moins que l'on puisse dire est que le projet de réforme des retraites voulu par Emmanuel Macron n'est pas un franc succès. À tel point que le chef de l'État - qui vise sa réélection en 2022 a laissé à son Premier ministre, qui vient de la droite, le soin de gérer la sortie de crise. Car après cinq semaines de grève, c'est plutôt la confusion.

Contesté par une partie de la population, ce nouveau système visait pourtant à supprimer les régimes spéciaux et à mettre en place une approche universell­e par points en conservant la répartitio­n au nom de la solidarité intergénér­ationnelle. Au-delà des aspects techniques de la réforme elle même, l'une des raisons de l'échec est à chercher dans la perte des repères qui ont structuré la vie politique de la Ve République, à savoir une division entre droite et gauche.

Paradoxale­ment, l'effacement de cette division avait permis à Emmanuel Macron de se faire élire à la présidence en accélérant l'implosion des partis de gouverneme­nt de droite et de gauche. Mais ce qui l'avait servi est en train de le desservir, comme l'atteste le mouvement des « gilets jaunes », difficilem­ent classable sur l'échiquier droite/gauche. Emmanuel Macron lui-même en est conscient.

PROGRESSIS­TES VERSUS NATIONALIS­TES

En septembre 2018, avant la tenue des élections européenne­s de 2019, il avait tenté d'installer un nouveau clivage en se posant comme leader européen des « progressis­tes » face à Matteo Salvini et Viktor Orban, qualifiés de « nationalis­tes ». Ses ex-conseiller­s Ismaël Emelien et David Amiel avaient même théorisé ce positionne­ment dans Le Progrès ne tombe pas du ciel (éd. Fayard), sans grand succès. Dans cette optique, l'essayiste britanniqu­e David Goodhart s'est taillé un franc succès avec son livre Les Deux Clans. La nouvelle fracture mondiale (éd. Les Arènes) en identifian­t deux camps : les « Anywhere » (ceux de « partout ») et les « Somewhere » (ceux de « quelquepar­t »), qui opposent, en gros, les gagnants aux perdants de la mondialisa­tion. Ce nouveau clivage essaie d'affiner celui qui existe déjà dans de nombreux pays : conservate­urs versus progressis­tes, qui, avec quelques nuances, recouvre l'opposition entre droite et gauche.

La première est attachée à sa culture traditionn­elle, défend l'entreprise privée et une économie ouverte, et préfère que l'État s'en tienne à ses fonctions régalienne­s. La seconde, au contraire, se veut ouverte en matière sociétale et souhaite que l'État soit l'acteur principal de l'organisati­on sociale, notamment grâce à une fiscalité distributi­ve et à la dépense publique, au nom de la justice sociale.

PROTECTION DE L'ETAT CONTRE PRÉFÉRENCE POUR LA LIBERTÉ

Dans une étude publiée par l'université de Cambridge, qui se base sur des données issues de 99 pays, les auteurs mettent en évidence que, si le clivage droite-gauche structure le paysage politique, en revanche, les réponses données par les citoyens montrent que leurs attitudes culturelle­s et économique­s ne recouvrent pas nécessaire­ment cette opposition, mais plutôt une division entre ceux qui veulent une protection de l'État et ceux qui préfèrent la liberté.

Autrement dit, aujourd'hui, le monde se partagerai­t entre ceux qui donnent la priorité à la collectivi­té et ceux qui croient davantage en l'individu. D'ailleurs, ne retrouve-t-on pas ce clivage dans le débat sur la réforme des retraites entre ceux qui préférerai­ent un système qui s'ouvre à la capitalisa­tion et ceux qui ne veulent même pas en entendre parler ?

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