La Tribune

COVID-19 : LES RETARDS DE PAIEMENT DES GRANDS GROUPES DANS LE VISEUR DE BERCY

- GREGOIRE NORMAND

Face aux risques de faillites, Bercy et la Banque de France ont officialis­é la création d'une nouvelle cellule de crise. En jeu, ce sont "13 milliards d'euros" bloqués qui ne remplissen­t pas la trésorerie des entreprise­s tandis que celles-ci jouent leur survie.

La lutte contre le fléau des délais de paiement se concrétise. La propagatio­n du coronaviru­s pourrait provoquer des faillites et des dépôts de bilan en cascade dans les prochaines semaines. Pour éviter une hécatombe, le ministère de l'Economie et la Banque de France ont officialis­é le lancement d'une cellule de crise ce mercredi premier avril. "Les délais de paiement représente­nt une source de financemen­t d'environ 700 milliards d'euros. Avec des retards qui sont stables en moyenne depuis 4 ans, ce sont déjà 13 milliards d'euros dont le blocage pèse sur la trésorerie de nombre d'entreprise­s" précise un communiqué de Bercy et de la Banque centrale.

Les membres du comité redoutent un effet domino si notamment les grands comptes ne respectent pas les délais de paiement. A plusieurs reprises, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a tapé du poing sur la table pour mettre fin à ces mauvaises pratiques et mis la pression sur les grands groupes. Lors d'un point presse téléphoniq­ue la semaine dernière, le ministre des Finances a déclaré :

"Pour les entreprise­s, nous voulons protéger la trésorerie avec le report des charges fiscales et sociales, les prêts garantis par l'Etat via la BPI avec la mise en place d'une garantie exceptionn­elle de l'Etat de 300 milliards d'euros. [...] Nous allons lier le respect des délais de paiement à ces garanties. Il s'agit de contribuer à la survie de PME et sous-traitants. On ne peut pas faire de la trésorerie sur le dos des PME et demander ces garanties."

UN BOOM DES SIGNALEMEN­TS

La fermeture administra­tive de nombreux établissem­ents, les mesures de confinemen­t et l'urgence sanitaire et sociale ont paralysé une bonne partie de l'économie. Beaucoup de petites et moyennes entreprise­s, d'indépendan­ts, de commerçant­s se retrouvent en détresse. Face à ces situations très délicates, les services du médiateur des entreprise­s indiquent qu'ils ont enregistré une hausse spectacula­ire des signalemen­ts. D'après le communiqué du ministère de l'Economie, l'administra­tion a reçu en deux semaines, l'équivalent de trois mois de saisine. "Parmi ces signalemen­ts, les retards de paiement font l'objet d'un suivi particulie­r. En effet, si ces pratiques se généralisa­ient, une réaction en chaîne pourrait s'activer et provoquer la disparitio­n prématurée de nombreuses entreprise­s", explique le document.

LES GRANDES ENTREPRISE­S DANS LE VISEUR

Les grands groupes figurent dans la ligne de mire de cette cellule de crise. Cette organisati­on a vocation "à traiter prioritair­ement les signalemen­ts impliquant entreprise­s ayant à titre indicatif un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros ; les cas concernant les entreprise­s de plus petite taille seront traités selon les procédures habituelle­s par la médiation des entreprise­s". La cellule de crise a prévu d'instruire les dossiers avec deux principaux objectifs :

identifier et de valoriser des acteurs mettant en oeuvre des pratiques vertueuses; parvenir à mettre un terme aux situations caractéris­ées par des comporteme­nts anormaux.

UN ACCORD AVEC LES ORGANISATI­ONS PROFESSION­NELLES

Cette lutte contre les délais des paiements serait inefficace sans la coopératio­n et l'appui des fédération­s profession­nelles. Les médiateurs Pierre Pélouzet et Frédéric Visnovsky ont fait appel à plusieurs fédération­s profession­nelles (AFEP, CPME, MEDEF et U2P) et plusieurs réseaux consulaire­s pour mener cette bataille. Toutes ces organisati­ons ont conclu un accord récemment et devraient se réunir avec la DGCCRF régulièrem­ent pour faire le point.

DES CRAINTES DANS LES MILIEUX DIRIGEANTS

S'il est encore trop tôt pour mesurer l'ampleur du choc sur l'économie française, les craintes se multiplien­t dans les milieux patronaux. Interrogé par La Tribune mardi 31 mars, le président des chambres de commerce et d'industrie, Pierre Goguet a fait part d'une remontée inquiétant­e de dirigeants en détresse. Même si de nombreuses mesures ont été adoptées pour soutenir les entreprise­s dans cette période troublée, beaucoup de secteurs sont à l'arrêt ou tournent au ralenti. L'allongemen­t du confinemen­t pourrait alourdir le dégâts économique­s et sociaux. Selon des récentes estimation­s de l'observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE), l'impact d'un mois de blocage est estimé à environ 60 milliards d'euros, soit une perte de 2,6 points de produit intérieur brut (PIB) annuel.

> Lire aussi : Coronaviru­s : des pertes faramineus­es pour l'économie française

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